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avoir passé, selon l'antique usage, par l'édilité et la préture. Elle réussit, peu de mois après, à retenir en Italie les deux consuls, dont l'un voulait aller commander en Macédoine, ainsi qu'à établir cinq colonies nouvelles sur la côte occidentale de l'Italie méridionale, et à refuser le triomphe dans l'enceinte de Rome an consul Minucius. Ensuite elle met fin, malgré le sénat, à la guerre contre le roi Philippe. Caton défend en vain contre elle le règlement d'Oppius, qui réprimait le luxe des femmes; elle en exige l'abrogation, quoique cette loi somptuaire ait été proposée, vingt ans auparavant, au nom du tribunat même. En 194, elle obtient de nouveaux adoucissements au sort des débiteurs, et empêche encore un triomphe. Mais celui de Scipion Nasica eut lieu, malgré elle, en 191. Sempronius Grac chus et Sempronius Rutilus sont tribuns en 190, et, soutenus par Caton, ils forcent un intrigant nommé Glabrio de se départir de la demande du consulat. Leurs successeurs font accorder le droit de suffrage aux habitants de Formies, de Fundi, d'Arpinum; et l'on arrive ainsi à l'année 187, célèbre dans l'histoire du tribunat par l'accusation des deux Scipions, l'Africain et l'Asiatique. Il nous restera, Messieurs, à jeter les yeux sur les troubles qui ont amené la décadence des magistratures populaires, et préparé la transformation du tribunat en dictature et en pouvoir impérial, c'est-à-dire militaire et arbitraire. Je le répète, je ne sais pas d'autre moyen de se former des idées vraies et précises sur la constitution romaine, et sur l'esprit qui animait les patriciens, les plébéiens et les chefs de l'une et de l'autre classe, que de recueillir avec une exactitude scrupuleuse tous les faits qui concernent spécialement cha

que fonction publique, et surtout le tribunat, dont le caractère était essentiellement politique. Telle devait être la matière de l'ouvrage que Séran de la Tour a intitulé Histoire du tribunat de Rome, mais qui ne contient, en deux volumes, qu'une série de déclamations puériles, où vous chercheriez en vain quelque apparence de logique, de bon goût et même d'érudition. Les anachronismes et les méprises de tout genre y fourmillent, La plupart des faits y sont omis; et ceux qui s'y rencontrent ne sont exposés, le plus souvent, que d'après des traditions inexactes, au choix desquelles aucune critique n'a présidé. L'auteur semble n'avoir voulu faire qu'un panégyrique des patriciens, et particulièrement de la famille Appienne ou Claudienne, dont il admire les vertus inflexibles. Pour nous, Messieurs, qui ne pouvons partager cet enthousiasme, nous sommes loin pourtant de nous dissimuler les erreurs, les fautes et les vices des plébéiens et de leurs tribuns, leurs habitudes séditieuses à la fois et superstitieuses, leur caractère inquiet, turbulent, inconsidéré, leurs actes fréquemment injustes et quelquefois inhumains. Mais nous n'en voulons dire que ce que nous en apprend l'histoire, éclaircie autant qu'elle peut l'être.

Dans la prochaine séance, nous terminerons l'exposé des faits relatifs au tribunat, afin d'établir ensuite sur ces données positives l'examen de l'organisation. de cette magistrature, de son attribution, de ses formes et de son influence.

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SOIXANTE-TROISIÈME LEÇON.

TRIBUNAT PLÉBÉIEN.

Messieurs, je vous ai retracé, dans notre dernière séance, l'histoire du tribunat romain depuis son établissement, en l'année 493 avant notre ère, jusqu'à l'an 290, où s'est terminée la première décade de Tite-Live. Durant cet espace d'environ deux siècles, cette magistrature n'a presque jamais interrompu le cours de ses entreprises; et, malgré les vicissitudes qu'elle a éprouvées dans une si longue suite de luttes politiques, malgré les revers qui se mêlaient à ses succès, elle a conquis par degrés beaucoup d'institutions populaires. J'ai recueilli ensuite les faits qui la concernent entre les années 290 et 187: ils ont été moins nombreux et moins éclatants. En général, le tribunat s'est affaibli pendant les guerres contre Pyrrhus et contre les Carthaginois; il savait néanmoins résister encore à l'ascendant que ces expéditions rendaient aux familles patriciennes, et nous verrons son énergie se ranimer dans l'âge suivant : il ne sera vaincu qu'après des combats mémorables.

Dès l'an 187, deux Pétilius, tribuns du peuple, accusent Scipion l'Africain; ils sont secondés par Caton, et parviennent à jeter des soupçons sur la probité du vainqueur de Carthage. Une première fois, il repousse cette imputation, même sans daigner y répondre ; mais il s'exile, et une seconde citation l'intimide; il n'ose reparaître, et peu s'en faut qu'on ne le condamne,

malgré l'excuse de maladie alléguée par son frère Lu, cius dit l'Asiatique. Heureusement l'un des dix tribuns, Sempronius Gracchus, défendit l'Africain, et empêcha de continuer la poursuite. En récompense de ce service inespéré, car Sempronius avait été l'ennemi de Scipion, il épousa la fille de ce grand personnage, Cornélie, qui fut la mère des Gracques. Le tribun, toutefois, permit d'accuser l'Asiatique, mais à condition qu'on ne l'emprisonnerait pas, et qu'on n'userait point contre lui de la contrainte par corps. Lucius fut donc, sur les conclusions d'un préteur, et de l'exprès consentement de tous les tribuns, condamné comme coupable de péculat; et Caton ne se donna point de repos qu'il n'eût fait vendre tous ses biens. J'écarte les autres détails de cette affaire; nous n'avons à remarquer en ce moment que la part que le tribunat y a prise. Macrobe fait mention d'un tribun, nommé Orchius, qui porta, en 181, une loi somptuaire tendant à modérer le luxe des festins. Une loi plus sage, qui fixait l'âge requis pour chaque magistrature, est attribuée par Tite-Live à Villius, tribun en 180. Le même historien nous montre le tribunat forcé en 178, par l'un de ses membres, de renoncer au dessein que les autres avaient conçu de mettre fin au commandement militaire, déjà trop prolongé, de Manlius. Les consuls de l'an 173, quoiqu'ils fussent tous deux plébéiens, ce qui n'était pas encore arrivé, eurent des démêlés avec les tribuns. Ceux-ci obtinrent un décret portant que si les Liguriens, réduits en servitude par Marcus Popilius, frère de l'un des consuls, n'étaient pas remis en liberté dans un court délai, on chargerait un préteur d'informer, et de prononcer contre leur oppresseur.

XVI.

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J'omets plusieurs accusations du même genre, émanées du tribunat dans le cours des trois années suivantes; je me borne ici à indiquer la loi Voconienne, ouvrage du tribun Voconius Saxa: elle empêchait d'instituer une épouse héritière, et de lui léguer plus de biens qu'il n'en restait à l'héritier. Elle a été rendue en 169, après avoir été soutenue par Caton. Je supprime encore plusieurs oppositions tribunitiennes de peu d'importance, ou qui sont restées inefficaces. Mais l'aunée 160 offre un fait d'une espèce particulière : le tribun Trémellius qui avait adressé des injures personnelles au grand pontife en fut puni par une amende; le tribunat parut alors, aux yeux même du peuple, moins sacré que le pontificat.

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La troisième guerre punique commençait en 149, quand le tribun Calpurnius Pison fit rendre contre le crime de concussion une loi sévère, dont Cicéron a parlé en trois endroits de ses ouvrages; et quand Scribonius Libon, autre tribun, accusa Sulpicius Galba, qui, à la guerre, avait traité les Lusitaniens avec une barbarie extrême, Caton, alors presque nonagénaire, soutint vainement l'accusateur Galba sut fléchir le peuple par des supplications pathétiques. L'année 146 est la date de la proposition, faite par le tribun Licinius Crassus, d'attribuer au peuple et de ne plus laisser au collége des pontifes la nomination aux sacerdoces qui viendraient à vaquer; le préteur Lélius fit rejeter ce projet. On adopta, en 144, une nouvelle loi somptuaire contre le luxe de la table, présentée, à ce que nous apprend Macrobe, par le tribun Didius. En exerçant, deux ans après, la même charge, Mucius Scævola poursuivit l'ex-préteur Hostilius Fibulus, qui s'exila et

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