Imagens das páginas
PDF
ePub

gare, je ne puis y penfer fans trouble. Je te parlois de celui qu'il avoit répandu dans tous mes fens qui m'empêcha de fuir mes regards attachés fur un objet auffi féduifant, fembloient encore m'ôter la force de me défendre de fes careffes, lorfque les › en le rapprochant, le firent difparoître, & je remarquai qu'en s'éloignant il mit un doigt fur fa bouche, fans doute pour me faire entendre de ne point révéler ce qui venoit de m'arriver. Le lendemain, à-peine fûs-je entrée dans le bain, que le même mouvement qui s'étoit fait fentir la veille, m'annonça l'arrivée de mon Vainqueur. Il s'approcha de moi, me tint des

difcours tendres & paffionnés, Animée par la préfence, je ne fçais, ma chere, ce que je lui répondis qui parut le transporter de plaifir; car me ferrant tout à coup dans fes bras, l'éclat qui fortit de fes yeux fe communiquant dans mes veines, je me fentis embrâfée d'un feu dévorant je voulus fuir, mes forces m'abandonnerent; mais, dans le trouble qui m'agitoit, je crus m'appercevoir qu'il vouloit m'entraîner avec lui. Déja les eaux fe gon floient, & je me fentis prête à périr. Saifie de frayeur, un cri pergant m'échappe qui attira les Prêtreffes; mais, malgré le faififfement où j'étois, je ne pûs m'empêcher de regarder encore

ce

ce que deviendroit mon Vain queur. Je le vis s'enfoncer fous les eaux, & j'entendis diftinctement une voix qui me dit que ma vie & mon bonheur dépendroient de ma conduite, & que la félicité du Prince avec lequel je venois de m'unir, étoit attachée au filence que je devois garder. Je compris alors la faute que j'avois faite.

Hélas, ma chere! il n'étoit plus en mon pouvoir de la réparer. Tremblante & défefpérée, je tombai évanouie dans les bras d'une Prêtresse qui s'étoit avancée pour me fecourir & apprendre le fujet de ma frayeur. Je n'eus garde de lui en confier le motif; je lui dis feulement que la rapidité des I. Part. E

caux m'avoit effrayée : ce qui lui fit prendre la réfolution de faire entrer avec moi dans le bain une des filles destinées au culte de la Déeffe. J'avoue que je fûs fâchée de cette réfolution, prévoyant qu'elle alloit me priver de la vûe de mon cher Prince. Je ne me trompai pas, le refte de ma neuvaine se palla fans que je le vis: depuis ce jour il est toujours présent à mon efprit, c'est en vain que je le cherche. Mais, malgré mon peu d'efpoir, je ne me plais qu'au bord des eaux qui ne font néanmoins que nourrir mes peines, fans que l'ingrat qui les caufe & qui peut-être en eft témoin, daigne feulement en avoir pitié.

En vérité Madame, reprit Céliane, votre aventure eft des plus furprenantes. Vous me permettrez de vous blâmer d'avoir négligé d'employer ces raifons qui font plus que fuffifantes pour vous justifier. Il est trèscertain que la Reine Pentaphile n'auroit pu fe refuser à leur évidence; car fans doute c'est quelque Dicu marin qui a pris la forme du jeune homme qui s'eft uni avec vous à la fontaine, peut être eft ce Neptune lui-même & je ne fais nul doute, fi la Reine cût fçu toutes ces circonstances, que, loin d'ordonner votre exil elle vous eût immanquablement placée fur le Trône qu'eloccupe; vous auriez dû au

le

:

3530978

« AnteriorContinuar »