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ficulté et d'incertitude dans les recherches relatives à l'époque de l'établissement de cette culture dans les différentes contrées où elle a passé (1).

(1) Les étymologistes de toutes les nations ont fait des recherches sur l'origine des noms de citrus, limon, et aurantium : persuadés que ces arbres avoient été connus des Grecs et des Romains, ils ont prétendu que l'on ne devoit les trouver que dans les langues de ces deux peuples; et cette opinion a donné naissance à toutes les conjectures formées pour l'établir.

Nous ne nous mettrons point à examiner séparément chacune des étymologies proposées: il suffira, pour les combattre, d'offrir le résultat de nos recherches et de nos observations.

On est forcé de convenir que le cítronier a été connu très anciennement des Grecs; mais ils n'ont jamais désigné ce fruit que sous le nom de pomme de Medie: le mot citrus n'a passé dans leur langue que vers le second siecle de l'empire romain, et ils l'adopterent en lui donnant uné terminaison nationale (kitrion), de même que les Latins avoient reçu d'eux précédemment le nom de pomme de Médie (mala medica): on ne peut élever aucun doute sur ce fait attesté par Dioscoridé, qui nous apprend que ce n'étoit que chez les Latins que le mot citrus désignoit la pomme de Médie; et par Phrisnicus Arabius, sophiste, contemporain de l'empereur Commode, qui dit positivement que, de son temps, les Grecs avoient adopté ce premier mot comme un synonyme de l'ancien (mala medica, quæ nunc citra appellantur).

Il est donc constant, d'après les expressions de ces deux auteurs, 1o que les Grecs ont reçu le mot citrus long-temps après avoir connu le citronier; 2o que l'on ne peut en chercher l'étymologie dans leur langue, 3o et que même il ne peut appartenir à la langue du pays, où le citronier étoit indigene; car alors les

Il n'y a pas de doute que la Ligurie n'ait été le d'Italie où la culture des agrumes ait fait le

pays

Grecs l'auroient reçu avec l'arbre, et l'auroient donné aux Latins, au lieu de le recevoir de ce peuple.

Il nous reste maintenant à examiner si ce mot étoit originaire dans la langue latine, ou bien si les Romains l'avoient tiré d'une langue étrangere.

Nous avons vu que les Latins eux-mêmes n'ont connu longtemps les citrons que sous le nom de pomme de Médie (mala medica); ils ne leur ont donné celui de citrus que très tard, et comme un synonyme du nom qu'ils avoient reçu des Grecs: ce nom cependant n'étoit pas nouveau dans la langue latine; il y étoit en usage depuis très long-temps, et on le trouve dans presque tous les écrivains du bon siecle; mais il n'étoit pas alors consacré à désigner le citronier, que l'on ne connoissoit peutêtre pas encore; on ne l'appliquoit qu'à une plante d'Afrique qui fournissoit ces tables précieuses dont nous avons parlé. Cette circonstance paroît indiquer que ce nom étoit originaire du pays d'où elles étoient tirées; car l'arbre dont on prenoit ces planches devoit avoir un nom chez les indigenes, et les marchands qui les vendoient aux Romains ne pouvoient les appeler que de ce nom: dès-lors il dut nécessairement passer dans la langue de ces conquérants, de la même maniere que les noms de la plupart des plantes d'Amérique ou d'Asie ont passé, avec la plante ou le fruit, dans nos langues modernes.

Cette conjecture est si naturelle qu'elle ne me paroît pas avoir besoin de

preuves.

Il semble plus difficile d'expliquer comment ce nom a été ensuite appliqué au citronier.

Les anciens écrivains ne nous fournissent aucun passage sus

plus de progrès nous en avons un témoignage certain dans l'ouvrage d'un médecin de Mantoue,

ceptible de jeter quelque lumiere sur ce point obscur; mais il prête à des conjectures qui ne sont pas sans fondement.

Les Romains avoient une idée très vague et de l'arbre du citrus d'Afrique, et de celui du citronier; ils les regardoient seulement comme des plantes précieuses qui leur fournissoient deux des objets les plus recherchés de leur luxe : dans un temps où la botanique étoit encore dans l'enfance, où l'on n'avoit que des notions très imparfaites des objets, il étoit aisé de les confondre, et de se persuader qu'une plante dont le bois étoit si précieux devoit aussi produire des fruits d'un grand prix.

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Plusieurs circonstances favorisoient cette fausse opinion. Les citrus d'Afrique avoient fourni pendant quelque temps des planches très belles; mais peu à peu elles devinrent très rares et on prétendit que cette exploitation avoit épuisé ces arbres sur le mont Ancorarius, et qu'il n'en croissoit plus que dans le fond de l'Atlas ce fut à peu près vers ce même temps que l'on apporta d'Asie à Rome les premiers citrons : les Romains n'avoient aucun nom propre pour désigner l'arbre qui donnoit ces fruits, tandis qu'ils en avoient un propre à la plante qui leur fournissoit les tables; ils trouverent même que les Grecs ne connoissoient ces fruits que sous une périphrase qui indiquoit le pays d'où on les tiroit: rien de plus naturel qu'ils leur aient appliqué, par estime, le nom de la plante dont ils commençoient à n'avoir plus que le souvenir, et qui, pour sa rareté et son prix, avoit tant de rapports avec les fruits nouvellement apportés.

Cette conjecture n'est fondée que sur des probabilités; mais elle est cependant plus admissible que celles des étymologistes: ceux qui desirent les connoître pourront consulter Macrobe,

qui écrivoit vers la moitiédu treizieme siecle; voici ce qu'il dit :

« Le limon est une des especes de pommes ci

dans le liv. 3 des Saturnales, chap. 19; Athénée, au liv. 3; Phanias Eresius, Isidorus, Ferraris, les Lexicons, et l'Etymolog. Magn. in voce xidpas.

Il suffira ici d'observer que le mot citrum a été donné aussi par les Latins à une espece de courge, probablement à cause de la couleur jaune qui la distinguoit : c'est de ce nom qu'est venu le nom de citrullus, d'où probablement on a tiré celui de citrouille, que l'on donne en France à une espece de courge. On n'a qu'à consulter Apicius, qui a donné le mode de l'assaisonner dans son Traité sur la cuisine.

Les mots citrinus et citrina, en qualité d'épithète, furent aussi en usage pour un grand nombre de fruits, après qu'ils eurent été adoptés pour exprimer la couleur jaune clair qui est propre au citron. (PLINE, Hist. nat.)

L'étymologie des mots limon et aurantium a été également recherchée dans les langues grecque et latine.

On a fait dériver le premier du mot (náv, qui signifie prairie (pratum irriguum); et cela d'après l'analogie qu'on a cru trouver entre la prairie et le limonier, à cause de leur verdure continuelle.

Le second a paru formé du mot auréum ; et l'ön à cru qu'aurantium n'étoit qu'une corruption du malum aureum ou malum auratum, que l'on a regardé comme un synonyme du malum hesperidum des anciens.

Toutes ces opinions ont été développées par un grand nombre d'auteurs, et principalement par Ferraris, dans ses Hespérides; par Saumaise, dans ses notes sur Solin, p. 955; par Octave Ferrari, dans ses Origines linguæ italicæ; par Ménage, dans

<< trines qui sont au nombre de quatre la pre<< miere est le citron; la seconde, l'orange (citrangulum) dont nous avons parlé plus haut;

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son Dictionnaire étymologique de la langue française; et par les auteurs du Dictionnaire de Trévoux.

Les faits que nous avons rapportés sur l'histoire de ces plantes suffisent sans doute pour nous convaincre que ces noms n'ont jamais appartenu à la langue grecque, ni à la langue latine: ces langues, ainsi que toutes les langues modernes, ne les ont reçus que des Arabes, qui eux-mêmes les avoient pris dans la langué malaise ou indostane.

C'est en effet sous les noms de lemoen et de naregan que ces plantes sont connues encore aujourd'hui dans les langues des Indes nous en sommes assurés par tous les voyageurs et les botanistes qui ont décrit les plantes de ces contrées, et principalement par Gilchrit, savant anglais, qui, dans son Dictionnaire anglais-indostan imprimé à Calcutta, indique le mot narendj comme appartenant à la langue indostane.

C'est donc des langues de l'Inde qu'ils doivent avoir passé dans le persan et dans l'arabe, où ils ont été modifiés selon le génie de prononciation : ces noms, en effet, qui par leur forme ne peuvent pas être originaires dans la langue arabe, y ont une orthographe incertaine, et qui varie dans les différents auteurs de cette nation.

De la langue arabe ils sont passés dans nos langues modernes, où ils ont également subi quelque altération, ayant été latinisés et grécisés par les auteurs qui ont écrit dans ces deux langues.

C'est ainsi que de narendj on á formé le mot latin airangi, qui a été ensuite changé en arangi, arangium, arantium, aurantium : c'est ainsi que les Français ont fait leurs mots arangi,

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