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pas garde. Il a eu des douleurs rhumatismales dans les membres à nombreuses reprises, mais ces douleurs n'ont jamais été bien vives, puisqu'il ne s'est jamais alité. Depuis trois ans, la gêne de la respiration est allée croissant; un médecin lui a donné des soins; c'est la digitale qui paraît avoir joué le principal rôle dans le traitement.

Depuis cinq mois environ, Vi.... s'est senti affaibli considérablement, il n'a plus pu continuer sa vie active; ses jambes enflaient le soir et désenflaient par le repos au lit. Depuis deux mois l'enflure des extrémités inférieures à persisté, la respiration est devenue plus courte, le sommeil difficile et pénible, et la toux est venue se joindre à tous ces phénomènes morbides.

Il réclame nos soins le 15 mars 1856. Nous constatons la position suivante face pâle et fortement bouffie, surtout aux paupières; voix cassée, toux fréquente, quinteuse, avec expectoration difficile; œdème des extrémités inférieures jusqu'aux genoux, œdème des mains et des lombes, pas de liquide dans le ventre; le malade est assis dans le lit, ne pouvant se coucher à cause de la gêne de respiration. Battements du cœur tumultueux, saccadés, forte impulsion imprimée à l'oreille ou à la main appliquées dessus; intermittence irrégulière dans les battements. Les bruits du cœur sont profonds, et quoique l'impulsion soit énergique, on ne distingue aucun bruit anormal; seulement le premier bruit est plus éclatant que le second. La percussion donne à la région précordiale une matité verticale de 8 centimètres, et dans le diamètre oblique transverse une matité de 10 centimètres.

Le foie est volumineux, il déborde en bas les fausses côtes de trois bons travers de doigt, et remonte jusqu'à un demi-pouce au-dessous du sein. Son petit lobe s'avance jusqu'à l'épigastre. La pression et la percussion sur les reins ne révèlent aucune douleur; cependant le malade se rappelle avoir éprouvé des douleurs de reins à diverses époques; il les prenait pour des douleurs rhumatismales.

La vue est intacte, l'ouïe est conservée dans toute son intégrité, l'intelligence a sensiblement baissé; la parole, ordinairement vive, est demeurée traînante; la mémoire s'est fortement affaiblie, au dire du malade. Les urines, qui ont d'abord été trèsabondantes, il y a trois et quatre mois, sont maintenant rares. En

vingt-quatre heures le malade n'en a guère rendu que 400 grammes. Elles sont claires, citrines, légèrement acides. Elles précipitent avec une telle abondance sous l'influence de la chaleur et de l'acide nitrique, qu'elles semblent converties en entier en un coagulum d'un blanc de neige à gros flocons. Il s'agit du mal de Bright chronique, latent, compliquant une affection organique du cœur et une hypertrophie du foie probablement granuleuse.

Six ventouses scarifiées sur le foie, purgation avec 30 grammes de sulfate de soude, un vésicatoire sur chaque rein, frictions sur les jambes avec les teintures de quinquina et de digitale, tisane de fleurs de genêt.

Le 18, Vi.... se trouve mieux; ses jambes ont un peu désenflé, il peut dormir, sa toux persiste quinteuse : il n'y a aucun engouement, aucun œdème pulmonaire, ni épanchement pleural.

Même tisane, mêmes frictions, nouvelle purgation avec 30 grammes de sulfate de soude, trois cuillerées d'oxymel scillitique par jour, 120 grammes de décoction de quinquina.

Le 25, Vi.... se trouve tellement bien qu'il a pu faire une promenade à pied aux Champs-Élysées. Les jambes sont complétement désenflées; l'urine est rendue en plus grande abondance (jusqu'à 1,200 grammes en vingt-quatre heures), mais elle continue à précipiter aussi abondamment. On continuera le quinquina, les frictions, la même tisane, et de plus le malade prendra tous les jours cinq dragées de Gille au protoiodure de fer. Alimentation végétale prédominante, vin de Bordeaux.

Sous l'influence de ce traitement, suivi pendant trois semaines, le malade se trouve si bien qu'il reprend ses travaux, interrompus depuis plus de six mois, et croit pouvoir se passer de nos soins.

Le 25 mai, il nous rappelle. Cette fois il est enflé des pieds à la tête; la peau du dartos est fortement infiltrée; le ventre est tendu, les parois en sont très-épaissies par infiltration séreuse; la cavité péritonéale contient elle-même une certaine quantité de liquide; épanchement pleural droit, dans le tiers inférieur; très-grande gêne dans la respiration, toux incessante et sèche, insomnie complète, décubitus assis, la vue et l'ouïe restent intactes. Urine très-rare et toujours aussi fortement albumineuse.

Vésicatoire de 4 pouces de diamètre à la base postérieure

ALBUMINURIE PERSISTANTE OU DURABLE. droite du thorax, purgation avec 30 grammes de sulfate de soude, qu'on répétera deux jours après. Tous les jours un verre d'infusion de quinquina et 15 gouttes de perchlorure de fer à 20° dans un demi-litre d'eau.

30 mai, amélioration sensible pour l'anasarque; l'épanchement pleural est résorbé; mais les urines restent toujours très-fortement albumineuses. Suivre le même traitement.

6 juin. Il est survenu des vomissements qui empêchent l'alimentation; perte de l'appétit, somnolence, hallucinations; le malade distingue toujours les objets fins. Il assure que sa vue n'a pas baissé. Les jambes, extrêmement œdématiées, sont couvertes d'une rougeur érythémateuse, qui s'étend des pieds aux genoux; c'est presque un érysipèle. Les bourses sont tellement tuméfiées, que le malade en éprouve une grande inquiétude. Même état des urines; moucheture sur les bourses, pour procurer un écoulement de sérum, puis compresses aromatiques. Même traitement, glace à l'intérieur.

Pendant un mois, il y a des alternatives d'amélioration et de pis; l'érythème des jambes se dissipe et revient; mais l'anasarque prend définitivement une telle extension que la peau se fendille sur divers points des membres inférieurs, et laisse suinter de la sérosité.

Deux fois durant ce mois nous sommes contraint de pratiquer la paracentèse, qui soulage un peu le malade par l'écoulement de quelques litres de sérum.

Le 15 juillet, l'écoulement des jambes et des pieds a été tellement considérable, que l'anasarque a été jugée. L'appétit est revenu et les digestions sont bonnes; seulement le malade ne se réveille que pour manger. Il s'endort aussitôt après et est incapable de converser; c'est à peine s'il répond à quelques questions. La vue paraît maintenant profondément affaiblie; l'ouïe est devenue obtuse, et il y a une telle langueur, un tel affaiblissement, que Vi.... semble tout à fait étranger à la vie extérieure. Il n'a qu'une préoccupation, celle de manger aux heures de repas. Le ventre est déprimé, ses parois sont flasques et mollasses; on peut maintenant saisir avec les mains à travers ces parois le foie, qui est d'un volume énorme. Il descend jusqu'au niveau de l'ombilic et déborde l'épigastre à gauche. Les jambes sont toujours le siége

d'une rougeur érythémateuse intense, l'épiderme est épaissi, les points nombreux de fendillure, qui donnent toujours lieu à un suintement considérable, sont convertis en espèce de papules saillantes et indurées. Des compresses imbibées de décoction de fleurs de sureau enveloppent constamment les jambes; les pieds sont appuyés sur des planches percées de trous pour laisser écouler le liquide. La quantité qui s'écoule par jour n'est pas moindre de deux litres. L'urine est rare, citrine, et toujours très-fortement albumineuse. Infusion de quinquina, perchlorure de fer.

Le 25 juillet, le malade est réduit à l'état de squelette; sa peau est sèche, terreuse; il est survenu de la diarrhée depuis cinq jours. Somnolence profonde, continue; c'est à peine si l'on peut le réveiller pour lui faire prendre du bouillon et un peu de vin.

Le 27, état comateux profond. La mort survient dans cet état le 28, à cinq heures du matin.

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CLIV. OBSERVATION. Mal de Bright chronique, syphilis constitu tionnelle, attaques d'éclampsie.

Pér...., garçon de restaurant, 13, place du Havre, jeune homme de vingt et un ans, nous consulte, en janvier 1859, pour une roséole syphilitique, avec engorgement des ganglions cervicaux postérieurs et sous-maxillaires. Il avait eu, deux mois auparavant, un chancre sur le gland; on l'avait guéri rapidement par des cautérisations successives. Nous constatons encore une forte induration lenticulaire sous la cicatrice du chancre. Nous lui prescrivons le traitement spécifique : proto-iodure d'hydrargire à 0,05 et 10 centigrammes par jour. Ce jeune homme suit ce traitement environ cinq mois avec quelques faibles interruptions.

En juin de la même année, il est pris de malaise, céphalalgie violente et de vomissements. Il nous fait appeler. Il vomit encore à notre arrivée; les matières vomies sont liquides, légèrement verdâtres. Il nous déclare qu'il a été déjà pris trois fois de cette céphalalgie violente, suivie de vomissements. Nous n'attachons d'abord aucune importance à ces accidents; le lendemain, Pér... se trouve bien, et reprend son service.

Environ un mois après, son oncle, chez qui il travaille, nous fait appeler. Le jeune Pér... est couché sur le ventre, la face contre

l'oreiller, en proie à des douleurs de tête térébrantes, dans un demi-coma qui l'empêche de répondre clairement à nos questions. Il n'a pas eu de convulsions; il se plaint d'une horrible céphalalgie frontale qui lui enlève la mémoire, d'une envie pressante de dormir malgré la douleur, de dureté de l'ouïe et d'éblouissements très-prononcés. Son pouls est dur et bat 82; sa peau est chaude et sèche, et cependant la face est d'une remarquable pâleur; il a quelques nausées, une énorme lassitude dans les membres. L'oncle nous dit que son neveu est pris de cette migraine tous les quatre ou cinq jours, qu'il est obligé de se coucher, et qu'après avoir vomi, il est ordinairement débarrassé.

Nous hésitons un instant sur l'état pathologique de Pér....; nous nous demandons si ces douleurs ne seraient pas de nature syphilitique, s'il ne s'agirait pas d'accident tertiaire portant sur les os du crâne; mais l'absence de tout autre accident, la forme intermittente de la céphalalgie, l'hébétude qui lui succède, la lassitude des membres, la pâleur de la peau, avec un peu de bouffissure des paupières supérieures, nous font pencher à admettre le mal de Bright. Cette présomption est corroborée par la dureté de l'ouïe et les troubles de la vision que présente le malade. Nous voulons avoir une certitude en analysant les urines, mais il ne peut en rendre en notre présence, et l'on nous promet de nous en envoyer dans la journée.

La palpation et la percussion des reins ne révèlent pas de sensibilité anormale de la part de ces organes; cependant Pér..... nous assure avoir de temps en temps des douleurs de reins.

Dans la journée, l'oncle vient nous voir. Nous lui faisons part de notre conviction sur la maladie de son neveu. Il penche à l'envoyer dans son pays natal, le midi de la France; nous le lui conseillons, et le lendemain il le fait partir sans nous avoir apporté des urines. Jusque-là nous avions une presque certitude, mais le signe pathognomonique du mal de Bright nous manquait.

Trois mois après, l'oncle de Pér... vient nous dire qu'on lui écrit de son pays que son neveu a eu une attaque d'apoplexie; que, depuis trois jours, il ne donne pas signe de connaissance, et nous consulte sur ce qu'il y aurait à faire. Nous présumons qu'il s'agit d'une attaque d'éclampsie, et nous rédigeons une consultation pour le médecin de la localité.

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