La mer est sombre où tu naquis, amour, Pleine des pleurs et des sanglots du monde ; On ne voit plus le gouffre où nait le jour Luire et frémir sous ta lueur profonde; Mais dans les cœurs d'homme où tu fais séjour La douleur monte et baisse comme une onde. ENVOL Fille de l'onde et mère de l'amour, Du haut séjour plein de ta paix profonde THEOPHILE GAUTIER. POUR mettre une couronne au front d'une chanson, Il semblait qu'en passant son pied semât des roses, Les étoiles au fond du ciel en floraison. Sa parole de marbre et d'or avait le son Des clairons de l'été chassant les jours moroses; Le soleil fut pour lui le soleil du vieux monde, Et son œil recherchait dans les flots embrasés Le sillon immortel d'où s'élança sur l'onde Vénus, que la mer molle enivrait de baisers : Enfin, dieu ressaisi de sa splendeur première, Il trône, et son sépulcre est bâti de lumière. ODE. (LE TOMBEAU DE THÉOPHILE GAUTIER.) QUELLE fleur, ô Mort, quel joyau, quel chant, Quel vent, quel rayon de soleil couchant, Sur ton front penché, sur ta main avide, Sur l'âpre pâleur de ta lèvre aride, Vibre encore et luit? Ton sein est sans lait, ton oreille est vide, Ton œil plein de nuit. Ta bouche est sans souffle et ton front sans ride; Mais l'éclair voilé d'une flamme humide, Flamme éclose au cœur d'un ciel pluvieux, Rallume ta lèvre et remplit tes yeux De lueurs d'opale ; Ta bouche est vermeille et ton front joyeux, O toi qui fus pâle. Comme aux jours divins la mère des dieux, Reine au sein fécond, au corps radieux, Tu surgis au bord de la tombe amère ; Tu nous apparais, ô Mort, vierge et mère, Effroi des humains, Le divin laurier sur la tête altière Et la lyre aux mains. Nous reconnaissons, courbés vers la terre, Que c'est la splendeur de ta face austère Qui dore la nuit de nos longs malheurs ; Que la vie ailée aux mille couleurs, Dont tu n'es que l'âme, Refait par tes mains les prés et les fleurs, La rose et la femme. Lune constante! astre ami des douleurs |