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trop avancé, et que la tumeur de l'arrière-gorge est assez circonscrite pour pouvoir être enlevée en totalité, il faut en même temps faire l'extirpation des glandes lymphatiques cancéreuses du cou, surtout lorsque leur nombre n'est pas considérable, ce qui est le cas le plus ordinaire. Il faut s'abstenir au contraire de cette opération inutile lorsqu'on enlève dans la bouche une partie du cancer, dans le seul but de rétablir momentanément le passage des aliments.

Le traitement palliatif doit s'occuper essentiellement de soins hygiéniques pour amender quelques uns des symptômes les plus pénibles. La nourriture doit être prise sous forme liquide ou demi-liquide; elle se composera de bon bouillon avec du jaune d'œuf, de potages aux fécules, de viandes hachées bien menues, de boissons rafraîchissantes d'un goût agréable, telles qu'une solution de sirop de groseille ou de sirop de cerise. Lorsque l'haleine est très fétide, on mettra en usage un gargarisme chloruré (4 à 8 grammes de chlorure de chaux dans 500 grammes d'un liquide mucilagineux, telle qu'une décoction d'althæa, d'orge, etc.). Lorsque le cancer est le siége de douleurs vives et que le malade est très souffrant, on pourra prescrire un gargarisme narcotique, tel qu'une solution de suc de laitue ou une infusion d'herbe de jusquiame (4 grammes infusés avec 500 grammes d'eau, avec addition de 30 grammes de miel rosat). En même temps on prescrira à l'intérieur les narcotiques, la teinture de jusquiame, la belladone et surtout les préparations opiacées. Lorsque le malade peut encore avaler des pilules, on choisira de préférence l'extrait gommeux d'opium, à la dose de 3 à 5 centigrammes le soir, et plusieurs de ces doses dans les vingt-quatre heures, à mesure que le malade s'y habitue. On remplacera les pilules, lorsque le malade ne pourra plus les avaler, par du sirop de morphine, à la dose de 10 à 15 grammes et au delà dans les vingt-quatre heures. Lorsqu'aucun aliment ne pourra plus passer, on soutiendra les forces du malade, pendant quelques jours encore, par des lavements nourrissants de lait ou de bouillon avec addition de jaunes d'œufs.

Nous proscrivons dans ces maladies incurables l'emploi du mercure, de l'iode, de l'arsenic, de l'or, et, en général, de tous ces métaux que l'on a préconisés à tort comme des spécifiques contre le

cancer.

SECTION II.

CANCER DE LA LANGUE.

SI. Anatomie pathologique.

Le cancer de la langue est une des affections cancéreuses les plus douloureuses et les plus disposées à de promptes récidives, même après les opérations les mieux faites.

Le siége du cancer de la langue est variable. On le rencontre à la partie antérieure, à la partie moyenne, ainsi qu'à la base de cet organe; sur ses bords aussi bien que vers son milieu; il occupe rarement toute la largeur de l'organe, et la structure très dense de la partie médiane l'empêche souvent de franchir cette limite. Ordinairement il débute dans l'épaisseur même de l'organe, et lorsqu'il provient tout à fait de sa surface, surtout de la couche épithéliale ou des papilles, il est déjà, par cela même, plus probable qu'on n'a point affaire à un véritable cancer, mais plutôt à une hypertrophie épithéliale locale idiopathique ou se formant sous l'influence d'une cause spécifique, le plus souvent syphilitique. C'est ainsi que s'expliquent plusieurs cas de guérison radicale, cités par divers auteurs, entre autres la guérison d'un cas de cancer de la langue par la ligature, au moyen du serre-nœud, que Lisfranc citait souvent dans sa clinique. Les recherches les plus récentes sur cette matière me font croire que les affections épithéliales cancroïdes de la langue sont plus fréquentes qu'on ne le croit généralement.

L'induration initiale dans l'épaisseur de la langue s'étend de plus en plus, mais elle ne prend guère les dimensions considérables que nous rencontrons souvent dans l'encéphaloïde des autres organes.

Pendant le premier temps du développement du cancer de la langue, le tissu qui l'entoure devient le siége d'une nutrition plus active, d'une vraie hypertrophie. La membrane muqueuse qui recouvre le cancer, ainsi que le tissu musculaire qui l'entoure, augmente d'épaisseur et de consistance. Mais on n'y rencontre point ces intersections fibreuses dans la substance musculaire qui sont si fréquentes dans le cancer du pylore.

Le cancer de la langue est un de ceux qui ont une tendance prononcée à l'ulcération, comme l'ont généralement ces affections lorsqu'il n'y a point à la surface de l'organe affecté un plan fibreux dense qui s'y oppose, et lorsqu'elles ne se trouvent pas renfermées dans des cavités closes et inaccessibles à l'air. L'ulcère cancéreux présente

à la langue des bords calleux et frangés; une surface rouge qui saigne facilement, et qui est recouverte parfois de végétations molles, telles qu'on les rencontre ordinairement dans l'ulcère encéphaloïde. La sécrétion de l'ulcère est sanieuse et fétide.

A mesure que le mal fait des progrès, il contracte des adhérences avec les parties voisines. C'est ainsi que l'on rencontre dans le cancer avancé de la langue une extension du tissu morbide vers les piliers du palais, vers la base de la langue; des fistules même peuvent s'ouvrir dans les organes voisins, ce dont Dietrich (1) cite un exemple curieux dans un de ses comptes rendus de recherches anatomopathologiques faites à l'hôpital de Prague.

Le tissu du cancer de la langue montre, sur une coupe fraîche, bien plus souvent l'aspect du tissu encéphaloïde que celui du squirrhe, ce qui tient probablement à la petite quantité du tissu cellulaire que renferme la langue, même à l'état normal, tissu dont l'hypertrophie et le développement exagéré constituent la forme squirrheuse.

Cette substance est donc ordinairement d'un jaune pâle, plutôt blanchâtre, assez homogène, formant une surface unie, ou se trouvant plutôt disséminée sous forme de tubercules cancéreux qui montrent le même aspect, tout en laissant entre eux un tissu musculaire rouge, à peu près normal, et peu ou point infiltré de suc cancéreux. Ce dernier existe, en général, en quantité notable dans ces tumeurs, et l'on n'a besoin que de passer le scalpel, avec une très légère pression, sur une tranche fraîche pour en obtenir une quantité notable. En examinant la surface rouge et fongueuse de l'ulcère, on voit déjà, avec la loupe, un très fort développement vasculaire, mais cette couche est ordinairement mince. Le tissu cancéreux renferme toujours encore une quantité assez notable de faisceaux musculaires pâles et altérés, méconnaissables, du reste, par l'examen à l'œil nu.

L'examen microscopique des éléments du cancer de la langue nous a offert les caractères suivants que je note, sans les donner comme propres au cancer de cet organe. Les cellules m'ont paru généralement volumineuses, variant entre 0mm,02 et 0mm,03; dans un cas même, je les ai trouvées entre 0mm,035 et 0mm,06. Loin d'être toujours régulières, leurs parois peuvent perdre toute apparence d'individualité et se montrer alors ou sous forme de lambeaux irréguliers, finement ponctués, renfermant un ou deux noyaux, ou sous celle d'expansions membraneuses contenant tout un groupe de ces mêmes

(1) Prager Vierteljahrschrift, 1845, t. III, p. 446.

noyaux. J'ai vu ceux-ci varier entre 0mm,01 et 0mm, 02. Les nucléoles enfin ont varié entre 0mm,025 et 0mm,0033, En outre, nous avons observé des cellules mères volumineuses, renfermant quatre à cinq noyaux dans une enveloppe arrondie. Une fois nous avons observé les parois des cellules notablement épaissies, ayant jusqu'à 0,005 d'épaisseur dans les parois même, sans compter l'épaisseur de leur cavité interne. Comme dans toutes les formes de tissu cancéreux, on rencontre souvent un grand nombre de noyaux libres sans parois d'enveloppe. Les éléments graisseux et fibreux ne se trouvent qu'en très petite quantité. Nous avons enfin examiné avec soin les altéra tions de la fibre musculaire dans le cancer de la langue. Celle-ci perd d'abord sa teinte rouge, et devient très pâle; ensuite la cohésion entre les faisceaux primitifs et secondaires s'altère par l'interposition des éléments cancéreux, et nous avons même rencontré des globules cancéreux, et surtout leurs noyaux, dans l'intérieur des cylindres musculaires.

Les glandes lymphatiques du cou sont quelquefois affectées dans le cancer de la langue. Nous avons vu dernièrement un cas dans lequel une masse, plus volumineuse que le poing, de ganglions cervicaux cancéreux existait chez un individu dont la langue cancéreuse, notablement épaissie, renfermait également un grand nombre de tubercules cancéreux.

M. le docteur Loeffler m'a communiqué oralement, pendant son séjour à Paris en 1847, un fait dans lequel des tumeurs cancéreuses multiples existaient en même temps dans le foie. Du reste, nous ne possédons pas sur ce sujet des observations complètes et détaillées, surtout avec autopsie, ayant perdu de vue ces malades après l'opération.

§ II. Pathologie.

Le cancer de la langue est un mal si accessible aux sens, qu'en traçant l'histoire des lésions qu'il produit, nous avons déjà indiqué un bon nombre des signes qui le caractérisent. Aussi n'auronsnous que peu de choses à ajouter.

La petite tumeur cancéreuse naissante dans l'épaisseur de la langue passe, la plupart du temps, inaperçue, tant que son volume n'est pas suffisant pour produire de la gêne dans la déglutition. Les douleurs manquent presque toujours au début et quelquefois pendant tout le cours de la maladie, et lorsqu'elles surviennent plus tard, elles ne se montrent qu'après que la tumeur a déjà

pris un certain accroissement, et surtout lorsque la période de l'ul cération s'est établie. Les douleurs alors sont vives, lancinantes; elles reviennent ordinairement à des distances rapprochées, mais ne sont pas continues. On comprend que, de cette façon, le mal puisse exister à l'état latent pendant quelque temps. Nous ne pouvons pas pourtant partager l'opinion de Boyer (1), qui dit que ce mal peut rester à l'état latent pendant plusieurs années. Telle n'est généralement pas la marche du véritable cancer de la bouche, qui suit habituellement un cours rapide. De plus, il est bien difficile de déterminer la durée d'un mal dont le malade ne s'est nullement aperçu pendant un certain temps. On confond enfin quelquefois avec le cancer de la langue diverses affections cancroïdes de cet organe. Déjà avant que la douleur se manifeste dans ces tumeurs, il y a ordinairement un sentiment de pesanteur et de gêne dans l'endroit affecté ; les mouvements de la langue commencent à s'exécuter moins librement, et les malades sont incommodés par une démangeaison qui a son siége à la surface de la langue, dans la partie correspondante à la tumeur. Une fois que la tumeur a pris plus de développement, la gêne des mouvements de la langue, ainsi que celle de la déglutition, augmente de plus en plus, mais bien plus lorsque le cancer a son siége à la base de la langue que lorsqu'il siége à sa partie antérieure, et bien plus encore lorsque les piliers des voiles du palais commencent à se prendre. Un besoin fréquent de cracher incommode les malades, et l'accumulation des mucosités et de la salive pendant le sommeil leur devient très pénible; plus tard, il survient une toux sèche ou avec expectoration. Cette toux est laryngée et s'accompagne d'une altération de la voix. L'haleine des malades devient très fétide, surtout lorsque le cancer s'est ulcéré, ulcère dont nous avons indiqué plus haut les caractères, et dont l'étendue dépasse rarement 2 à 3 centimètres carrés.

C'est à cette époque aussi que les hémorrhagies se manifestent; elles sont peu considérables lorsque ce sont les vaisseaux de l'ulcère même qui fournissent le sang, mais bien plus copieuses lorsque quelque artère plus volumineuse a été érodée par l'ulcère. La partie de la langue qui n'est pas malade offre sa couleur naturelle, et parfois elle est couverte d'un enduit blanchâtre; il est rare d'y apercevoir les signes de l'inflammation.

Le mal, abandonné à lui-même, amène bientôt des symptômes généraux graves. Tous les signes de la cachexie cancéreuse sur

(1) Boyer, Traité des maladies chirurgicales, t. VI, p. 410.

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