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d'autres, à propos d'un usage dont on ne connaissait pas l'origine. Chacun modifiait, contournait à sa guise ces traditions fabuleuses; il suffisait qu'on eût une histoire quelconque à rattacher à chaque solennité religieuse. Il entrait dans le plan d'Ovide de rassembler les plus brillantes de ces fictions dans son poëme des Fastes; ouvrage extrêmement précieux comme recueil de traditions populaires, non de récits historiques. TiteLive nous a bien assez avertis qu'il n'entend point écarter des annales romaines ces détails accoutumés à les orner, et sans lesquels on les eût de son temps jugées incomplètes. Ses commentateurs font plus : ils les croient. Nous ne voulons pas plus qu'eux ignorer les fables, mais nous nous efforçons de les discerner de la vérité.

Heureux d'avoir pu interrompre un instant par ce récit l'austère histoire de deux guerres sanglantes, hæc inter duorum ingentium bellorum curam gerebantur, Tite-Live revient aux deux consuls, qui prennent les armes, Junius contre les Samnites, Barbula contre les Étrusques; ainsi en a décidé le sort. Les Samnites réduisent par la famine Cluvia, une de leurs propres villes, occupée par un détachement de Romains, et ils massacrent ces Romains, après les avoir déchirés à coups de verges. Pour s'en venger, Junius attaque Cluvia, s'en empare, et passe au fil de l'épée tout ce qu'il y trouve d'hommes en état de porter les armes. On ne sait plus du tout quelle était la position de Cluvia; mais Bovianum, cité opulente, fournissait à la confédération samuite beaucoup d'argent et de soldats valeureux. Junius la prit, et daigua se contenter de ruiner les habitants: il les dépouilla de tous leurs biens, et leur laissa

la vie; le Samnium entier n'avait pas encore fourni une proie si riche. Cependant l'habile consul se laissa tromper par des paysans, qui vinrent lui apprendre qu'il trouverait au milieu d'un bois une immense quantité de bétail; << tant il est difficile aux grands cœurs, s'écrie « le père Catrou, de se défier des embûches d'un ennemi << que l'on méprise! » Cette exclamation peut surprendre quand il s'agit des Romains, qui employaient si volontiers la ruse, même contre les plus faibles adversaires. La forêt indiquée par ces paysans se trouvait, à ce que rapporte Zonaras, entre Cumes et Pouzzoles, et recélait un lac qui exhalait une odeur mortelle : c'était le lac Averne, un soupirail de l'enfer. Or, une armée de Samnites était embusquée aux points les plus élevés de ces bois sitôt qu'elle vit les Romains engagés dans les gorges, elle fondit sur eux avec des clameurs et un fracas horrible; mais, après un instant de surprise, ils retrouvèrent leur calme courage, et d'eux-mêmes se rangèrent en bataille, sans que leurs officiers s'en mêlassent. Le consul descend de cheval; il atteste Jupiter, Mars, tous les dieux, qu'il a négligé le soin de sa propre gloire pour enrichir d'un nouveau butin ses soldats chéris; il compte sur leur bravoure pour le soustraire aux reproches qu'il peut mériter. Un seul effort de l'armée entière, et elle va terrasser un ennemi vaincu dans les batailles, chassé de ses camps, chassé de ses villes, qui met son espoir dans les piéges qu'il tend, dans la position qu'il occupe, ne pouvant le mettre dans ses armes. Est-il un poste inexpugnable à la valeur romaine? A-t-on oublié les forts de Frégelles, de Sora, tant d'autres rencontres où elle a triomphé de tous les obstacles? Enflammés par ces discours, les sol

dats n'aperçoivent plus de difficultés; ils marchent sur cette armée qui les domine, gravissent, non sans quelque peine pourtant, ces hauteurs escarpées; ils atteignent les bords du plateau, et leur seul aspect frappe les ennemis d'une terreur qui les déconcerte. Encore vingt mille Samnites mordent la poussière; et les guerriers romains sont en possession de ces troupeaux qu'on avait rassemblés pour leur dresser un piége.

Tandis que ces merveilleux exploits s'accomplissaient contre les Samnites, tous les Étrusques, excepté les Arétins, étaient sous les armes : ils attaquaient Sutrium, ville alliée de Rome, et qui n'en était distante que de trente-trois milles. Le consul Æmilius Barbula accourait pour la dégager, et soutenait contre une armée plus nombreuse que la sienne une bataille mémorable. Longtemps elle resta indécise; de part et d'autre le fer moissonna beaucoup de guerriers, et les plus braves. Il fallut, chez les Romains, que le corps des princes, principes, vînt remplacer les hastats à la première ligne. Les Étrusques n'avaient point de pareilles réserves. Ils soutinrent un long combat avec un courage indomptable; jamais on n'avait vu ni moins de déroute ni plus de carnage; la nuit seule sauva les restes de ces Toscans obstinés à mourir, et les vainqueurs se fatiguèrent plutôt que les vaincus. On ne donna qu'après le coucher du soleil le signal de la retraite; et chaque armée rentra de nuit dans son camp. Les Étrusques avaient perdu leurs premières lignes; les blessés romains étaient innombrables, et il en périt beaucoup plus dans les tentes qu'il n'en était resté sur le champ de bataille. Tite-Live ne fait pas mention des honneurs du triomphe décernés à l'un et à l'autre consul. Les Tables

capitolines fixent aux nones d'août celui de Junius sur les Samnites, aux ides du même mois celui d'Æmilius sur les Toscans. Ces deux jours correspondent aux 20 et 28 juin de l'année julienne 311 avant J. C.

L'histoire des consulats suivants jusqu'au 13 octobre 303 nous sera exposée, la prochaine fois, dans les quatorze derniers chapitres du neuvième livre de TiteLive.

CINQUANTE-SIXIÈME LEÇON.

ANNALES ROMAINES. ANNÉES 310 A 303 AVANT J. C.

Messieurs, après une digression fameuse destinée à montrer que les Romains auraient vaincu Alexandre, s'il avait porté les armes en Italie, Tite-Live a repris les annales romaines au 23 mars 318, date de l'installation des consuls Foslius et Plautius, tous deux plébéiens. Ce consulat est remarquable par la création de la première préfecture, celle de Capoue, et par l'établissement de la vingt-huitième et de la vingt-neuvième tribu, l'Ufentine et la Falérine. Les consuls suivants, Barbula et Junius Bubulcus, achevèrent de réduire l'Apulie, et remirent les légions, non à leurs successeurs, mais au dictateur Æmilius, qui vainquit les Samnites et les Saticulans. En 315, un autre dictateur, Quintus Fabius, prend Saticula, et remporte sur les Samnites une victoire signalée. Les deux consuls étaient deux personnages très-éminents, Papirius Cursor et Publilius Philo; cependant l'histoire ne leur attribue aucun exploit, aucune entreprise durant cette année. La dictature de Quintus Fabius paraît avoir duré douze mois, ainsi qu'auparavant celle d'Emilius. Installés le 16 février 314, les consuls Pétilius et Sulpicius continuent la guerre; des traîtres leur livrent Sora, Ausone, Vescia et Minturnes, si toutefois l'on peut s'en rapporter à des récits dont les détails sont en eux-mêmes peu vraisemblables. Il reste aussi quelque obscurité sur la dictature de Ménius; mais on voit qu'elle .

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