graces & obtenir de fes faveurs, s'empreffent chaque jour à compofer des élégies, des églogues & des épîtres, qu'on lui préfente en grande cérémonie: c'eft par-là que fe font connoître ceux qui lui font le plus attachés. Comme elle eft vaine, ambitieufe, fiere & orgueilleufe, & qu'elle captive entierement l'efprit de la Princeffe, elle a eu l'adreffe, pour augmenter fon autorité de changer toute la forme de l'ancien Gouvernement pour établir de nouvelles Loix; enfin, rien ne fe fait plus que par fes ordres, rien n'eft fi audacieux que ceux qui exécutent fes volontés, on leur voit entreprendre tous les jours les cho

fes les plus extraordinaires, fans que perfonne ofe s'oppofer à leurs deffeins: par une efpéce de confidération qu'on croit devoir aux titres éminens dont ils font revêtus', c'est - là ce qui les enhardit à tout entreprendre; mais ce qui eft encore plus fingulier, c'eft qu'ils exécutent avec affurance ce que les autres hommes n'auroient jamais ofé penfer.

Les fideles Sujets de la Princeffe, rebutés par toutes ces raifons, & encore plus des foumiffions aveugles que la Géante veut exiger d'eux, fe font révoltés; d'autres plus hardis attaquent perfonnellement la Géante, en difant que c'eft une fille dont on ne connoît

ni le nom ni la naissance quelques uns prétendent la faire paffer pour bâtarde; ce qui forme différens Partis dans les Etats de la Princeffe, & ce qui fait que beaucoup de fes Sujets cherchent à fecouer le joug de cette fille d'adoption, fur-tout depuis qu'elle a entrepris d'envahir tous les Gouvernemens, & de s'attribuer les graces qui ne pouvoient ci-devant être accordées que par Princeffe. On prétend même qu'elle n'a en vûe que d'éloigner les Sujets de l'obéiffance qu'ils doivent à leurs Souverains, par de nouvelles conftitutions qui paroiffent contradictoires & entierement oppofées à l'ancienne Morale: bien

la

des Corybantes ont refufé de s'y foumettre & la plûpart ont pris l'étendard de la rebellion, ce qui forme des guerres perpétuelles ; & les différentes Nations que vous voyez se raffembler ici, ne viennent que pour demander la tête de la Géante.

Dites-moi, demanda Tramarine, quelles raisons peut avoir la Princeffe de vouloir s'obtiner de compromettre fon autorité, en la laiffant dans les mains d'une fille qui peut mettre tous les Etats en combuftion? Ne devroit-elle pas plutôt la reléguer dans quelque ifle éloignée, afin de rétablir la paix que tout Souverain doit defirer pour affurer le bonheur

de les Peuples? Ne pourroiton pas encore la marier à quelque Prince étranger, affez puiffant & affez fermé pour la réduire à l'obéiffance? Le Grand Turc, ou le Grand Kan de Tartarie, me paroîtroit affez fon fait. Il eft vrai dit Verdoyant, mais ils l'ont refufée; cependant on vient de nommer des Plénipotentiaires pour traiter de la Paix, ils ont ordre de propofer le mariage de la Géante avec Philomendragon qui, comme vous fçavez, eft un grand Magicien & un Géant des plus monstrueux qui ait jamais paru. On elpare que la Princeffe pourda fe neodre aux vœux de fes Peuples, & que ce mariage les délivrera

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