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DE L'ALBUMINURIE DANS LA GROSSESSE.

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La grossesse et la parturition prédisposent à l'albuminurie, c'est un fait actuellement de science courante; nous ajoutons que la lactation, qui est comme une continuation de l'état puerperal, y prédispose également. Cela résulte des faits que nous avons pu recueillir nous-même et de ceux que nous avons compulsés.

Nous avons à traiter trois questions capitales à propos de l'albuminurie des femmes grosses: 1° l'albuminurie est-elle ici symptomatique des lésions rénales du mal de Bright? 2° l'éclampsie des femmes grosses ou en couches est-elle toujours liée à l'albuminurie? 3o l'éclampsie puerpérale albuminurique est-elle une manifestation constante du mal de Bright.

Simpson est peut-être le premier qui se soit occupé de l'albuminurie de la femme grosse. Il avait déjà noté sa fréquence, sans préciser dans quelles proportions elle apparaît. Depuis, une foule de médecins ont étudié la même question, et, à l'exception de M. Blot, pas un d'entre eux n'avait établi dans combien de cas l'albuminurie se montre chez la femme grosse ou en parturition. Placé dans des conditions favorables pour mener cette étude à bonne fin, observant dans la salle de clinique d'accouchement où se donnent rendez-vous des malheureuses qui viennent faire leurs couches, cet auteur a noté l'albuminurie une fois sur cinq, proportion considérable en apparence, mais justifiée par l'état des sujets sur lesquels ont roulé les observations.

En effet, si, par le fait de la grossesse, le sang de la femme subit une altération qui, de l'avis unanime, prédispose à l'albuminurie, il est évident que cette altération augmente chez les femmes mal logées, mal nourries, en proie aux chagrins, à la fatigue et à une foule de peines morales et physiques. Eh bien! généralement, les femmes qui vont accoucher à la Clinique se trouvent dans ces con

ditions; donc l'albuminurie doit apparaître plus fréquemment chez elles que chez celles qui vivent au milieu de conditions meilleures.

Nous avons dirigé des recherches dans le même sens que M. Blot, mais sur un autre théâtre, puisqu'elles ont porté sur des femmes observées en ville; aussi nos résultats sont différents de ceux qu'il a obtenus. Nous n'avons constaté l'albuminurie qu'une fois sur dix; mais cette proportion est encore tellement forte, eu égard à ce qu'on observe dans d'autres conditions de la vie ou dans d'autres états morbides, qu'on ne peut s'empêcher de reconnaître que la grossesse y prédispose plus qu'un autre état.

Simpson admettait et admet encore que l'altération, subie par le sang dans la grossesse, domine toute l'évolution albuminurique. C'est à cette altération qu'il faut, selon lui, rapporter le trouble fonctionnel qui peut n'être que temporaire ou persistant. Par sa persistance, il finit par susciter les lésions rénales du mal de Bright. Voilà une doctrine appuyée par un homme considérable dans la science.

Frerichs a adopté en très-grande partie la manière de voir de Simpson. I considère l'altération du sang de la femme grosse comme prédisposant à l'albuminurie, et caractérise cette altération surtout par l'accroissement de l'eau et de la fibrine (hydrémie, hyperinosie), la diminution de l'albumine (hypalbuminosie) la diminution des globules rouges (oligocythémie), l'augmentation des globules blancs (leukémie). Il n'admet pas d'inflammation spéciale dans la plupart des cas, et ne voit dans les exsudats des tubes urinifères qu'un résultat d'hyperémié lié à l'altération du.

sang.

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La plupart des auteurs n'ayant étudié l'albuminurie qu'à propos de l'éclampsie des femmes en couches, il en est qui n'ont voulu voir en elle qu'un phénomène dû à la néphrite albumineuse, à l'affection granuleuse des reins. C'était d'abord la manière de voir de M. Rayer, qui a dû cependant modifier son opinion en présence des reins d'une femme morte d'éclampsie, que lui présentait M. Blot, et sur lesquels il ne put découvrir aucune des lésions classées dans ses six formes. M. Cahen professe encore sans restriction que l'albuminurie est liée dans tous les cas à la néphrite albumineuse. M. Blot est plus réservé; il penche même à admettre

que, dans la pluralité des cas, il n'y a que trouble fonctionnel; c'est donc la doctrine de Simpson qu'il embrasse en thèse générale. MM. Devillier fils et Regnaut (Archives gén. de méd., 1848) ont trouvé parfois des lésions rénales analogues à celles du mal de Bright, d'autres fois ils n'ont rencontré aucune lésion. « S'il n'est pas possible de nier, disent-ils, que dans quelques cas les germes de l'albuminurie ne se soient développés avant la grossesse ou accidentellement pendant son cours, et que cette maladie ne fasse qu'emprunter un cachet particulier à l'état de l'organisme au milieu duquel elle se développe; d'un autre côté, l'observation nous démontre qu'elle apparaît le plus souvent avec la grossesse et qu'elle disparaît avec elle. >>

Ces auteurs établissent une relation de cause à effet entre l'albuminurie et la grossesse ; mais ils préfèrent classer cette cause dans les modifications internes et générales dont ils ont trouvé les preuves dans la composition intime du sang, plutôt que dans l'action toute locale et mécanique des reins indiquée par M. Rayer. Ils se rangent donc à la doctrine de Simpson.

M. Depaul, qui reconnaît que l'albuminurie est beaucoup plus fréquente dans la grossesse que dans les autres conditions de la vie, ne nie pas la possibilité d'une néphrite ou de toute autre altération chez la femme grosse albuminurique; mais il pense que le plus souvent l'albuminurie ne résulte que d'un trouble fonctionnel, et cette conviction lui est suggérée par les résultats de nombreuses autopsies qu'il a faites. (Séance de l'Académie de médecine du 29 juill. 1851.)

M. Depaul va plus loin; il ne pense pas qu'il soit exact de dire qu'il n'y a pas d'éclampsie sans albuminurie, pas plus qu'on n'est fondé à regarder cette dernière comme la cause des phénomènes convulsifs.

Le docteur Wasthe attribue l'albuminurie de la grossesse, soit à une affection des reins, soit à la compression des veines émulgentes. MM. Paul Dubois, Danyau, Cazeaux soutiennent absolument les mêmes opinions que M. Depaul. M. Cazeaux dit : L'albuminurie de la grossesse ne s'accompagne pas en général des troubles fonctionnels et des symptômes auxquels elle donne lieu quand elle est liée à une maladie des reins (Traité des accouch., p. 316).

M. Leudet, dans son Mémoire sur l'albuminurie des femmes

grosses, dit qu'elle peut persister des semaines, des mois après l'accouchement, et qu'elle peut être, dans ces cas, l'indice d'une néphrite albumineuse; que la néphrite albumineuse, survenue consécutivement à la grossesse, s'accompagne de tous les accidents de l'affection idiopathique; que l'anatomie pathologique a montré souvent dans les reins de ces malades les lésions de la néphrite albumineuse (Leudet, Gazette hebdomadaire, 14 avr. et 5 mai 1851). Jusque-là, la majorité des auteurs s'étaient rangés à la doctrine de Simpson, et l'albuminurie n'était pour eux que le résultat d'un trouble fonctionnel inhérent aux conditions de la grossesse. Dans quelques cas seulement des lésions rénales pouvaient être constatées, soit qu'elles fussent consécutives au trouble fouctionnel, soit qu'elles eussent existé d'emblée.

Les études microscopiques devaient faire diversion à cette manière de voir. En effet, avec le microscope on devait découvrir des lésions de structure rénale que l'œil nu ne pouvait constater.

En Angleterre, comme en Allemagne, on observa bientôt que, dans presque tous les cas, le microscope révélait des lésions de structure. Mais il y avait là cette exagération que comporte toute étude nouvelle. G. Johnson en Angleterre, Frerichs, Braun et Weld en Allemagne, sont les auteurs qui ont fait les études les plus sérieuses à l'aide du microscope sur les lésions de structure des reins, à la suite de l'éclampsie puerpérale. Il est clairement démontré aujourd'hui que, si les lésions rénales sont beaucoup plus fréquentes qu'on ne le croyait à la suite de l'albuminurie des femmes enceintes, il reste néanmoins, après les recherches microscopiques les plus sérieuses, un bon nombre de cas où l'on ne rencontre aucune lésion de structure des reins.

Pour prouver ce fait, qui est désormais acquis à la science, il nous suffit de citer les résultats obtenus par les hommes qui ont fait en cliniciens et en micrographes les recherches les plus consciencieuses comme les plus importantes, Braun et Weld, qui ne se sont occupés que de l'éclampsie des femmes en couches, par conséquent des cas les plus graves d'albuminurie dans la grossesse.

Braun cite une série de douze cas d'éclampsie terminés par la mort. Sur ces douze cas, on a trouvé sept fois des traces anatomiques du mal de Bright; dans les autres cas, il est dit que l'examen microscopique ne put être fait. Dans une autre série de six

ALBUMINURIE PERSISTANTE OU DURABLE. cas également terminés par la mort et observés à la clinique d'accouchement de Vienne, trois fois le microscope a révélé des lésions rénales, trois fois les reins ont été trouvés parfaitement sains. Cependant, toutes ces malades avaient été fortement albuminuriques et avaient succombé à l'éclampsie (Braun, De l'éclampsie, p. 26). Ainsi, même après les lumières que nous fournit le microscope dans la recherche des lésions de structure, il reste démontré que sur six cas d'éclampsie où l'albuminurie est très-intense, il en est trois où l'on ne trouve rien dans les reins. Si l'on tient compte des cas d'albuminurie à durée peu longue, à intensité peu prononcée, on est forcé de conclure que les lésions rénales se montrent dans la minorité des cas d'albuminurie des femmes grosses.

L'albuminurie puerpérale est donc, comme dans les autres états morbides où on la rencontre, tantôt accompagnée de lésions de structure rénale et tantôt sans lésions. Le mal de Bright peut exister avant la conception et poursuivre sa marche durant le gravidisme, ou bien surgir durant la grossesse comme il surgit dans une foule d'autres conditions de la vie, et alors on observe tous les accidents ou phénomènes morbides qui lui sont propres.

L'albuminurie se montre fréquemment, très-fréquemment dans la grossesse. De l'aveu de tous les observateurs, et à quelques exceptions près, elle se termine aussitôt ou bien peu de temps après les couches. Braun lui-même a reconnu la véracité de ce fait avancé par M. Rayer. Dans la très-grande majorité des cas cités par M. Blot et terminés par la guérison, l'albuminurie a cessé, en moyenne, deux jours après les couches. Tandis que beaucoup d'auteurs soutiennent qu'elle se montre plus fréquemment à partir du septième mois, il en est qui l'ont observée au quatrième et même dès le troisième mois de la grossesse.

Une opinion, qui repose vraisemblablement sur une observation inexacte, veut que l'albuminurie soit parfois, et ipso facto, la conséquence d'une attaque d'éclampsie. Il aurait fallu analyser les urines avant et s'assurer qu'elles n'étaient pas albumineuses, pour que cette opinion eût une valeur incontestable; or cela n'a pas été fait dans l'espèce, que nous sachions. On a soutenu aussi que l'albuminurie survient plus souvent pendant et immédiatement après le travail de parturition que pendant la grossesse.

Il y a là deux causes d'erreurs : la première provient de ce

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