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mains non-seulement les provisions nécessaires à leur subsistance, mais encore des troupes siciliennes; Rome eut alors pour la première fois des soldats insulaires dans ses armées. Clepsina prit enfin Rhégium, et commença par en faire sortir les Mamertins, auxiliaires de Casius, en leur laissant la vie sauve. Il eut moins d'indulgence pour ces ramas d'autres étrangers accourus de divers lieux pour renforcer les assiégés : ils furent condamnés à différents supplices. Mais les légionnaires campaniens étaient encore plus coupables: assassins, voleurs et rebelles, ils méritaient un châtiment sévère. Toutefois le consul, respectant leur qualité de citoyens romains, s'abstint de les juger, les fit conduire à Rome chargés de chaînes, et les livra tous à la justice du sénat, qui prononça contre eux, sans aucune exception, la peine de mort. Un tribun, Fulvius Flaccus, .s'y opposa, disant que, selon les lois et les usages, il n'appartenait qu'au peuple de prononcer des sentences capitales. En effet, un article des Douze Tables portait : De capite civis neiser per maximom comitiatom ne feruntod. On répondit au tribun qu'il s'agissait d'un jugement militaire, qui ne pouvait être de la compétence des comices; et quelques auteurs modernes trouvent cette raison valable. Je ne partagerais pas cet avis ce n'était point là une simple révolte de soldats, mais un crime infiniment plus gravé, commis depuis neuf années. Le consul Clepsina reconnaissait lui-même qu'il manquait du pouvoir de les punir, quoiqu'il sût bien que les généraux jouissaient du droit de prononcer à l'instant même la peine due aux crimes flagrants de leurs soldats. On ne conçoit point à quel titre le sénat s'investissait de cette souveraineté judiciaire; et

la réclamation du tribun aurait été sans doute mieux écoutée, si l'énormité de l'attentat n'eût entraîné à regarder la condamnation comme légitime, de quelque autorité qu'elle émanât : toujours était-ce un pernicieux exemple. Le nombre des condamnés ne nous est pas indiqué d'une manière uniforme et précise. TiteLive le porte à quatre mille, dans une harangue qu'en son vingt-huitième livre il fait adresser par Scipion à des soldats mutinés Tota legio, millia hominum quatuor, securi percussa est. Ce nombre, quoique répété par Orose, semble exorbitant : pour l'admettre, il faudrait supposer qu'aucun de ces légionnaires n'avait péri, ni au dernier siége, ni durant les neuf années précédentes. On s'en rapporterait plus volontiers à Polybe, qui dit qu'il n'en restait que trois cents. Le sénat même crut à propos de ne pas donner, en un même jour, le spectacle de trois cents supplices, surtout après une réclamation tribunitienne. Il partagea cette exécution en six journées; et, chaque fois, cinquante coupables seulement tombaient sous la hache des licteurs, après avoir été battus de verges. Les consuls firent rechercher et rassembler ceux des Rhégiens qui avaient échappé au massacre de l'an 280; et le sénat ordonna de les remettre en possession de leur liberté, de leurs biens et de leurs lois.

J'ai dit que Jubellius, le premier chef des légionnaires campaniens, n'était pas resté au milieu d'eux; mais il avait expié ses forfaits par des tourments particuliers, dont Diodore de Sicile et Appien nous ont conservé le récit. Chassé de Rhégium, réfugié à Messine, et s'y voyant affligé d'un mal d'yeux, Jubellius s'adressa au plus célèbre médecin de l'endroit. Il ne sa

vait pas que c'était un Rhégien. L'Esculape, saisissant cette occasion de venger sá patrie, appliqua sur les yeux du malade un médicament âcre et corrosif, où entrait du suc de cantharides, et recommanda de ne pas lever l'appareil jusqu'à sa prochaine visite: or, aussitôt après la première, il partit de Messine et ne reparut plus. Jubellius ne tarda point à ressentir des douleurs cuisantes, comme si des charbons ardents lui brûlaient et déchiraient les deux yeux. Après avoir trop longtemps attendu le médecin, il arracha lui-même l'appareil funeste, et resta non-seulement aveugle, mais condamné, pour le reste de ses jours, à de cruelles souffrances. Je ne prétends pas, Messieurs, vous garantir toutes les circonstances de ce récit : il est destiné à montrer que le crime n'échappe jamais au châtiment : il prouverait aussi qu'il faut bien connaître le médecin auquel on se confie. D'autres disent que Jubellius se donna lui-même la mort en prison.

Lucius Génucius Clepsina, dont nous venons de parler, ne doit pas être confondu, comme il l'a été par quelques chroniqueurs, avec Caius Génucius Clepsinat qui avait été consul en 276, et qui le redevient, le 5 avril 270, avec Caius Cornélius Blasio. Des Gaulois occupaient en Ombrie le territoire de Sarsina, ville qui a conservé son nom, et qui est située sur la rive gauche du Savio, autrefois Sapis. Plaute y naîtra quarante-six ans plus tard. Ces Gaulois se soulevèrent, et furent vaincus. C'est encore une guerre dont les détails sont ignorés; nous savons seulement que les succès qu'y obtint le consul Blasio lui valurent les honneurs du triomphe. L'hiver de 270 à 269 fut si rigoureux, que les eaux du Tibre se glacèrent à une

grande profondeur. D'énormes amas de neiges couvrirent la terre durant quarante jours; le Forum en était obstrué. Les arbres se desséchèrent jusqu'à la racine, et ne portèrent plus de fruits. Les bestiaux périrent faute de fourrage; et le blé manqua dans la ville et dans les campagnes. Voilà du moins ce que nous apprennent saint Augustin, Eutrope, Orose et Zonaras. C'est sous ce consulat qu'il paraît convenable de placer le trente-quatrième lustre, célébré par les consuls Titus Coruncanius et C. Claudius Canina. Le résultat du recensement n'est point connu; et cette censure même n'est indiquée ni par les Fastes, ni expressément par les historiens. On la conclut de ce qu'il est difficile de placer à une autre époque l'exercice de cette fonction par les deux magistrats qui tous deux l'ont remplie, Coruncanius, à ce que dit Velléius Paterculus, et Claudius Canina, selon Suétone, qui compte sept censeurs dans la famille Claudia.

Les Fastes universels de M. Buret de Longchamp attachent à cette année 270 avant J. C. les peintures dont Fabius Pictor orna le temple de la Santé à Rome; mais voici comment Pline l'Ancien s'exprime sur cet article: Apud Romanos quoque honos mature huic arti contigit. Siquidem cognomina ex ea Pictorum traxerunt Fabii clarissimæ gentis; princepsque ejus, cognominis ipse, ædem Salutis pinxit anno Urbis conditæ quadringentesimo quinquagesimo; quæ pictura duravit ad nostram memoriam, æde Claudii principatu exusta. « La peinture a été de bonne heure << en honneur chez les Romains; car une branche de l'il« lustre famille des Fabius en a tiré le surnom de Pictor, « et le premier qui le porta peignit le temple de la déesse

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« Salus en l'an de Rome 450; l'ouvrage a subsisté jusqu'à notre temps et à l'incendie du temple sous l'em«< pire de Claude. » Or, Messieurs, l'an de Rome 450correspond à 304 avant J.-C; et, quand il y aurait quelque inexactitude dans l'expression numérique de Pline, ces peintures resteraient toujours antérieures d'environ trente ans au consulat de Clepsina et Blasio. Toutefois je suis loin de prétendre qu'il faille s'en tenir à la date énoncée par Pline : elle serait évidemment trèsfautive, si le Fabius peintre était, comme on le croit communément, le même personnage que l'historien Fabius Pictor; car on a lieu de croire que celui-ci n'a écrit que vers 210, près d'un siècle après l'époque où il aurait, selon Pline, orné de peintures le temple de la Santé. Du reste, cette identité n'est pas certaine; et plusieurs biographes modernes se sont abstenus d'en faire mention en parlant de l'historien.

Caius Fabius Pictor et Quintus Ogulnius Gallus prirent possession des faisceaux consulaires le 25 mars 269. Le premier est-il distinct du peintre et de l'historien? La plupart des annalistes le supposent : il avait été, ainsi qu'Ogulnius, de l'ambassade envoyée à Ptolémée Philadelphe en 273. Sous leur consulat, la foudre frappa ce même temple de la déesse Salus, en ravagea l'intérieur, et en ébranla les murs. Trois loups s'avancèrent jusqu'au milieu de Rome, et y déposèrent une charogne qu'ils rongèrent à demi, le bruit qu'ils. entendirent les ayant empêchés d'en dévorer le surplus. On apprit que le tonnerre, tombé sur plusieurs endroits de la ville de Formies, entre Gaëte et Minturne, avait fait écrouler les murailles; et que dans la Campanie, entre Calès et le mont Massique, bien d'autres prodiges

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