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CHAPITRE XI.

Hiftoire de Brillante & de l'Amour.

La Princesse Argiliane, n'o

fant encore fe déclarer en faveur de la Reine de Lydie, crut la fervir plus utilement en affectant de fe foumettre aux ordres de fon pere. Elle connoiffoit fa cruauté, & craignoit, avec raison, que, dans un de ces momens où les mé-pris de la Reine le mettoient au défefpoir, il ne donnât des ordres contraires au defir qu'elle avoit de fauver la petite Prin

ceffe, étant accoutumé à fe venger par de pareilles cruautés. C'eft pourquoi, lorfqu'elle l'eut portée dans l'ifle Craintive, elle revint à la Cour, & dit au cruel Pencanaldon que l'enfant avoit été exposé & dévoré prefque auffi-tôt.

Brillante fut donc élevée comme la fille du Berger. Je pafferai rapidement fur fon enfance qui n'eut rien d'intéreffant, parce qu'elle n'étoit pas connue pour une Princeffe, dont ordinairement les moindres actions font toujours admirées. Cependant, lorfque Brillante eut atteint fa dixieme année, Argiliane penfa qu'il étoit tems de commencer à l'inftruire des avantages de sa

naiffance; & comme elle venoit affez fouvent dans fon ifle, pour y donner elle-même des leçons à la jeune Princeffe, qui, par fa docilité & fa dous'étoit entierement ac

ceur,

quis le cœur d'Argiliane, cette Princeffe remarquoit avec plaifir la beauté & les graces touchantes de fa jeune Eléve; elle y voyoit germer ces talens que la Nature produit, & que l'éducation perfectionne; elle admiroit fur-tout cette pudeur charmante, vrai figne de l'innocence & de la pureté du

cœur.

Argiliane, pour des raifons particulieres, n'ofoit encore faire paroître Brillante à la Cour de fon pere; cependant

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elle craignoit que cette jeune Princeffe, dont le cœur lui roiffoit difpofé à la tendresse ne vînt à former quelque engagement qui pourroit par la fuite troubler fon repos. C'est pourquoi elle commença à l'entretenir des défordres que l'Amour caufoit dans tous les cœurs: Vous devez, ma chere Brillante, dit Argiliane dans fa derniere converfation, vous tenir toujours en garde contre les attaques des hommes qui, la plûpart, ne chercheront qu'à féduire votre cœur; confervez cette pudeur qui eft le plus précieux attribut de notre fexe, elle doit toujours être la gardienne fidele de la pureté de l'ame. Gardez-vous de fa

crifier à l'Amour ce que vous avez de plus cher : l'Amour est un Dieu inquiet, perfide, tumultueux, & qui n'a de conf tance que dans fa légéreté; ce Dieu fe fait un jeu cruel des malheurs & du défefpoir de ceux qui fuivent fes Loix; fouvent on le voit brouiller l'Amant avec l'Amante, & foulever l'ami le plus tendre contre celui qu'il aime le mieux; les fureurs que l'Amour infpire ne reconnoiffent ni le rang, ni le devoir, ni la nature; il n'eft rien de facré pour lui, fur-tout lorsque la jaloufie ou la vengeance l'ani& ce n'eft qu'en le fuyant qu'on peut éviter ces

ment,

maux.

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