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dans le train postérieur), par la circulation, puisque les mouvements du cœur sont parfaitement conservés. Vous voyez sur cette Grenouille qui vient d'être soumise à ce double empoisonnement successif, combien l'expérience est frappante. Il suffit d'exciter très-légèrement la partie antérieure qui est paralysée, pour déterminer un mouvement brusque, spasmodique, tétanique même, dans les membres postérieurs.

Ainsi, le curare paraît abolir isolément la propriété physiologique des fibres motrices et respecter celle des fibres sensitives. Il semblerait donc, au premier abord, que le problème est résolu d'une façon décisive et que nous pouvons affirmer que la propriété des fibres motrices est différente de celle des fibres sensitives. Eh bien! je n'hésite pas à vous dire que la démonstration n'est pas péremptoire. On fait, entre la fonction et la propriété des fibres nerveuses, une confusion que j'espère vous mettre à même d'éviter; et nous verrons que, sous l'influence du curare, c'est la fonction, l'action physiologique des fibres nerveuses mo trices, qui est empêchée, tandis que leur propriété physiologique reste intacte. Contrairement à la conclusion que l'on a tirée des expériences faites à l'aide du curare, je compte bien vous démontrer que les fibres nerveuses motrices, sensitives, sympathiques, que toutes les fibres nerveuses peutêtre, ont la même propriété physiologique, qu'elles ne diffèrent les unes des autres que par leurs fonctions, et que ces fonctions dépendent uniquement des connexions centrales et périphériques de ces diverses fibres. C'est à cette démonstration que seront consacrées mes prochaines leçons.

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Mode d'action du curare. - Le curare intercepte la communication entre les fibres nerveuses motrices et les fibres musculaires. Il abolit l'action des fibres nerveuses motrices, mais laisse intacte leur propriété physiologique. Les fibres nerveuses motrices et sensitives ont une seule et

Expériences de

même propriété physiologique: la neurilité. M. Flourens, à l'aide d'injections de poudres inertes et d'essences dans les artères crurales.

Pour bien déterminer le sens et la valeur des expériences dont je vous ai entretenus à la fin de notre dernière réunion, il faut que je vous parle encore du curare et du mécanisme de son action.

Nous avons vu que l'effet le plus saillant de l'empoisonnement par le curare consiste dans l'abolition de la motricité des nerfs. Mais comment se produit cette abolition? Les fibres nerveuses motrices sont-elles affectées dans toute leur longueur par la substance toxique?

Les recherches de M. Cl. Bernard, de M. Kölliker et d'autres physiologistes ont établi d'une façon très-nette que le curare n'agit pas tout d'abord sur toute la longueur des fibres nerveuses motrices, mais que son action se produit primitivement à l'extrémité périphérique de ces fibres. Je vous ai déjà indiqué l'expérience à l'aide de laquelle on peut démontrer ce fait.

Pour cela, on isole, sur une Grenouille, un muscle, le muscle gastro-cnémien, par exemple; on le sépare de façon qu'il ne soit plus en communication avec le membre que par le nerf et par le vaisseau qui s'y distribuent; puis on lie le vaisseau, et alors on empoisonne l'animal avec du curare. De tout le système nerveux de la Grenouille, le filet nerveux de ce muscle restera seul à l'abri du poison. Si l'on galvanise le tronc nerveux d'où émane ce filet nerveux, lorsque l'empoisonnement sera complet, on n'obtiendra de contraction que dans le muscle correspondant que l'on a mis en quelque sorte hors de la circulation générale par la ligature; pas un des autres muscles animés par le même tronc nerveux que l'on galvanise n'entrera en contraction. Le tronc nerveux n'a donc pas perdu sa motricité, mais il n'agit plus que sur un muscle, parce que toutes ses extrémités musculaires sont paralysées à l'exception d'une seule, celle du filet qui se rend à ce muscle. Les expériences poursuivies dans cette voie, parlent toutes dans le même sens. M. Cl. Bernard a fait voir par une autre expérience que le curare paraît agir d'une façon élective sur les extrémités des nerfs moteurs. Il enlève sur une Grenouille les deux muscles gastro-cnémiens avec les filets nerveux qui s'y distribuent. Dans un verre de montre qui contient de la dissolution de curare, il place le nerf de l'un des muscles,

de façon à ce que le muscle soit bien à l'abri du contact du poison; dans un autre verre de montre, contenant également du curare dissous, on met l'autre muscle, en ayant soin de tenir le nerf hors du verre. Or, c'est ce dernier nerf qui perd son action sur le muscle, tandis que celui qui était en contact direct avec le curare, conserve sa motricité.

On s'est tout naturellement demandé si cette action élective du curare restait bornée là où elle se fait sentir primitivement, ou bien si elle n'envahissait pas ensuite de proche en proche les fibres nerveuses de la périphérie vers le centre. C'est cette seconde manière de voir que l'on avait adoptée. Mais rien ne la justifie.

Les expériences démontrent au contraire que les troncs nerveux peuvent être soumis à l'influence du curare pendant plusieurs heures sans perdre leur motricité. J'ai vu, et j'ai cité ailleurs, un fait qui ne peut laisser de doute à cet égard. Sur une Grenouille, on avait étreint par une forte ligature un des membres postérieurs, à l'exception du nerf sciatique correspondant, puis on avait empoisonné l'animal au moyen d'une petite quantité de curare, introduite sous la peau du dos. Vingt-quatre heures après l'empoisonuement, il y avait encore des mouvements dans le membre lié, lorsqu'on venait à irriter fortement une autre partie du corps. Cette expérience est très-instructive, non-seulement en ce qu'elle montre que les nerfs peuvent être trèslongtemps en contact avec le curare sans perdre leur excitabilité, mais encore en ce qu'elle fournit un argument très-puissant contre ceux qui admettent que le curare agit aussi en paralysant les parties centrales du système nerveux. J'avais moi-même cru autrefois que le curare exerçait une

VULPIAN. PHYS, DU DYST. NÉRV.

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influence assez prononcée sur les centres nerveux; mais j'ai vu depuis qu'il n'en est rien, au moins pendant une période très-longue du temps pendant lequel l'animal reste souris à l'action du poison. Il y a bien, dans certains cas, une action excitatrice plus ou moins nette, qui se manifeste alors par des mouvements convulsifs ordinairement légers et de peu de durée; mais je dis qu'il n'y a pas d'action paralysante. Il est clair que, s'il en était autrement, si le curare agissait sur la partie centrale des nerfs ou sur le centre nerveux lui-même, on ne pourrait jamais, dans les expériences analogues à celles dont je viens de dire un mot, provoquer des mouvements dans les membres soustraits à l'action de cette substance, plusieurs heures après que l'intoxication est accomplie; car, dans ces conditions, les centres nerveux tout entiers et la partie centrale des nerfs destinés à ces membres sont complétement soumis à l'influence toxique, et devraient être alors paralysés depuis longtemps.

Je dois dire d'ailleurs que le résultat observé dans cette expérience est exceptionnel, quant à la durée de la possibilité des mouvements dans le membre lié. D'ordinaire, après trois ou quatre heures, le nerf qui se rend au membre lié paraît avoir perdu son excitabilité, mais il est facile de comprendre que c'est là une simple apparence. Ce sont les muscles, et non les nerfs, qui ont subi une modification: par suite de l'interception du cours du sang, leur contractilité a diminué, et les nerfs ne peuvent plus mettre cette contractilité en jeu. C'est exactement ce qui a lieu chez un animal non empoisonné et chez lequel on a interrompu la circulation dans un membre: la motricité des nerfs de ce membre semble disparaître avant l'irritabilité musculaire,

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