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tra bientôt avec des troupes et de l'argent, et ne s'y rétablit toutefois qu'en s'accommodant avec Alcète ou Néoptolème ils partagèrent entre eux le pouvoir. Comme il arrive en pareil cas, Alcète ne tarda point à vouloir régner seul, et tenta d'empoisonner Pyrrhus, qui le prévint, et l'égorgea au milieu d'un souper. C'était probablement en l'année 295 que Pyrrhus se mettait ainsi en pleine possession de son royaume. Les quinze années suivantes sont remplies par ses démêlés avec son beau-frère, et par ses tentatives pour s'emparer de la Macédoine. Démétrius ayant tué Alexandre, l'un des fils de Cassandre, et s'étant fait nommer roi des Macédoniens, Pyrrhus prit les armes contre lui, et devint son ennemi le plus redoutable. En 291, il profita d'une maladie de Démétrius pour envahir la Macédoine entière. Un traité suspendit un instant leurs querelles, et Démétrius remonta sur le trône. Mais Pyrrhus avait un parti chez les Macédoniens; et, dès l'an 290, on le voit ligué contre leur roi, avec les rois de Thrace, de Syrie et d'Égypte, Lysimaque, Séleucus et Ptolémée. Démétrius, qui craignait de se mesurer avec Lysimaque, se porta d'abord à la rencontre de Pyrrhus, qui s'était rendu maître de Bérée, place importante. Quand les deux rivaux furent en présence, il n'y eut pas de bataille les Macédoniens n'en voulurent point soutenir; ils abandonnèrent Démétrius, et reconnurent Pyrrhus pour roi de la Macédoine; il le fut pendant sept mois en 289 et 288. Pyrrhus, dans son nouveau royaume, se montrait affable et clément. De jeunes officiers, auxquels il reprochait quelques propos légers qu'ils avaient tenus à table contre lui, osèrent lui répondre : « Nous en aurions dit bien davantage, si le vin

<< ne nous eût manqué ; » il ne s'en offensa point. Cependant Lysimaque arriva, et prétendit qu'ayant contribué à la défaite de Démétrius, il avait droit à une partie de ce royaume : il fallut lui céder des provinces; et le partage amena, selon l'usage, une rupture entre les deux alliés. Les Macédoniens, que Pyrrhus fatiguait d'exercices et d'expéditions militaires, se détachèrent bientôt de lui. Lysimaque le représentait comme un étranger auquel il était honteux d'obéir; et l'aversion publique se manifesta d'une manière si rapide et si menaçante, que Pyrrhus se hâta de retourner en Épire. Il ne s'y tint pas longtemps paisible, « estimant, dit

«

Plutarque, que s'il ne faisoit du mal à quelqu'un, ou « que quelqu'un ne luy en feist, il ne sçauroit à quoy « passer son temps. » Voilà, Messieurs, l'unique motif pour lequel nous le verrons s'engager avec les Tarentins dans une guerre contre la république romaine. C'est le sujet qui doit nous occuper dans notre prochaine séance.

XVI.

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SOIXANTE-SEPTIÈME LECON.

ANNALES ROMAINES. ANNÉES 281 ET 280. GUERRE

CONTRE PYRRHUS.

Messieurs, l'histoire de Rome depuis l'an 290 avant J. C. jusqu'à 281 ne nous était fournie par aucun ancien corps d'annales, puisque nous n'avons plus les livres où Denys d'Halicarnasse et Tite-Live avaient traité ce sujet, et qu'il ne nous reste que des fragments de ce qu'en ont écrit Appien et Dion Cassius. Il nous a fallu recourir à des abrégés, qui ne tracent que le plan de cette histoire, et en rechercher les détails épars en divers ouvrages classiques. C'est ainsi que Freinsheim, Catrou, Rollin et d'autres modernes ont entrepris de remplir cette lacune, qui doit s'étendre encore à plus d'un demi-siècle. Nous avons dû, non pas reproduire leurs récits, mais remonter à toutes les sources où ils ont pu les puiser. J'ai commencé de rassembler les traditions, les monuments, les textes qui concernent cette partie des annales romaines, et de vous offrir ainsi tous les moyens de reconnaître les faits qui la composent; d'en apprécier la probabilité ou l'invraisemblance; d'en saisir, autant qu'il est possible, les caractères, l'enchaînement et l'ordre chronologique. Nous avons terminé de cette manière l'histoire du consulat de Curius Dentatus, qui, vainqueur des Samnites, triompha aussi des Sabins, leurs alliés. Il avait, dit-on, creusé un canal entre le Nar et le lac Vélinus; et l'on raconte encore, mais sur la foi d'un

seul abréviateur, comment il se disculpa d'une accusation de vol. Les seuls faits qu'on, ait rapportés à l'année suivante sont l'établissement de trois colonies, Adria, Castrum, Sena Gallorum ou Sinigaglia, et la création des triumvirs capitaux, provoquée par le tribun Papirius. Le trente et unième recensement, qui porta le nombre des citoyens capables de service militaire à deux cent soixante-treize mille, paraît avoir été fait en 288: Dentatus était alors censeur. Fabius Maximus fut proclamé prince du sénat; et l'on entreprit un aqueduc. De nouvelles dissensions éclatèrent, en 287, entre les créanciers et les débiteurs, à l'occasion des excès et des attentats reprochés à Plotius. Les tribuns demandèrent l'abolition des dettes; le sénat répondit en créant un dictateur, c'était Appius Cæcus; et le peuple se retira sur le Janicule. La dictature d'Hortensius est restée plus célèbre, parce qu'il a ramené les plébéiens au sein de la ville, apaisé les troubles, renouvelé les lois qui garantissaient l'autorité des plébiscites, et mis les nundines au nombre des jours fastes. Il mourut dans l'exercice du pouvoir suprême, et ses concitoyens célébrèrent ses obsèques avec magnificence. Cependant les Volsiniens se révoltaient; les Lucaniens attaquaient Thurium. Cette ville, alliée des Romains, ne fut secourue, à ce qu'il semble, ni par Fabius Maximus Rullianus, qu'ils firent dictateur, ni par

les consuls de l'an 285, mais par Curius Dentatus, qui était apparemment préteur, et qui, pour ce nouveau service, obtint l'honneur d'une ovation. On apprit que les Gaulois assiégeaient Arezzo: une bataille leur fut livrée, où périrent treize mille Romains avec leur général Lucius. Tandis que les Étrusques et les Gaulois

menaçaient Rome, les Samnites reprenaient les armes, et les Tarentins favorisaient en secret ces mouvements. Nous avons recueilli, Messieurs, tout ce que d'anciens textes et quelques monuments pouvaient nous apprendre sur les origines de Tarente; sur la topographie de cette ville et de son territoire; sur sa population, ses richesses, les mœurs et les vices de ses habitants. Ces notions nous étaient nécessaires, parce que la guerre entre les Romains et les Tarentins va s'étendre sur plusieurs années; toutefois, avant d'attaquer ces nouveaux ennemis, Rome voulut soumettre les Lucaniens et vaincre les Gaulois en Étrurie. Ces deux expéditions occupèrent les consuls de l'an 283, Dolabella et Domitius. Le premier gagna sur les Gaulois deux batailles, dont la seconde se livra près du lac Vadimon, décrit par Pline le Jeune. Domitius remporta une troisième victoire, qui termina cette guerre; et Rome étendit ses domaines jusqu'au Rubicon. Les Lucaniens et leurs alliés, tous commandés par Sténus Statilius, continuaient de menacer Thurium. Le consul Fabricius les défit en 282, s'empara de leur camp, et laissa croire que le dieu Mars en personne s'en était mêlé. En ce temps, les Tarentins, entraînés par les discours insensés de Philocharis, fondirent sur dix vaisseaux romains qui s'étaient présentés à l'entrée de leur port. Rome, pour demander la réparation de cet attentat, envoya ses féciaux, dont le chef Posthumius, hué par la populace tarentine, essuya de la part du bouffon Philonidès un outrage plus impardonnable encore. Voilà donc la guerre déclarée; et, pour se mettre en état de la soutenir, Tarente appelle à son secours le roi d'Épire. Ce prince était déjà célèbre sous le nom de Pyrrhus. J'ai

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