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ANNALES ROMAINES. ANNÉES 274 A 265 AVANT J. C.

Messieurs, l'année 277 avant notre ère a fourni peu de faits aux annales de Rome. Rufinus, élu consul malgré les rapines qu'on lui reprochait, justifia mal l'idée qu'on avait conçue de ses talents militaires. Les Samnites le repoussèrent de leurs montagnes, et Nicomachus des murs de Crotone; on dit pourtant que Rufinus réussit par des stratagèmes à s'emparer de cette place: les détails de cette campagne, quoiqu'en si petit nombre, ne sont pas très-bien éclaircis. Pyrrhus restait en Sicile, toujours, occupé du projet d'une expédition en Afrique. Pour en préparer l'exécution, il usa de moyens violents, qui déplurent aux Siciliens; et leurs défections le forcèrent de quitter cette île, où il avait obtenu tant de succès: il fit semblant de céder enfin aux vives instances des Tarentins, qui le rappelaient à leur secours. Les Carthaginois, qui l'attendaient dans le détroit, coulèrent bas, prirent ou dispersèrent tous ses vaisseaux, excepté douze. Attaqué ensuite par les Mamertins dans un défilé voisin de Rhégium, il reçut une blessure grave. De là il fondit sur Locres, et s'empara des trésors souterrains du temple de Proserpine; mais le naufrage de quelques-uns de ses navires lui ravit les fruits de ce larcin. On dit que, en expiation de ce sacrilége inutile, il mit à mort les courtisans qui l'avaient encouragé à l'entreprendre, et les ouvriers qui l'avaient exécuté. Le roi d'Épire rentra dans Tarente vers la fin

de l'année 276. Depuis le 21 avril de cette même année, les consuls de Rome étaient Fabius Maximus Gurgès et Génucius Clepsina. La peste et des prodiges ayant annoncé le courroux des dieux, on créa, pour enfoncer le clou sacré, un dictateur, qui, selon toute apparence, fut Rufinus, consul de l'année précédente. Au mois d'avril 275, Curius Dentatus et Fabius Lentulus prirent possession des faisceaux : le premier, après avoir vaincu par sa fermeté la résistance des jeunes citoyens qui refusaient de s'enrôler, défit Pyrrhus dans les champs Taurasiens près de Bénévent, et, s'étant emparé du camp de ce prince, en admira les dispositions savantes. Lentulus eut des succès honorables, quoique moins brillants, en Lucanie, passa dans le Samnium, y prit, entre autres places, celle de Caudium, dont le nom rappelait un ancien malheur des armées romaines. On décerna le triomphe à l'un et à l'autre consul; mais celui de Dentatus fut beaucoup plus solennel : je vous en ai rapporté les circonstances particulières. Les censeurs Fabricius et Æmilius Papus célébrèrent le trentetroisième lustre, comptèrent deux cent soixante et onze mille deux cent vingt-quatre Romains en état de porter les armes, épurèrent le sénat, et en exclurent Rufinus, sans égard aux dignités éminentes dont il avait été revêtu. Le roi d'Épire était impatient de quitter l'Italie: il abusa les Tarentins par de fausses lettres et de fausses promesses, leur laissa une garnison et le gouverneur Milon, et s'embarqua pour l'Épire, dans les premiers mois de l'année 274. J'ai joint à ces récits un exposé sommaire du surplus de l'histoire de ce prince jusqu'à sa mort dans les murs d'Argos, en 272. Aujourd'hui, Messieurs, nous reprendrons les annales de

Rome au mois d'avril 274, et nous les conduirons jusqu'au 30 mars 265.

· Quoique des lois sages eussent prescrit de laisser écouler dix ans avant de rappeler un même personnage aux fonctions de consul, Curius Dentatus, qui venait de les remplir en 275, y fut immédiatement réinstallé le 24 avril 274. C'était pour la troisième fois qu'on les lui conférait. On lui donna pour collègue Cornélius Mérenda, qui s'était distingué dans la dernière campagne, et auquel Lentulus avait décerné une couronne d'or, comme je vous l'ai fait remarquer. Informé que les Tarentins avaient forcé Milon et sa troupe de se retirer dans la citadelle, et s'étaient donné pour chef un de leurs concitoyens, nommé Nicon, le consul Dentatus s'abstint de pousser vivement le siége de cette ville, espérant que Tarente, affaiblie par ses dissensions, finirait par se livrer aux Romains. Il marcha donc contre les Lucaniens et les Samnites; mais ces peuples avaient déserté leurs villes, abandonné leurs champs, et s'étaient réfugiés sur leurs montagnes. Cette année ne produisit aucun événement; et je viens de vous dire en bien peu de mots tout ce qu'on en sait par rapport à Rome.

la

Au 3 avril 273, C. Fabius Dorso Licinus et C. Claudius Canina prennent possession du consulat. Eusèbe, au lieu de Fabius Licinus, écrit Fabricius Luscinus; mais c'est sans doute une erreur occasionnée par ressemblance de ces noms. Excités par l'annonce d'un prochain retour de Pyrrhus, les peuples de l'Italie méridionale descendent de leurs monts, et reviennent défendre leurs campagnes. Claudius Canina leur livre bataille, et les met en fuite. Loin de songer à repa

raître à Tarente, le roi d'Épire venait de rappeler son fils Hélénus. La position de Milon en devint de plus en plus difficile; il perdait tout crédit et toute autorité chez les Tarentins. La puissance des Romains acquérait tant d'éclat, que le roi d'Égypte, Ptolémée Philadelphe, leur envoya des ambassadeurs chargés de les féliciter d'avoir vaincu Pyrrhus. La république sentit le prix de l'alliance que lui offraient de si loin un monarque et un peuple étranger : elle s'empressa de faire partir pour l'Égypte une ambassade composée d'hommes distingués. Le chef était Fabius Gurgès, illustre par des consulats et par des triomphes, et les autres trois édiles curules, dont deux étaient de la maison Fabia, et le dernier Quintus Ogulnius, issu d'une famille plébéienne qui avait fourni des magistrats recommandables. Ptolémée fit un accueil magnifique à ces députés. Ils auraient voulu ne rien accepter des riches présents qu'il leur offrait. Cependant, comme ils ne pouvaient, sans blesser les usages et les bienséances du pays, refuser les couronnes d'or qu'il leur envoyait en les conviant à sa table, ils les reçurent, mais pour les déposer, après le festin, sur les statues du roi. Les Égyptiens admirèrent cette modération, et conçurent la plus haute idée des vertus romaines. Alors s'établissaient deux nouvelles colonies de la république, l'une à Cosa, l'autre à Pestum. Strabon place Cosa sur une hauteur, au-dessus du port d'Hercule, le Porto Ercole d'aujourd'hui, et non loin du marais qui a pris le nom de stagno d'Orbitello. Le promontorium Argentarium, ou monte Argentaro, n'en était pas éloigné. Du reste, il est difficile de fixer avec précision l'emplacement de l'ancienne Cosa ou Cossa, comme écrivent quelques

anciens auteurs. Strabon dit que la mer fournissait en cet endroit beaucoup de thons; et Pline, que la colonie était composée de Volsciens: Cosa colonia Volsciensium deducta. Pestum, auparavant Posidonia, était un autre port sur la même côte, mais à une assez grande distance, et qui, fondé par les Doriens, passait pour l'un des lieux les plus agréables de la Lucanie. C'est le Pestum dont les ruines ont été plusieurs fois décrites, et sont encore visitées : cette ville a été saccagée par les Sarrasins au dixième siècle de l'ère vulgaire, et par les Normands au onzième. Ces deux ports, que les Romains acquéraient en l'an 273 avant J. C., semblent montrer qu'ils prévoyaient les guerres maritimes qu'ils auraient bientôt à soutenir. Au milieu de leurs prospérités, on s'afflige de les voir encore assez barbares pour enfouir vive la malheureuse vestale Sextilia, quoiqu'il n'y eût en cette année-là ni prodiges ni fléaux publics. Le consul Claudius Canina, vainqueur des Samnites, des Lucaniens et des Brutiens, triompha, aux fêtes Quirinales, le 17 février ou plus exactement 30 janvier 272.

Le 3 avril suivant, s'ouvrit le consulat de L. Papirius Cursor et de Sp. Carvilius Maximus, tous deux appelés pour la seconde fois à cette dignité. Les quatre ambassadeurs revinrent d'Égypte, et déposèrent au trésor public les présents de Ptolémée Philadelphe, y compris ceux qui leur étaient destinés à eux-mêmes, persuadés qu'on ne doit jamais retirer d'une fonction publique d'autre avantage que l'honneur de l'avoir bien remplie De publico scilicet ministerio nihil cuiquam præter laudem bene administrati officii accedere debere judicantes; ce sont les termes de Valère

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