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LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN

AU COIN DE LA RUE HAUTEFEUILLE

1880

LE SIÈGE

ET

LA PRISE DE CONSTANTINOPLE

PAR LES TURCS

D'APRÈS DES DOCUMENTS NOUVEAUX.

L'histoire du siège de Constantinople a été souvent faite et refaite les grands récits de Gibbon et de Hammer ont été arrangés et remaniés par bien des historiens. Cependant aucun de ces remaniements ne satisfait à l'état actuel de la science. Des documents nouveaux et de différents ordres ont été découverts. Ils permettent de rectifier beaucoup de légendes. Ils modifient non pas seulement certains détails secondaires des opérations du siège, mais, ce qui est plus important, l'impression d'ensemble qui résulte de la défense des Grecs. Il y a donc lieu de reprendre en sous-œuvre les matériaux de cette histoire et d'écrire non pas sans doute un récit définitif, personne ne peut avoir cette prétention, mais un récit qui soit au courant des recherches récentes. D'ailleurs le moment semble bien choisi tous les esprits sont depuis quelque temps tournés vers les événements d'Orient. Les Turcs ont pu craindre naguère d'être dépossédés de leur glorieuse conquête de 1453 peut-être même maintenant ne se sententils pas complètement en sécurité, et beaucoup de leurs hommes d'État sont agités en secret de sinistres pressentiments pour l'avenir. Actuellement aussi beaucoup de nos lecteurs comprendront mieux cette histoire. Après avoir vu avec angoisse se dérouler devant leurs yeux les péripéties lugubres du siège d'une grande et noble cité, ou après en avoir lu jour par jour la chronique poignante, ils s'initieront plus facilement aux inquiétudes et aux souffrances des Grecs du xv° siècle. Ils sauront mieux entrer dans REV. HISTOR. XIII. 1er FASC.

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:

leurs sentiments et c'est la disposition d'esprit la plus favorable pour étudier avec fruit les événements passés.

Avant de raconter le siège de Constantinople, il est indispensable de faire la critique des différentes sources de cette histoire. C'est le meilleur moyen d'expliquer et de légitimer notre tentative nouvelle.

I.

Gibbon, Hammer et ceux qui les ont suivis, ont consulté surtout trois historiens grecs: Phrantzès, Ducas et Laonique Chalcocondyle. Georges Phrantzès, témoin oculaire, était allié par sa femme à la famille des Paléologues. Il était à même de bien voir les événements. Mais il était aveuglé par une haine violente contre les Latins. De plus il a écrit ses annales dans un âge très avancé. Il a mis dans sa chronique les angoisses et la pusillanimité d'un vieillard et d'un Grec qui désespérait du succès. Mais sa vie même est une protestation contre son récit. Il s'est battu mieux qu'il n'a écrit. L'historien devra donc toujours se tenir en garde contre les contes et les légendes qu'il rapporte et contre ses assertions haineuses ou désespérées. Ducas, petit-fils de Michel Ducas, le ministre et l'ami de Cantacuzène, est un Grec des îles, témoin oculaire comme Phrantzès, mais partisan déclaré de l'union avec les Latins. Laonique Chalcocondyle, d'Athènes, historien froid, impénétrable, écrit à Athènes après l'événement, sur pièces authentiques et documents de toute sorte, sans grand discernement quelquefois, mais toujours avec une impartialité évidente. Ces deux historiens ont un style plus mâle et de plus nobles accents que Phrantzès. Leur histoire a plus de physionomie, de mouvement et d'action 1.

La version byzantine nous est encore fournie par un autre document de grande importance, publié récemment par Enrico Cornet, d'après un manuscrit de la bibliothèque impériale de Vienne, déjà signalé par plusieurs savants italiens. C'est un journal du siège, rédigé jour par jour, et comme sous la dictée des événements, par un noble de Venise, messire Nicolò Barbaro,

1. Nous citerons ces trois historiens d'après l'édition de la Patrologie de Migne : les annales de Phrantzès sont au tome CLVI, col. 833 et suiv.; celles de Ducas au t. CLVII, col. 1057 et suiv.; celles de Chalcocondyle au t. CLIX, col. 376 et suiv.

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