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Nous nous abstiendrons de tracer longuement ici le diagnostic différentiel entre les tubercules et le cancer. Il y a des différences si nombreuses et si tranchées entre leurs caractères anatomiques et cliniques, que la confusion n'est guère possible. Pour n'en citer que quelques uns, on sait que le tubercule ne se localise pas sous forme de tumeurs solitaires comme le cancer, dans sa première apparition au moins, mais qu'il offre d'emblée une localisation multiple, soit dans les poumons, soit dans les glandes lymphatiques. Une fois déposé, le tubercule ne se vascularise point. Il augmente par juxtaposition, il se ramollit, il produit autour de lui une fonte purulente, mais il n'a pas de nutrition circulatoire particulière. Les petits corpuscules sans noyaux et sans nucléoles, que l'on trouve dans le tubercule, sont également on ne peut plus différents des cellules du cancer, qui sont beaucoup plus volumineuses, et distinctement pourvues d'une paroi cellulaire, d'un noyau et d'un ou plusieurs nucléoles. Le corpuscule du tubercule à l'état de crudité est retenu en place par une substance intermédiaire solide, tandis que la cellule cancéreuse est libre dans son suc. La tuberculisation est une affection bien moins fâcheuse que le cancer. Déposé dans des organes externes en quantité même notable, le tubercule peut s'éliminer par la suppuration et le malade peut guérir complétement. Tous les jours nous rencontrons dans les autopsies des cas de tubercules pulmonaires guéris lorsqu'ils n'ont existé qu'en petit nombre. Il n'y a pas, dans le tubercule, ce principe délétère qui entraîne fatalement la mort du malade, et la tuberculisation ne tue que lorsqu'elle altère profondément des fonctions indispensables à l'entretien de la vie. Le siége de prédilection de ces deux affections est complétement différent; aussi, tandis que le cancer a une prédilection pour l'utérus, la glande mammaire et l'estomac, qui sont des organes doués d'une grande immunité par rapport aux tubercules, ceux-ci ont, au contraire, la prédilection la plus marquée pour les poumons dans lesquels le cancer primitif est rare. L'affection tuberculeuse est une maladie fréquente dans la jeunesse, tandis que le cancer appartient plus en propre à la seconde moitié de la vie. Quant à la substance d'apparence tuberculeuse que l'on rencontre quelquefois dans les tumeurs cancéreuses, elle n'est en aucune façon du vrai tubercule, et nous avons indiqué longuement, dans le chapitre précédent, le mode de formation et la composition de cette altération du tissu cancéreux que nous désignons sous le nom de phymatoïde.

Nous n'avons tracé dans ces pages que quelques uns des points

les plus essentiels pour le diagnostic général du cancer. En décrivant cette maladie dans les divers organes, nous aurons souvent occasion d'insister sur le diagnostic spécial. Nous espérons cependant avoir déjà donné dans ce paragraphe une nouvelle preuve que le cancer est une maladie spéciale, différente de toutes les autres, et qu'on parvient à bien le reconnaître et à l'apprécier dans sa nature intime lorsqu'on tient compte de tous ses caractères anatomiques, microscopiques et cliniques, en suivant, en un mot, la méthode naturelle, et en évitant de donner une valeur trop absolue à un seul de ses caractères.

S VI. Pronostic du cancer.

Nous n'avons malheureusement que fort peu de choses à dire sur ce pronostic en général. Il résulte de tout ce que nous avons dit jusqu'ici que le cancer est de toutes les maladies chroniques la plus constamment et la plus absolument incurable. Aussi ne peut-on admettre que des différences dans le temps que mettront à s'accomplir la progression et la fin de la maladie. Il y a deux circonstances surtout qui modifient le pronostic : l'une est le siége et la fonction de l'organe primitivement affecté ; l'autre, la tendance plus ou moins prononcée à la généralisation. C'est ainsi que le pronostic, par rapport à la durée, est plus favorable pour le cancer externe que pour celui des organes intérieurs. Dans ce dernier, il faut tenir compte de l'importance des fonctions que remplissent les organes atteints. Il n'est pas étonnant que le cancer du pylore et celui du foie tuent plus promptement que celui de l'utérus, dont la marche serait plus lente encore, si la terminaison fatale n'était pas hâtée par les hémorrhagies. Le cancer de la peau n'a pas, comme mal local, une bien haute gravité; mais sa marche est rapide, surtout lorsqu'il est mélanique, parce qu'alors il tend à l'infection générale. Il faut tenir compte aussi, dans le pronostic, de la marche initiale. Il est rare qu'un cancer qui, d'emblée, affecte une marche rapide, ne parcoure pas plus promptement toutes ses phases qu'un cancer à marche primitivement lente; la durée de la stricte localisation est certainement l'élément essentiel sur lequel se fonde le pronostic favorable ou défavorable. Cependant il ne faut pas perdre de vue le fait qu'après une marche lente de une ou de plusieurs années, celle-ci peut devenir beaucoup plus prompte et beaucoup plus fâcheuse. Sous ce rapport, la période infectante est la plus mauvaise, tandis que les périodes de localisation et d'accroissement peu

vent du moins laisser l'espoir de voir la vie se prolonger pendant quelques années. Pour une appréciation spéciale approximativement exacte, il faut se rappeler ici les chiffres de la durée moyenne que nous avons indiqués plus haut pour les divers organes. L'âge n'a pas une aussi grande influence sur le pronostic qu'on le croit généralement. Nous avons vu très souvent des cancers, dans un âge avancé, parcourir très promptement toutes les phases de leur développement; et parmi les cancers à marche très lente, nous en avons observé un certain nombre dont l'origine remontait précisément à l'époque de la cessation des règles, circonstance qui est généralement regardée comme très fâcheuse. Mais cela tient plutôt à la coïncidence de cette époque de la vie avec l'âge de la plus grande fréquence du cancer, et, par conséquent, avec sa plus grande mortalité; cependant, comme la proportion est la même à peu près pour les hommes que pour les femmes, l'âge critique de la femme n'a pas cette importance directe qu'on lui assigne généralement. Le cancer n'offre pas une marche plus lente dans l'enfance que chez l'adulte, et ici encore il faut tenir compte plutôt de l'organe atteint que de l'âge. C'est ainsi que le cancer osseux dans le jeune âge a une marche plus rapide que le cancer de l'œil, et que de deux jeunes femmes, l'une et l'autre encore éloignées de l'âge critique, celle qui aura un cancer de l'utérus succombera, en thèse générale, plus promptement que celle chez laquelle le cancer se sera localisé dans la glande mammaire.

Il y a des accidents qui rendent le pronostic plus fâcheux. C'est ainsi que des hémorrhagies abondantes abrégent les jours du malade. La perforation dans la cavité abdominale amène une mort prompte. Les symptômes de l'étranglement interne dans le cancer des intestins ne peuvent laisser qu'un répit de peu de jours, mais entraînent également la terminaison fatale, à moins qu'on ne tente comme dernière chance la colotomie.

En un mot, tout ce que nous avons dit plus haut sur la marche et la terminaison du cancer s'applique intégralement au pronostic, et nous tomberions dans des répétitions inutiles si nous nous étendions plus longuement sur ce pronostic général.

CHAPITRE IV.

TRAITEMENT HYGIÉNIQUE, MÉDICAL ET CHIRURGICAL DU CANCER
EN GÉNÉRAL.

Dans tout le cours de ces généralités sur le cancer, on a pu se convaincre qu'il fallait toujours tenir compte de l'organe dans lequel le cancer s'était localisé, et qu'il existait des différences anatomiques assez notables, selon que le cancer était externe ou interne, et surtout selon l'importance des fonctions de l'organe affecté, ainsi que selon les accidents fortuits qui pouvaient survenir. Il en résulte que des différences non moins grandes doivent exister pour la thérapeutique du cancer. Aussi mettrons-nous un soin particulier à être aussi complet que possible dans le traitement de chaque localisation cancéreuse ou cancroïde, et nous bornerons-nous à indiquer ici seulement les points de vue les plus généraux du traitement de cette maladie. Avant tout, se présente la question de savoir si le cancer est une maladie curable ou non?

La curabilité du cancer a été bien différemment résolue à diverses époques et par les divers pathologistes. Aujourd'hui tous les bons esprits s'accordent à regarder le cancer, dans l'immense majorité des cas, comme incurable, et les rares exceptions de guérison que citent des observateurs consciencieux disparaissent même devant les doctrines actuelles sur le cancroïde et sur les maladies confondues avec le cancer. On a pu voir que nos documents se basaient sur un grand nombre de faits. Eh bien, pour notre compte, nous n'avons pas encore observé une seule fois la guérison du cancer, tandis que, bien au contraire, nous avons souvent constaté la guérison de maladies non cancéreuses confondues avec le cancer. Et ici se trouve au premier rang l'hypertrophie de la glande mammaire, tandis que le cancroïde des surfaces tégumentaires, bien qu'ayant offert des guérisons incontestables, est loin cependant d'avoir procuré d'aussi bons résultats. Cependant il y a trop peu de temps que ces dernières affections sont séparées du cancer, pour que la chirurgie ait déjà tiré tout le parti qu'elle est susceptible de tirer de la nature strictement locale du cancroïde.

Nous pouvons formuler d'une manière nette et positive notre manière de voir sur la curabilité du cancer, du cancroïde et des affec

tions non cancéreuses confondues avec le cancer, dans la proposition générale suivante : Le cancer, dans l'état actuel de la science, est absolument incurable. Le cancroïde le devient souvent par sa propagation locale et irradiante ; mais il existe des exemples de guérisons non douteuses, et cette maladie a encore incontestablement un bel avenir chirurgical. Quant aux autres affections locales confondues avec le cancer, leur guérison est bien plus fréquente encore, et leur curabilité vient à l'appui de leur différence anatomique et clinique, pour les séparer de plus en plus des affections cancéreuses. Nous croyons nous rapprocher tout à fait de la vérité en disant que tous les cancers prétendus guéris de la glande mammaire n'étaient pas de vrais cancers, et que, par conséquent, ces exceptions ne reposent que sur une erreur de diagnostic.

Tout en convenant de l'incurabilité du cancer dans la majorité des cas, on a fait valoir, pour démontrer sa curabilité dans des cas exceptionnels, le fait que des cancers locaux pouvaient s'atrophier, tomber par gangrène, etc., et que la diathèse cancéreuse après une ou plusieurs opérations pouvait s'éteindre, comme c'est le cas pour le tubercule. Nous avons vu plus haut que les changements locaux, en apparence favorables, n'empêchaient pas la maladie de sévir avec une grande intensité sur d'autres organes, et que, par conséquent, l'amélioration locale n'était en aucune façon une guérison; les malades, dans ce cas, n'étaient pas en réalité dans de meilleures conditions que ceux chez lesquels une récidive cancéreuse n'a pas lieu sur place. Quant à l'extinction de la diathèse cancéreuse, il ne s'agit pas de savoir si elle peut avoir lieu, mais si elle a été bien et rigoureusement démontrée. Nous avons déjà vu combien on a abusé de l'analogie entre le tubercule et le cancer que nous maintenons, pour notre compte, comme extrêmement restreinte; dire que le cancer doit guérir parce que le tubercule guérit dans un certain nombre de cas, c'est sortir des bornes d'une saine argumentation. Nous ne nions pas la possibilité de l'extinction de la diathèse, mais nous n'avons jamais observé la réalité de ce fait, et nous ne connaissons pas d'observation rigoureuse qui la démontre. Il faut savoir que si la récidive a ordinairement lieu avant deux ans révolus, de nombreux exemples existent cependant dans lesquels elle n'a eu lieu qu'au bout de trois, quatre, six ans, et au delà. Si les malades avaient succombé à une maladie quelconque avant ce moment, un observateur inexpérimenté aurait pu déclarer ces malades guéris, tandis que le praticien qui connaît la marche du cancer les aurait envisagés comme ayant tou

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