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Non, l'intelligence ne diminue pas plus chez eux que dans l'espèce humaine, du jeune âge à l'âge adulte: au contraire, elle se perfectionne; mais ses manifestations se modifient, parce que le caractère change.

C'est donc surtout, par le degré, que les facultés intellec tuelles que nous avons reconnues chez l'animal, diffèrent de celles qui existent chez l'Homme. Mais y a-t-il des facultés qui existent chez l'Homme et qui n'existent pas chez les animaux? Il en est une de ce genre sur laquelle tous les philosophes, Locke, Leibnitz, Buffon, s'accordent: c'est que les animaux n'ont pas le don de faire des abstractions, de se former des idées abstraites.

Mais ici encore il faut distinguer. Il y a des abstractions relatives aux objets matériels, ou plutôt aux sensations qu'ils produisent sur nous. Ce sont, par exemple, les abstractions par lesquelles nous nous formons des idées des arbres, des chiens, du rouge, du vert, de tel ou tel son, etc. En un mot, il y a des abstractions sensibles, c'est-à-dire formées à l'aide de propriétés sensibles. Eh bien ! il me paraît difficile de refuser ces idées abstraites, du moins en partie, aux animaux supérieurs, car c'est évidemment sur ces idées que s'exercent parfois leur mémoire, leur réflexion, leur raisonnement.

Quant aux idées générales abstraites, il me paraît tout à fait douteux qu'ils les aient; qu'ils aient la moindre idée abstraite de l'infini, du temps, de l'espace, des dimensions, des nombres, des rapports, etc. Ce qui me confirme dans cette conviction qu'ils n'ont pas de ces idées abstraites, c'est que je ne suis pas sûr que l'Homme les ait lui-même. Nous sommes ici exposés à une illusion sur laquelle on a trop peu insisté. Les animaux, ou du moins eertains d'entre

eux, ont une sorte de langage qui leur permet d'entrer en communication les uns avec les autres, soit par des variations ou des modulations de la voix, soit par d'autres bruits particuliers, soit par des contacts nuancés. Relativement à ce dernier mode, nous ne connaissons rien de plus remarquable que le langage antennal des Fourmis décrit par Huber. Mais, en définitive, ces modes de langage sont bien différents de celui de l'Homme. L'Homme seul possède le vrai langage articulé; lui seul peut faire des abstractions très-variées à l'aide de ce langage; lui seul, je n'ai pas besoin de le dire, peut ainsi faire des abstractions métaphysiques. Mais de ce que, par des mots convenus, on a pu représenter ces abstractions, il ne faut pas déduire, comme une conclusion nécessaire, que l'Homme possède des idées métaphysiques abstraites. Il n'y a guère d'idées possibles que dans le cas où il y a possibilité d'une représentation intellectuelle plus ou moins nette. Or, peuton se représenter, d'une façon abstractive, le temps, l'espace, etc.? Si je ne m'abuse pas, les prétendues idées générales n'existeraient donc pas en réalité, et elles ne devraient être considérées que comme des abstractions algébriques, pour ainsi dire.

Si cependant il était prouvé que nous avons des idées générales abstraites, on pourrait admettre que c'est là une différence entre les facultés intellectuelles de l'Homme et celles des animaux.

D'éminents physiologistes regardent comme une différence radicale entre l'Homme et les animaux, la faculté qu'a l'intelligence de l'Homme de se replier sur elle-même et de s'étudier elle-même. « Les animaux, dit M. Flourens, n'ont » pas la réflexion, cette faculté suprême qu'a l'esprit de

>> l'Homme de se replier sur lui-même et d'étudier l'esprit... » Il y a là une ligne de démarcation profonde. Cette pen»sée qui se considère elle-même, cette intelligence qui se >> voit et qui s'étudie, cette connaissance qui se connaît, for>>ment évidemment un ordre de phénomènes déterminés, >> d'une nature tranchée, et auxquels nul animal ne sau>> rait atteindre..... L'Homme est le seul de tous les êtres » créés à qui ce pouvoir ait été donné de sentir qu'il sent, » de connaître qu'il connaît, de penser qu'il pense. » Willis avait déjà dit : « Insuper mens humana actione reflexa seipsam intuetur, se cogitare cogitat. » En laissant de côté la forme métaphysique de cette allégation, il est clair que c'est là une différence entre l'Homme et les animaux, car bien certainement ces derniers ne se livrent pas à l'étude de la psychologie. Mais ce caractère n'appartient qu'à l'état le plus civilisé de l'Homme et ce n'est l'apanage que d'un petit nombre seulement d'individus, comparativement à la masse de ceux qui ne s'occupent point des processus intellectuels dont leur cerveau est le théâtre. C'est là un simple perfectionnement de l'intelligence; ce n'est pas un caractère fondamental.

Comme caractère distinctif, on cite également la faculté d'invention qui existerait chez l'Homme et qui n'existerait pas chez les animaux. Il est clair encore ici, que les animaux sont aussi loin que possible de l'Homme sous ce rapport. Cependant on peut se demander s'ils n'ont pas quelques rudiments de cette faculté d'invention qu'on leur refuse.

Les animaux ont-ils la liberté? Cette question est des plus difficiles à résoudre. Toutefois, on peut, avec F. Cuvier, reconnaître une certaine liberté chez les animaux les plus

VULPIAN.

PHYS. DU SYST. NERV

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intelligents; et, d'autre part, l'on peut ajouter que l'Homme n'est peut-être pas aussi libre qu'il voudrait bien se le persuader.

Enfin, les animaux ont-ils ou peuvent-ils avoir le sentiment du bien et du mal? Question grave qui exigerait d'abord l'étude de ce sentiment chez l'Homme luimême il faudrait examiner ses conditions d'existence chez l'Homme, et vous comprenez que je ne puis pas traiter cette question incidemment.

En résumé, on trouve chez les animaux, envisagés en général, la plupart des facultés intellectuelles de l'Homme, mais à un degré bien inférieur à celui qu'elles présentent chez l'Homme. Ainsi, tandis que les instincts sont les principaux mobiles d'action chez les animaux, c'est chez l'Homme, l'intelligence qui est le principe ordinaire d'action; et les instincts qui le dirigent encore, il les anoblit souvent et les transfigure parfois, pour ainsi dire, par son intelligence. Pour ne citer qu'un exemple, qu'est-ce que l'amour platonique, sinon une déviation intellectuelle de l'instinct de la propagation?

L'Homme, grâce à la perfectibilité extrême dont il jouit comme individu et comme espèce, est arrivé à un tel niveau de développement intellectuel, que la distance énorme qui existe originellement entre lui et l'animal le plus intelligent, est devenue incommensurable. C'est à ce développement prodigieux qu'il doit son industrie merveilleuse, ses arts, ses sciences; c'est ce qui fait de lui un être non pas hors cadre, mais tout à fait hors ligne dans la série des êtres vivants.

FIN.

TABLE DES MATIÈRES.

LEÇON I.

LEÇON D'OUVERTURE.

Introduction. - Objet du cours. - Considérations générales sur l'ensemble

du système nerveux.

-

- Division en parties centrales et parties conduc-

trices. Plan général du cours.

-

LEÇON II. LE SYSTÈME NERVEUX CONSIDÉRÉ COMME ORGANE DE PERFEC--

TIONNEMENT...

-

-

Polypes.

-

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Zoophytes. Protozoaires. Rhizopodes. -
Mouvements
provoqués ou spontanés chez certains végétaux. — Il n'y a pas de ligne
de démarcation tranchée entre le Règne animal et le Règne végétal.
LEÇON III. PARTIES CONDUCTRICES DU SYSTÈME NERVEUX......
Considérations sur les phénomènes d'excitabilité et de mouvement observés
en l'absence du système nerveux.
Historique. Structure

-

-

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des nerfs de la vie animale et des nerfs de la vie organique. - Quel est
l'élément essentiel dans la fibre nerveuse? Structure dans la série
animale.

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Les nerfs sont-ils contractiles? Ils sont excitables, conducteurs et excita-
teurs. Sensitivité. - Motricité. - Étude de l'excitabilité des nerfs.

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Action des excitations mécaniques, thermiques, électriques et chi-
miques sur les nerfs. Influence de l'anémie locale sur les nerfs. -
Résistance des nerfs aux diverses causes d'altération.

-

LEÇON V. - PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES QUI SE PASSENT DANS LES NERFS. 87
Historique. Force électro-motrice. -- État électro-tonique. - Variation
négative. Vitesse de propagation des excitations dans les nerfs.

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