de l'ile, à celles qu'ont publiées notamment Pococke, Coronelli, Jauna et Reinhard, ajouteront beaucoup à la connaissance géographique de l'île de Chypre, et rectifieront de nombreuses erreurs de position et de dénomination. Pour les directions, je me suis servi de la boussole construite par le capitaine Burnier, petit instrument d'un emploi très-facile, même à cheval. L'aiguille est fixée à un cercle gradué qui tourne sur un pivot, suivant les inclinaisons diverses de la marche par rapport au méridien; les chiffres du cercle se présentent à l'œil de l'observateur par une ouverture pratiquée dans l'épaisseur de la boîte et munie d'un verre grossissant. Un arc de cercle en cuivre se relève au-dessus de la boîte et soutient, par un mouvement de tension, une soie ou un crin de cheval, qui marque sur le cercle la graduation précise du lieu que l'on vise. Un petit pied adapté à la boîte permet de tenir facilement la boussole à la main si on est à cheval, ou de la fixer au bout d'un bâton, dont on plante l'autre extrémité dans la terre, si on veut faire une observation à pied et avec plus de loisir. Je prenais ainsi l'angle de ma route toutes les fois qu'elle changeait sensiblement dans sa direction générale. Du village où je me trouvais, je visais, quand il m'était possible, le village où je me rendais, répétant l'observation, une fois parvenu à celuici, quand le temps et les lieux me le permettaient. En arrivant dans les montagnes, je ne manquais pas de tenir compte de l'élévation et de la position relative des villages, de noter (à vue d'œil) l'élévation, ou les descentes principales et les hauteurs relatives des villages que je traversais. J'ai pris, au moyen du baromètre Bunten, et quelquefois au moyen de l'appareil à ébullition de M. Regnault, dont je m'étais muni, la hauteur des points principaux des montagnes du Kantara, du Saint-Hilarion', 1. Je citerai un exemple de ces observations, qui sont fort simples à exécuter et pour lesquelles il suffit de se laisser guider par les formules et les tables de M. Oltmanns, imprimées dans l'Annuaire du Bureau des longitudes. Voici mes calculs pour trouver la hauteur du Saint-Hilarion ou Dieu d'Amour. Observation faite sur la tourelle la plus élevée du château de Saint-Hilarion, le 22 janvier 1846, à trois heures et demie du soir. Beau temps, chaud. Thermomètre libre, à l'ombre, 9o. Baromètre haut, 374,9 bas, 327,7 Therm. du barom. 10°. 702,6 du Stavro-Vouni et du Mont-Olympe ou Troodos, qui sont, avec le Machera, où je n'ai pu aller, les pics culminants du système orographique de l'île. Afin de remédier, en partie au moins, au défaut de l'observation simultanée au bas de la montagne, j'avais, pendant mon séjour à Larnaca, dressé une table d'observations à des heures et par des temps très-variés, de façon à pouvoir y choisir, pour l'état du baromètre au bord de la mer, des conditions à peu près semblables à celles où j'étais au haut de la montagne. Il y a toujours erreur dans le calcul, mais, par ce moyen, l'erreur est bien moindre. C'est en coordonnant toutes ces observations que j'ai dressé Observation la plus rapprochée dans les tables que j'ai dressées à la Marine de Larnaca, au bord de la mer. Le 2 janvier 1846, à trois heures du soir. Beau temps. La marine, station inférieure, h=765,5 et répond dans la première table de M. Oltmanns à 6,208m = a. T, T' représentant les températures centigrades des thermomètres adhérents aux Baromètres, et t, t'étant les températures des thermomètres à air libre, nous trouvons que T-7" — 16°,5—10=6°,5 et répond dans la seconde table à 9m,5 = qui seront pour nous c. t + l'=15° 9° = 24°. D'après la formule donnée par M. Oltmanns, nous voyons déjà que la hauteur approchée du Saint-Hilarion est : a b — c, c'est-à-dire : 6208-5523,8-9,5, ou 674m,7. Il y a maintenant deux corrections à faire sur cette évaluation afin d'approcher davantage de la hauteur vraie. Pour la première correction, dépendant de la température des couches d'air, je trouve qu'il faut ajouter 32,4 par suite de ce calcul : La deuxième correction, relative à la latitude (35o), nous fait ajouter encore, d'après la troisième table, 2",6, ce qui nous donne pour hauteur totale 709",7. Je trouve donc, sauf erreur, que le Saint-Hilarion est élevé de 709 mètres ou 2,129 pieds au-dessus du niveau de la mer. C'est à peu près les deux tiers de la hauteur du Vésuve et la moitié du Puy-de-Dôme. (Archives des missions scientifiques, t. Ier, p. 179, 1850.) mon itinéraire et placé toutes les localités traversées ou aperçues dans ma route. 3. Compléments apportés à mon itinéraire. A ce premier réseau, qui contournait déjà l'île et la coupait à deux ou trois endroits, j'ai ajouté les indications fournies par les gens du pays sur les villages ou les districts qu'ils avaient vus, les itinéraires publiés ou inédits de quelques voyageurs et un grand nombre de positions marquées sur les cartes de l'île que j'ai pu connaître. Les positions placées sur ma carte d'après les renseignements des gens du pays, ou empruntées aux anciennes cartes, ne sont que des indications relatives et bien approximatives. Vérifiée sur le terrain, je ne doute pas que cette partie de mon travail ne soit considérablement corrigée et améliorée. Les côtes, plus courues, sont en général mieux connues. Mais il y aura nécessairement de nombreuses rectifications à opérer dans toutes les parties hautes du Lefka, du Paphos, de l'Avdimou, et du Morpho, dans toute la région de l'Olympe et du Machera. Les positions du Kilani sont entièrement à revoir. Tout ce que je puis espérer, c'est d'en avoir indiqué à peu près l'orientation générale par rapport au chef-lieu; mais les distances sont bien incertaines. J'énumérerai plus loin les divers itinéraires rattachés à ma propre route dans l'île, parce que ce genre de renseignements mérite une attention particulière. En ce qui concerne les anciennes cartes des seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, je me suis bien gardé de leur emprunter, pour les transporter sur la mienne, toutes les positions qu'elles donnent. Je me serais exposé d'abord à répéter, après cinq ou six éditions, souvent moins exactes les unes que les autres, des noms qui se sont de plus en plus défigurés sous la main des copistes et des graveurs; j'aurais, en outre, donné une carte de l'île de Chypre qui n'aurait plus été en rapport avec l'état présent du pays, car j'estime que près de cent villages, au moins, ont été entièrement ruinés depuis la conquête turque et ne conservent plus aujourd'hui un seul habitant. J'ai préféré, en restant incomplet sur bien des points, donner avant tout une carte moderne et actuelle de l'île. Je n'ai voulu admettre et placer que des localités dont l'existence m'é tait attestée soit par mes informations personnelles, soit par des documents certains et récents. J'ai eu, à cet effet, d'inappréciables secours dans la liste des villages chrétiens dressée en 1841, pour la perception des impôts, par ordre du gouverneur Talaat-Effendi, dont j'ai obtenu une copie, et dans la nomenclature des mêmes villages qu'on m'avait communiquée à l'archevêché grec de Nicosie, et que j'ai retrouvée plus complète dans les papiers du capitaine Graves. Les mémoires divers mis à ma disposition par MM. Forcade et Théodore Goepp, successivement consuls de France à Larnaca, les itinéraires et les notes de M. Cerruti, consul de Sardaigne, et de M. Louis Cerruti, son frère, attaché au consulat, m'ont fourni aussi des indications sur la statistique de l'île et les divers villages turcs, grecs et maronites, que j'ai distingués les uns des autres par des signes particuliers. Au moyen de tous ces renseignements j'ai pu tripler au moins le nombre des localités de mon premier tracé; mais, je demande à le répéter, je n'ai jamais porté un village sur ma carte (sauf les villages abandonnés, dont j'ai quelquefois indiqué la position comme souvenir historique), que son existence ne fût bien constatée, et sa position donnée au moins approximativement par des gens du pays ou par des cartes antérieures. 4. Cartes de Chypre existant actuellement. Les anciennes mappemondes et les vieux portulans, dressés pour les besoins de l'enseignement, et plus souvent pour l'utilité de la navigation et du commerce, sont généralement sur des proportions si restreintes, quoique grandes dans leur ensemble, que les petits pays, comme les îles, n'y ont pas d'indications bien nombreuses. Le portulan de la Cava, près de Naples, tracé, au treizième siècle, sur une peau de mouton, le portulan de Pierre Vesconte (1318), du musée Correr, à Venise', la carte anonyme 2 de la bibliothèque Saint-Laurent, à Florence (1351), la belle mappemonde des Pizzigani de Parme (1367), dont notre Bibliothèque 1. Écrit sur parchemin collé sur tablettes de bois. L'exemplaire est ainsi signé : Petrus Vesconte de Janua fecit istam tabulam in Venicia, anno Domini M°. CCC. XVIII. 2. Anonymi Tabula nautica. Gaddiani reliquiæ, no 9. impériale a récemment acquis une fidèle copie, l'atlas catalan, publié par Buchon (1375), l'atlas de Vincent Pinelli (1384), le portulan de Messine (1404), la carte d'André Biancho de Venise' (1436), la magnifique mappemonde de Fra Mauro, à la bibliothèque Saint-Marc (1460), la carte de Benincasa d'Ancône, faite à Rome, en 1467, l'atlas, enfin, de Juan de la Cosa, dressé, en 1500 tous ces monuments si précieux, si réellement curieux, de l'histoire de la géographie et des découvertes géographiques, auxquels j'ajouterai l'Isolario de Barthélemy Zamberto 2, imprimé à Venise, en 1477, sont peu utiles pour l'étude détaillée d'un pays qui n'a pas une grande étendue, parce que les reproductions y descendent à des mesures trop réduites. Dans chacune des cartes que je viens de mentionner, c'est à peine si l'île de Chypre occupe, d'un cap à l'autre, un développement de cinq ou six centimètres. Les noms inscrits sur cet étroit espace sont cependant au nombre de dix à vingt; mais ce sont généralement les noms des ports les plus fréquentés, des caps les plus signalés, et par conséquent les positions ordinairement les mieux connues. Les premières cartes détaillées et spéciales que nous ayons de l'île de Chypre sont du seizième siècle, du temps de la domination vénitienne; et les plus anciennes sont restées les meilleures, si j'en excepte celle que grava à Rome, en 1562, Ferrand Bertelli, encore trop sommaire et peu exacte. Voici l'indication de toutes les cartes particulières que je connais et dont je me suis servi, ou que j'ai consultées du moins, pour compléter mon premier travail. 1. Carte de Venise de 1566. Cyprus, etc. Expensis Joh. F. Camotii. Venetiis, M. D. LXVI. 2. Carte de Venise de 1570. Cyprus insula. Venetiis, ad signum Pyramidis. M. D. LXX. 3. Carte de Paul Forlani, 1570. Al molto magnifico signore il signore Ottavio del Bene (de Vérone) Paolo Forlani Veronese. Venetia, il x maggio 1570. 4 et 5. Cartes d'Ortelius. La première: Cyprus insula, dans un 1. Bibliothèque Saint-Marc. Mss. latins, no LXXVI. 2. B. Zamberto, dit des Sonnets, à cause des sonnets qu'il a consacrés à la plupart des îles représentées dans son Isolario. Les cartes y sont dessinées et rubriquées à la main. |