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les provisions par le menu, et de bien veiller à ce que le tiroir soit toujours fourni, si mieux n'aimez tenir le magasin garni de quelques-uns de vos cadres de réserve.

Aux prises avec tous ces ennemis et les fléaux qui menacent à chaque instant de lui ravir le fruit de ses peines et tarir la source de ses joies, l'apiculteur doit toujours être sur le qui-vive, s'il ne veut pas se laisser surprendre à l'improviste. Car, il ne doit pas se le dissimuler, c'est lui, je le répète, qui est en quelque sorte la vie et comme l'âme de son rucher; sans lui ses abeilles, comme des troupes séparées du général qui les conduisait à la victoire, se consumeront en vains efforts et demeureront à la merci de leurs adversaires. De même qu'une grande épopée guerrière se résume presque toujours dans une capacité militaire de premier ordre, ainsi un rucher se personnifie, pour ainsi dire, dans un homme. Lui présent, tout s'agite, tout marche, tout prospère; sans lui tout languit, tout s'arrête et tout meurt.

Quæque ipse miserrima vidi

Mon beau-père avait réussi, à force de soins. et de persévérance, a créer un vrai rucher-modèle: sa mort vint malheureusement mettre un terme à cette prospérité exceptionnelle. Quelques années étaient à peine écoulées qu'un petit nombre de ruches, et en assez mauvais état, avaient seules échappé au désastre général. Tityrus hinc aberat!..

Pour moi, soldat encore inexpérimenté dans la grande armée des apiculteurs, en voyant ces troncs à demi renversés, souillés de poussière et couverts des toiles de l'araignée gloutonne, il me revint involontairement en la pensée ce chapitre dans lequel Volney dépeint si poétiquement la désolation planant sur la ville de Zénobie, dont les temples détruits ne se reconnaissent plus aujourd'hui qu'à leurs colonnes renversées et à demi cachées dans le sable du désert.

Je rêvais encore de ce petit vallon, perdu dans un recoin de l'Ile-de-France, où Bernardin-deSt-Pierre a placé la scène de son inimitable pastorale, et je m'écriai avec le vieillard pleurant la perte de ses enfants et de ses plus douces illusions: << Chères familles, ces bois qui vous donnaient leur ombrage, ces fontaines qui coulaient pour vous, ces coteaux que vous animiez de votre présence, déplorent encore votre perte. Pour moi, depuis que je ne vous ai plus, je suis comme un ami qui n'a plus d'amis, comme un père qui a perdu ses enfants!... »

Seigneur, préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même,
Dans le mal triomphants,

De jamais voir, Seigneur, l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,

La maison sans enfants!

V. HUGO.

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L

HISTOIRE de ce berger infortuné, sous le pseu

donyme duquel Virgile semble avoir voulu se peindre lui-même, tant il se complaît à nous intéresser à son malheur, ne se renouvelle que trop souvent chaque année pour un bon nombre de propriétaires d'abeilles ; et, bien que cette perte puisse en grande partie être mise sur le compte de l'inintelligence avec laquelle cette portion intéressante de sa domesticité se trouve gouvernée par l'homme, on ne saurait nier qu'il existe des fléaux qui s'abat

tent parfois sur elles et les déciment cruellement, malgré tous les soins dont il les entoure.

Non tam creber, agens hiemem, ruit æquore turbo
Quam multæ pecudum pestes.....

V., Georg, III.

Toutefois, il est des pratiques et des précautions à l'aide desquelles on peut atténuer le mal et prévenir de plus grands désastres.

Parmi les causes qui peuvent amener la perte des abeilles, il en est tout d'abord deux principales: le froid et la disette.

Le froid au simple degré de congélation, ou, comme on dit communément, à zéro, engourdit les abeilles et les plonge dans un état d'asphyxie, pendant la durée de laquelle elles n'ont pas besoin d'aliments Le dégel les ranime, et alors elles consomment le miel et le pollen amassés durant l'automnc. Mais si le froid augmente en intensité ou en durée, il fait périr beaucoup d'abeilles. Il résulte de cette alternative un double inconvénient; dans les hivers rudes il en périt un grand nombre par l'excès du froid, et, dans les hivers doux, par le manque de vivres.

Les hivers qui leur sont le plus favorables sont donc ceux où un froid modéré, et d'une durée qui ne devient pas trop longue, les entretient dans un état d'engourdissement, pendant lequel elles ne consomment pas leurs provisions.

Les abeilles, en se réunissant et se massant au centre de leur ruche, savent s'entretenir dans un

degré de chaleur suffisant pour se garantir d'un froid modéré. Aussi le degré de température que leur agglomération développe dans la ruche surpasse de beaucoup celui de la température extérieure. Un thermomètre placé à l'intérieur de l'une d'elles accusa dix degrés au-dessus de zére, tandis qu'au dehors il marquait trois degrés de froid.

Plus une ruche sera peuplée, plus la chaleur y sera grande, et moins les abeilles auront à craindre du froid extérieur. Un moyen de prévenir les ravages du froid est donc de veiller à ce que les ruches soient toujours bien peuplées, et d'y suppléer au besoin en les réunissant plusieurs ensemble.

Chose singulière! elles consomment, ainsi réunies, beaucoup moins qu'elles ne l'eussent fait isolément; en sorte qu'une population triple dépense à peine un tiers ou moitié en plus que n'eût fait une ruche seule, et l'épargne sur le miel a lieu dans cette proportion (Gélicu). Excellent moyen d'augmenter sa provision de micl dans les pays où les essaims abondent, et qui devrait engager les régnicoles à renoncer à leur barbare coutume de détruire les abeilles avant l'hiver, pour s'emparer de la totalité de leurs provisions. Ajoutez à cela que les ruches ainsi doublées ou triplées en population donneront, au printemps suivant, de beaux essaims précoces, ce qui augmenterait de beaucoup, par suite, la somme de la récolte de miel. Mais, pour nos pays du sud-est, périodiquement désolés

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