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apprenons aussi de Cassiodore que le questeur du lais était le chancelier, le premier conseiller du prince, l'organe de sa loi, l'interprète de ses volontés, en un mot ce qu'a été depuis le logothète impérial à la cour de Constantinople. Une novelle de Justinien déclare qu'aucune ordonnance n'est authentique et valable si elle n'est souscrite par le magnifique questeur. Ce dignitaire signait, en effet, les rescrits et d'autres pièces, par les formules << Moi, questeur, j'ai lu, j'ai souscrit «ici.» C'était ordinairement un jurisconsulte qui exerça it cette charge éminente, essentiellement différente de l'antique questure romaine.

Pour revenir à celle-ci, Messieurs, vous aurez observé que, dès l'origine de Rome, elle était née du besoin qui se fait sentir, au sein des plus petites cités, d'établir de l'ordre dans la recette et la dépense, et de garantir la conservation du trésor public. Tant que l'État demeura fort circonscrit, les questeurs n'étaient, sous les rois, sous les consuls, que des percepteurs et des caissiers, nommés par les chefs de la cité, et n'ayant guère plus d'importance que les receveurs et les payeurs d'une commune. A mesure que la population s'accrut, et lorsque le territoire commença de s'étendre, leur ministère embrassa plus d'actes, plus de relations : le temps vint où les guerres continuelles exigèrent des troupes plus nombreuses, des campements plus fréquents et plus lointains; on sentit alors la nécessité d'établir une administration militaire distincte de la civile. De là les questeurs militaires, qui devinrent aussi provinciaux dès qu'on eut ou qu'on crut avoir des provinces. On ne songea point à les subordonner aux questeurs urbains; on n'avait point conçu l'idée d'une telle centralisation :

il n'y avait pas d'autre centre que le consulat, le sénat et le peuple. Les Romains n'ont rien institué, sous leurs magistrats suprêmes, de pareil à ce qu'on appelle des ministères dans les États modernes. Le préteur urbain aurait pu seul être considéré comme un ministre de la justice, s'il n'avait exercé en même temps l'office de président, de juge, et quelquefois aussi celui de procureur général, pour ne rien dire des attributions purement administratives, et militaires même, qui lui ont appartenu. De plus, on ne voit pas assez bien. que le préteur des étrangers lui fût subordonné; et il est certain que les préteurs provinciaux étaient indépendants de lui, excepté peut-être pendant l'aunée qu'ils passaient à Rome avant de partir pour leurs provinces, et durant laquelle ils présidaient aux poursuites spéciales dénommées Questions perpétuelles. Un premier questeur eût été un ministre des finances; mais, outre qu'il y avait deux questeurs urbains égaux en autorité, il s'en fallait qu'ils dirigeassent partout les recettes et les dépenses publiques; ils en opéraient immédiatement une partie, et n'avaient de rapport avec les autres questeurs que pour recevoir ce que ceux-ci déposaient au trésor de l'État. Les branches d'administration civile. que l'on a réunies depuis sous le nom de ministère de l'intérieur demeuraient distribuées entre divers magistrats spéciaux, tels que les censeurs, les édiles curules, les édiles plébéiens, les préteurs ou questeurs mêmes, et un assez grand nombre d'officiers inférieurs dont nous n'avons pu nous occuper encore. La guerre était directement administrée et conduite par les consuls ou autres généraux d'armée, qui, pour la partie matérielle, avaient à leur disposition les questeurs militaires. Il

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n'existait guère de marine romaine avant les guerres puniques; et les relations extérieures étaient retenues d'une manière immédiate encore par les consuls, et, en leur absence, par le préteur urbain, sous la direction du sénat, et sous l'empire des décrets souverains du peuple assemblé en centuries : en un mot, la puissance exécutive n'était pas organisée. En perdant la simplicité primitive qui lui avait suffi sous les rois et sous les premiers consuls, elle s'était compliquée sans se régulariser. Il manquait à Rome agrandie, non des ministres formant un conseil, système qui eût été inconciliable avec la constitution républicaine, et spécialement avec le gouvernement consulaire, mais des administrateurs généraux, chargés, chacun sous l'empire des consuls et des lois, de l'une des cinq ou six divisions immédiates du pouvoir exécutif. Nous donnerons un jour plus d'étendue à ces observations, quand nous aurons porté plus loin l'étude de l'histoire et des institutions de Rome. L'un des grands faits à remarquer dans sa constitution, c'est l'existence d'une magistrature purement politique, qui n'était ni administrative, ni judiciaire, ni militaire, mais essentiellement surveillante et opposante: je veux parler du tribunat plébéien, dont l'examen va remplir nos quatre séances prochaines.

TRIBUNAT Plébéien.

Messieurs, tous les questeurs dont les annales romaines font mention et dont je vous ai entretenus dans nos dernières séances, les deux de la ville, ceux des armées et des provinces, et divers autres officiers publics auxquels ce nom de questeurs a été improprement appliqué, tous ces magistrats, pris ensemble, n'ont point, à beaucoup près, l'importance et la célébrité du seul tribunat plébéien. Cette magistrature populaire que vous avez vue constamment inquiète et active depuis son établissement, en l'année 493 avant l'ère vulgaire, jusqu'à la fin de la guerre des Samnites, en 290, continuera pendant les trois siècles suivants d'animer ou d'agiter la république. Aussi a-t-elle particulièrement fixé l'attention des écrivains politiques, des jurisconsultes et des érudits ou antiquaires. Paul Manuce, François Hotman et Juste Lipse ont éclairci son histoire; Gravina s'est efforcé de déterminer ses attributions légales; elle a été l'objet de plusieurs observations de Machiavel et de Montesquieu; Rousseau lui a consacré un chapitre du Contrat social; la Bléterie a examiné les circonstances de son abolition, ou de sa transformation en l'un des attributs de la puissance impériale. Seran de la Tour a composé, en deux volu mes, une histoire spéciale du tribunat de Rome, avec des considérations sur son influence morale et politique. Le tribunat plébéien est jugé fort sévèrement dans

ce dernier ouvrage : l'auteur lui impute presque tous les malheurs des Romains, leurs dissensions et le développement de leurs vices. Sur ces questions, Messieurs, les opinions sont fort divergentes, non-seulement entre les auteurs que je viens de nommer, mais aussi entre plusieurs autres qui ont eu occasion de parler du tribunat, soit en des livres d'histoire, soit en divers genres d'écrits. Nous ne commencerons point par ces questions délicates; nous tâcherons de recueillir auparavant tous les faits et les usages, d'après lesquels nous essayerons ensuite de les résoudre.

Pour ne laisser aucune obscurité sur ce sujet, le premier soin doit être de bien distinguer les tribuns du peuple, ou tribuns plébéiens, de plusieurs autres magistrats ou officiers qui ont porté aussi le nom générique de tribuns. Il paraît qu'originairement le mot tribun signifie chef de tribu. Végèce l'assure: Tribunus vocatur a tribu, quia præsit militibus quos ex tribu primus Romulus legit. Quant au mot même de tribu, vous savez que les uns le font venir de tributum, tribut, imposition; les autres du nombre trois, a tribus, parce qu'il n'y avait eu d'abord que trois sections du peuple romain, les Rhamnenses, les Tatienses et les Luceres. Un tribun était donc le commandant des soldats pris dans une même tribu; et ce nom ne tarda point à s'étendre à tout chef d'une`division militaire; c'est le sens primitif de l'expression tribunus militum. Je vous ai parlé autrefois d'un tribun des Celeres institués par Romulus, c'est-à-dire des trois cents chevaliers ou cavaliers qui composaient la garde de ce prince; et je vous ai montré Brutus investi de cette charge, lorsqu'il détrônait Tarquin le Superbe.

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