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ment où je vois ma Princesse me feroit prefque defirer de leur reffembler. Que ne fommesnous Roffignols l'une & l'autre? Qu'ils font heureux! Ja mais l'inquiétude ni le repentir n'empoifonnent leur félicité, jamais de defirs qu'ils ne puiffent fatisfaire, & jamais leur bonheur ne leur coûte un remords. Pourquoi la Fée Bonine qui a tant de pouvoir, n'a-t-elle pas celui de nous métamorphofer ainfi ? Du moins, par mes chants & la vivacité de mes careffes, je pourrois amufer ma Princeffe & peut-être lui plaire.

Céliane s'appercevant que rien ne pouvoit diftraire Tramarine, prit enfin un ton plus

férieux. Elle avoit l'éloquence de la figure, elle reprit celle du fentiment, & parvint à tou cher le cœur de la Princeffe qui fe détermina à lui confier fon fecret. Hélas, ma Céliane, lui dit-elle en foupirant! Tous tes difcours, loin d'adoucir mes peines, ne fervent qu'à les renouveller. Faut-il que nous paffions ainfi les plus beaux de nos jours? Il eft tems, ajouta Tramarine, que je t'ouvre mon cœur toujours obfédée par ines femmes, je n'en ai pu trouver le moment. Je ne te rappellerai point mon enfance tu te fouviens affez des honneurs auxquels il fembloit que le Ciel m'avoit deftinée; cependant tu vois, ma Célianc, que

tout le réduit à paffer ma vie dans une folitude, &, malgré ton amitié & les attentions de la Fée Bonine, je ne puis réfifter à l'ennui qui m'accable. Ces jardins dont la beauté te ravit & t'enchante, les eaux de ce ruiffeau dont tu admires le crystal, redoublent à chaque instant ma peine ; &, par une fatalité que je ne puis vaincre, je ne puis non plus m'en éloigner. Cela te paroît fans doute un problême; mais lorfque tu feras inftruite de mes maux, n'en feras plus furprise. Rappelle toi, ma chere, le voyage que je fis à la fontaine de Palt las: tu fçais que, pendant ma neuvaine, je reftai renfermée dans l'enceinte du Temple, où

tu

je fus fervie par les Prêtreffes confacrées au culte de la Déefle; grace qui ne s'accorde qu'aux femmes de mon rang: mais toute la Cour ignore ce qui m'y eft arrivé. Ce n'eft qu'à ton zele & à ton amitié que, je vais confier un fecret, qui trouble depuis fi long-tems le repos de mes jours,

Apprends donc que lorsque j'eus fait mes prieres à la Déeffe & lui cus préfenté mes offrandes, les Prêtreffes me conduifirent à la fontaine, où, après m'avoir déshabillée & fait entrer dans le bain, elles s'éloi gnerent par refpect pour me laiffer en liberté. Lorsque je fus feule, je fentis les eaux fe foulever, un léger mouvement les

agita, & un jeune homme, tel qu'on nous dépeint l'Amour fe préfente à mes yeux. Timide à fon afpect, je friffonne de crainte; mais s'approchant de moi avec un regard majestueux & tendre, il me prend la main me ferre dans fes bras. Hélas qu'il étoit féduifant ! Je ne puis, ma Céliane, te peindre le trouble qu'il fit naître dans mon ame. Son premier coup d'œil a gravé pour jamais la paffion la plus vive; je ne connois de crime que celui d'avoir pu lui déplaire, & tous mes malheurs ne viennent que de celui de Favoir perdu : c'eft en vain que fe le cherche tous les jours au fond des eaux. Mais que dis-je ? ma Céliane! ma passion m'é

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