CHAPITRE II. Voyage de la Princesse Tramarine à la fontaine de Pallas. DES que Tramarine fut entrée dans fa quinzieme année, on lui fit fa Maison. Célianc fut nommée pour être fa premiere Dame d'honneur; c'étoit une perfonne d'un efprit vif & brillant, &, comme je l'ai dit, parente de la Princeffe du côté de la Reine Cliceria. Tramarine l'aimoit beaucoup, elle lui avoit accordé. toute fa confiance; il eft vrai que perfonne n'en étoit plus que digne, par fon mérite, fon zele & fon attachement. La Reine jugeant alors la Princefle affez formée pour foutenir la neuvaine prefcrite par les Loix, fit affembler fon Confeil pour ordonner les bains Tramarine ne pouvoit fe difpenfer de prendre à la fontaine miraculeufe; elle voulut que ce voyage fe fît avec toute la pompe & la magnificence convenables à une Princeffe destinée à remplir le Trône de Caftora. Quatre mille Amazones furent commandées pour escorter la jeune Princeffe, & les Dames les plus qualifiées briguerent à l'envi l'honneur de l'accompagner: chacune s'empreffa à lui faire la cour, n'ignorant pas qu'elle devoit régner immédiatement après avoir donné des preuves de fa fécondité; faveur qu'elles ne doutoient pas que la Déeffe ne lui accordât. Lorfque la Princeffe fut arrivée au Temple, les Prêtreffes & les jeunes filles confacrées au culte de la Déesse vinrent au devant d'elle, &, après l'avoir reçue des mains de fes Dames d'honneur, elles l'introduifirent dans l'enceinte du Temple aux fons de mille inftrumens. Tramarine préfenta alors à la Déeffe Pallas des offrandes dignes du rang qui l'attendoit; elle fit enfuite fes prieres fuivant le rit accoutu mé, auxquelles les filles de Pallas fe joignirent par des chœurs délicieux. Lorfque toutes les cérémonies qui s'obfervent à la réception des Princeffes furent achevées, on la conduisit à la fontaine pour y prendre les bains falutaires, ce qui fut continué pendant les neuf jours, fans qu'il fût permis à la Princeffe de parler à aucune des femmes de fa Suite, lefquelles s'étoient retirées aux environs du Temple fous des tentes qu'elles y avoient fait dreffer ; les Prêtreffes fervi rent elles-mêmes la Princeffe, & ne la quitterent ni le jour ni la nuit. Pendant la neuvaine de la Princeffe, on fit défenses à toutes perfonnes d'approcherde la fontaine, afin d'éviter qu'elle ne fût confondue avec le vulgaire. Ce fut auffi dans la vûe de conftater les faveurs que la Déeffe répandroit fur elle; ce qui fit que toutes les Amazones qui vinrent fe préfenter, dans l'efpérance de participer aux bienfaits de la Déeffe, furent obligées d'attendre le départ de Tramarine, & même aucune de fes femmes ne put profiter de l'a-. vantage du voyage. La neuvaine finie, la Grande-Prêtreffe remit la Princeffe entre les mains de Céliane, qui fut la premiere à lui marquer le plaifir qu'elle reffentoit d'avance fur fon avénement au |