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modifications, qu'elle fixe son attention sur ce qui se passe en elle, et qu'elle produit un acte de perception? Comment expliquer l'idée générale qui suppose que l'ame a l'intuition d'un objet ou de ses qualités, qu'elle répète cette intuition sur plusieurs objets et qu'elle en conserve le souvenir, qu'elle compare tous ces objets entre eux pour connaître leurs ressemblances et leurs différences, qu'elle fait abstraction des différences, qu'elle ne tient compte que des ressemblances pour en faire une idée totale qui puisse s'appliquer à tous les objets qu'elle a considérés et à tous ceux qui leur ressemblent, qui suppose par conséquent une puissance de l'ame qui travaille la matière fournie par les sens pour lui donner le caractère de généralité, qui peut reconnaître qu'une qualité réelle ou rationnelle est commune à un certain nombre d'individus qui, suivant qu'elle opère sur des individus ou des faits, a l'idée de genres ou de lois. Qu'est-ce qu'une matière qui généralise? Si l'ame est matérielle, comment expliquer l'idée qui n'est du domaine d'aucun sens, la conception de cause, par exemple, qui n'est point innée en nous pas plus que toutes les autres idées, mais qui est le produit d'une faculté innée, qui suppose une puissance en nous, la raison, qui peut s'élever du connu à l'inconnu, de l'idée de fait à l'idée de cause, provoquée qu'elle est dans le prin

cipe par l'intuition des phénomènes, par la connaissance expérimentale que nous avons des agents dans la nature, qui suppose en nous une puissance capable de s'isoler du monde extérieur et d'arriver, par l'analogie ou par d'autres voies, à créer des idées qui ne sont du ressort d'aucun sens. Du ressort de quel sens est l'idée de cause? de quelle odeur, de quelle couleur? De quel sens sont les idées mathématiques? Qu'est-ce qu'une matière qui a des conceptions? Comment, si l'ame est matérielle, expliquer le jugement qui consiste essentiellement dans la conception d'un rapport de convenance ou de disconvenance entre deux idées, qui suppose par conséquent que l'ame est en possession de ces deux idées et qu'elle est capable d'en saisir le rapport (*)? Comment se rendre compte du raisonnement qui consiste à tirer un jugement d'autres jugements déjà

(*) Pour juger, il faut préalablement comparer, et l'on ne peut comparer sans avoir deux idées à la fois. Or, si l'ame est matérielle, ne fût-elle composée que de deux parties, deux molécules, où placerez-vous les deux idées ? Seront-elles toutes deux dans chaque partie, ou bien l'une dans une partie et l'autre dans l'autre? Choisissez, il n'y a pas de milieu. Si les deux idées sont l'une dans une partie et l'autre dans l'autre, elles sont séparées; si l'un des atomes conçoit une idée, si l'autre atome conçoit l'autre idée, qu'est-ce qui fera le rapprochement? La comparaison est donc impossible. Si les deux idées sont réunies dans chaque partie, il y a deux comparaisons à la fois et par consé

connus, à concevoir qu'une idée qui ne se montre pas d'abord est implicitement renfermée dans une autre idée qui se montre de suite et qui suppose par conséquent en nous une puissance capable de raisonner, de voir les conséquences dans les principes? Qu'est-ce qu'une matière qui a la propriété de juger, de raisonner? Comment concevoir qu'elle puisse abstraire, analyser, synthétiser; qu'elle puisse se souvenir, associer des idées, expérimenter dans les sciences, imaginer dans les arts et la poésie? A-t-on jamais réfléchi au phénomène de la mémoire ou faculté de rappeler des idées et de l'imagination qui vit de souvenirs et crée des êtres fictifs, et si l'on avait étudié sérieusement ces facultés, aurait-on jamais osé annoncer qu'elles sont des propriétés de la matière? Enfin, si l'ame est matérielle, comment comprendre qu'elle puisse saisir l'esprit d'un discours, d'un écrit qui repose sur des conventions entre les intelligences, qu'elle puisse avoir l'idée du vrai ou du faux, du juste et de l'injuste, du vice et de la vertu, l'idée de Dieu? De quel sens est l'idée du juste et de l'injuste?

quent deux substances qui comparent, deux ames, deux moi; il y en aura mille si vous supposez l'ame composée de mille parties. Ainsi, il faut nier la faculté de comparer, de juger, ou bien admettre la pluralité du moi.

Cette idée est dans l'homme et elle n'est du ressort d'aucun sens elle est donc du ressort de quelque chose qui n'est point matériel, de la raison, de la conscience morale. Tous les phénomènes de l'intelligence sont donc incompatibles avec la matérialité de l'ame.

L'ame, en tant qu'active, a la faculté d'agir, d'avoir des actes, de vouloir.

La volonté n'est autre chose que la réflexion sur l'activité pour la diriger dans tel ou tel sens, c'est l'ame agissant avec liberté.

L'activité correspond aux phénomènes plus visiblement actifs, à nos déterminations, à nos volitions. Je dis plus visiblement : car quand l'ame agit avec réflexion, elle se sent aussi agir et elle a conscience de ses actes. L'activité est essentielle à l'ame. Nous voudrions la nier que nous ne le pourrions, car il nous est impossible de ne pas nous concevoir actifs ou comme cause de certains phénomènes qui se passent en nous (*).

(*) Nul être matériel, dit J.-J. Rousseau dans son Emile, n'est actif par lui-même, et moi je le suis on a beau me disputer cela, je le sens; le sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat, et quoi qu'en dise la philosophie, j'oserai prétendre à l'honneur de penser; je suis un être actif et intelligent.

Si l'ame était matérielle, elle aurait dans le même temps et sur la même chose des milliers de volitions autant qu'il y aurait de molécules dans sa substance, ce qui n'est pas ; ou bien elle aurait des fractions de volition, ce qui est absurde. D'ailleurs elle serait douée de l'inertie qui est une des propriétés générales de la matière, de sorte qu'elle serait active et qu'elle serait inerte tout à la fois, c'est-à-dire qu'elle serait et qu'elle ne serait pas active, ce qui est la plus étrange des hypothèses.

Ainsi les phénomènes de l'activité de l'ame sont incompatibles avec la matérialité.

Pour répondre à la question dans toute son élendue, il est nécessaire de se demander encore comment nous pouvons concilier l'unité de la pensée, l'unité du moi, son identité avec la matérialité, et de considérer l'ame dans ses rapports avec l'organisation cérébrale.

La pensée est essentiellement une. Si l'ame est une substance matérielle, nous devons avoir tout à la fois et sur la même chose autant de pensées qu'il y a de molécules dans cette substance pensante, ou bien des tiers, des dixièmes, des centièmes, des millièmes..... de pensée.

Le moi, c'est-à-dire l'ame qui se sent, qui se con

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