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« ron. Cette île était le premier pays que Rome eût sou<< mis à son pouvoir après la réduction de l'Italie. Il << était alors assez considérable pour avoir mérité d'être «< divisé en deux provinces, celle de Lilybée et celle de << Syracuse, dont la première échut à Cicéron; car elles << avaient chacune leur questeur, quoiqu'elles fussent «< réunies sous un même préteur, qui était Péducéus. <«< Cicéron reçut moins cet emploi comme un don << que comme un dépôt; et, suivant son propre langage, « il regarda la Sicile comme un théâtre où les regards « du public allaient être fixés sur lui. Dans le dessein qu'il avait conçu d'augmenter son crédit par la dis<< tinction avec laquelle il voulait s'acquitter de ce pre«< mier rôle, il y tourna toute son attention, et résolut « non-seulement de tenir ses passions en bride, mais de «< se refuser même les plaisirs les plus simples et les plus nécessaires. On donnait communément à la Sicile le nom de grenier de la république; et la prin

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cipale occupation du questeur était de fournir à la « ville de Rome le blé et les autres provisions. Mais << la disette étant fort grande cette année, les plaintes « du peuple se firent entendre, et ce fut pour les tribuns << une occasion de s'enflammer d'autant plus facilement, qu'ils attribuèrent les embarras publics à la suppres<<< sion de leur autorité, qui laissait tout exposé au caprice et à l'oppression des grands. La nécessité força «< par conséquent Cicéron de faire partir de la Sicile <<< des secours si considérables, que cette île en fut elle<«< même incommodée; de sorte qu'il se trouva dans la << double crainte de ne pouvoir suffire aux besoins de « Rome, et de faire souffrir beaucoup ces malheureux <«< insulaires. Cependant il ménagea ces deux intérêts

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avec tant de prudence et d'habileté, qu'il secourut << Rome sans incommoder trop sa province. Il traita << les courtiers avec tant de politesse et les marchands « avec de si sages mesures d'équité, les habitants avec «< une générosité si extraordinaire, les alliés avec une << modération si rare dans son emploi, enfin tous ceux qui eurent quelque relation à son entreprise avec << tant de preuves du désir qu'il avait de les obliger, « que, s'étant attiré l'estime et l'admiration de toute la << Sicile, on lui décerna, à son départ, des honneurs dont « il n'y avait point encore eu d'exemple. » Ce récit, Messieurs, est presque entièrement extrait des ouvrages de Cicéron, où nous lisons, par exemple, que Caton avait appelé la Sicile le grenier de la république : Ille Marcus Cato sapiens, cellam penariam reipublicæ, nutricem plebis romanæ, Siciliam nominavit. En défendant Plancius, Cicéron parle de sa propre questure, et spécialement des soins qu'il prenait pour approvisionner Rome: Frumenti, in summa caritate, maximum numerum miseram; negotiatoribus comis, mercatoribus justus, municipibus liberalis, sociis abstinens, omnibus eram visus in omni officio diligentissimus: excogitați quidem erant a Siculis honores in me inauditi. Du reste, il continuait en Sicile le cours de ses vastes et profondes études; il consacrait à la culture de son esprit tous les moments que les affaires ne réclamaient pas; et il dit lui-même qu'en quittant cette province, ses talents avaient acquis leur maturité: Jam videbatur illud in me, quidquid esset, esse perfectum, et habere maturitatem quamdam suam. Il était alors âgé de trente et un ans; et, avant de sortir de l'île, il la visita tout entière; et l'on sait

qu'il retrouva le tombeau d'Archimède près de l'une des portes de Syracuse.

Nous venons de voir, d'une part, quelles perceptions et quels recouvrements, de l'autre, quels payements et quels achats les questeurs militaires et provinciaux étaient chargés d'opérer. Ils rendaient un compte rigoureux et détaillé de toutes les parties de cette recette et de cette dépense. Ils dressaient des états de l'une et de l'autre, en laissaient des copies en deux villes de la province, et en déposaient une autre au trésor public de Rome, dans un délai de trente jours à partir de l'expiration de leurs fonctions. Ce n'était qu'après avoir rempli ces obligations qu'ils pouvaient, lorsqu'ils étaient sénateurs, reprendre le droit d'opiner au sein du sénat. Mais il ne nous est resté aucun monument de ces comptes; nous n'en connaissons pas les formes; nous ne savons pas de quelles pièces justificatives ils devaient être appuyés; ils sont désignés, comme ceux des questeurs urbains, par l'expression tabulas accepti et expensi.

Par une suite de cette confusion générale de pouvoirs dont je vous ai souvent parlé, on avait mêlé aussi certaines fonctions judiciaires à celles des questeurs d'armées et de provinces. Elles leur étaient déléguées par les généraux, par les gouverneurs. Nous en trouvons la preuve en plusieurs textes, particulièrement dans celui où Cicéron fait mention du jugement prononcé en Sicile par le questeur Cécilius contre une femme de Lilybée nommée Agonis: Vocari ad se Agonidem jubet; judicium dat statim... ipsam Veneri in servitutem adjudicat, deinde bona vendit pecuniamque redigit. Mais Verrès, préteur, vint à Lilybée,

prit connaissance de l'affaire, et obligea son questeur à restituer à cette femme le produit de la vente de ses biens: Lilybæum Verres venit postea, rem cognoscit, factum improbat, cogit quæstorem suum pecuniam, quam ex Agonidis bonis redegisset cam mulieri omnem annumerare et reddere. Ainsi, cette juridiction du questeur était subordonnée à celle du préteur. Suétone, dans la Vie de Jules César, raconte que celuici, étant questeur dans l'Espagne ultérieure, reçut du préteur la commission de parcourir cette province, et d'y juger des procès, particulièrement à Cadix : Quæstori ulterior Hispania obvenit, ubi, quum, mandatu prætoris, jure dicundo conventus circumiret, Gadesque venisset, etc.

Malgré tant d'occupations ordinaires et extraordinaires, les questeurs ne se dispensaient pas du service militaire; on les retrouvait comme soldats ou officiers dans les batailles. Tel était l'esprit guerrier des Romains, qu'un administrateur qui aurait voulu se concentrer dans sa gestion n'aurait joui d'aucune considération au milieu d'eux, ni pu exercer sur ceux qui portaient les armes aucune sorte d'autorité. Ce point a été parfaitement établi par la Nauze dans un mémoire académique sur Balbus l'Ancien. «< Quoique la charge de «questeur, dit la Nauze, regardât le maniement des deniers, les approvisionnements et pareils détails, il ne <«< faut pas croire qu'à l'armée un questeur et sa suite ne <«< campassent pas avec les troupes, et ne partageassent « pas avec elles les fatigues et les dangers. Memmius, questeur de Pompée, était homme de guerre, et com<< mandait même alors en qualité de lieutenant. >>

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Des relations intimes et habituelles rapprochaient,

comme nous l'avons dit, le questeur du consul, ou du proconsul, ou du préteur provincial: il était sous leurs ordres, les accompagnait, et ne s'éloignait d'eux que pour remplir les missions qu'ils lui confiaient; il leur appartenait en quelque sorte, ainsi que l'indique l'expression suum quæstorem, que vous avez déjà pu remarquer. Cicéron écrit à Marcus Brutus : Quum ad te tuus quæstor Marcus Varro proficisceretur, commendatione egere eum non putavi satis enim commendatum tibi eum arbitrabar ab ipso more majorum qui, ut te non fugit, hanc quæsturæ conjunctionem liberorum necessitudini proximam voluit esse. « Quand Marcus Varron, votre questeur, partait pour «< se rendre auprès de vous, je n'ai pas pensé qu'il eût << besoin de lettres de recommandation. Je le savais assez << recommandé par la coutume de nos ancêtres, qui a établi, vous ne l'ignorez pas, entre le questeur et son su«périeur, des rapports presque pareils aux liens des famil<«<les. >> On se sert de ce texte pour montrer qu'une étroite liaison régnait entre ces officiers; et c'est une des raisons que Cicéron fait valoir ailleurs, quand il demande à être lui-même l'accusateur de Verrès, plutôt que Cécilius, qui a été son questeur, et qui, à ce titre, lui a dû le respect et l'affection d'un fils : Sic enim a majoribus nostris accepimus prætorem quæstori suo parentis loco esse oportere... quamobrem si jure possis eum accusare, tamen, quum is tibi parentis numero fuisset, id pie facere non posses.

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La durée ordinaire de l'exercice de la questure dans une province était d'une seule année : Me quæstorem siciliensis excepit annus, dit Cicéron; mais il y a plusieurs exemples de prolongations indéterminées, sur

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