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tour de concilier ces deux extrêmes, et donner, s'il était possible, un peu d'attrait à la partie économique

de la science, en y introduisant de la variété, et lui communiquer un peu de vie à l'aide de quelques digressions inspirées par le sujet même. J'ai cru devoir y joindre une Notice bibliographique, rappelant dans un cadre restreint les nombreux travaux qui ont été entrepris à l'occasion des abeilles, afin que, si je n'ai pu réussir a intéresser le lecteur, je puisse au moins lui servir d'intermédiaire pour faciliter ses recherches et le mettre à même de compléter ses études sur cette partie si intéressante de l'histoire naturelle. L'accueil que le public fera à mon livre prouvera si j'ai atteint ce but. En tous cas, si je dois renoncer à l'illusion de plaire tout en étant utile, en m'obligeant à reconnaître mon peu de valeur, ce travail, agréable passe-temps de mes heures de loisir, n'aura pas été tout à fait perdu.

INTRODUCTION

Je vais chanter ce peuple industrieux
Qui recueille le miel, ce doux présent des cieux.
Dans ces petits objets que de grandes merveilles !
DELILLE, Georg., 1. iv.

V

ous souvient-il, ami lecteur, de ce curieux chapitre de Bernardin de Saint-Pierre, où ce peintre à la palette si chaudement colorée, s'essayant à l'étude des grandes harmonies de la nature par Lébauche de l'histoire naturelle du fraisier semé par l'haleine des vents sur la fenêtre de sa mansarde, finit par avouer si ingénuement son impuissance, en voyant son sujet grandir et s'étendre isamment devant lui? Et pourtant quel soin mant eux ne met-il pas à en décrire le port et les habitudes, ainsi que ses rapports avec les lieux,

saisons, les climats et les nombreux habitants, hotes d'un jour ou parasites à demeure, qui en font, les uns leur résidence habituelle, les autres le theatre passager de leurs jeux et de leurs amours! Ah! c'est qu'il est difficile, en effet, d'embrasser d'un

seul coup-d'œil, et de retracer dans leur ensemble, les lois qui régissent les individualités dans cette série continue de modifications qui constituent la vie elle-même.

Eh bien! pareille chose m'est arrivée en voulant coordonn pour mon usage, les préceptes épars dans les nombreux ouvrages écrits à diverses époques sur les abeilles.

Depuis Varron, Columelle et Virgile jusqu'à l'illustre Réaumur et toute la pléiade de nos apiculteurs modernes, systèmes, théories, construction de ruches et de ruchers, tout a été tour à tour essayé, prôné d'abord jusqu'à l'engouement, puis de rechef abandonné pour d'autres errements qui ne valaient guère mieux; car c'est surtout en apiculture que l'on peut dire avec le poète :

Mulla renascentur quæ jam cecidere

Cadentque....

Et moi-même

Qui fais ici cette moralité,

j'ai, pour ma part, il faut bien l'avouer, subi toutes les péripéties de l'inventeur. Comme tant d'autres, j'ai fait, défait, refait, et au fur et à mesure que je voyais s'étendre le champ de mes études apicoles, j'ai reconnu que plus d'un expérimentateur avait passé avant moi par les mêmes phases et éprouvé les mêmes succès suivis également des mêmes revers. Il en sera malheureusement toujours ainsi

pour la plupart des connaissances humaines, l'esprit de l'homme étant naturellement borné, et à ce titre, fatalement condamné à se mouvoir éternellement dans le même cercle. « Il n'y a de nouveau que ce qui a vieilli, a dit excellemment Sainte-Beuve, et on ne découvre bien souvent que ce qui a été lu et oublié ; » mais lors même que tout aurait été dit par les anciens, il y aura toujours cette nouveauté, à savoir l'application, l'usage habile et la combinaison de ce que les autres ont trouvé; et ainsi l'homme,moitié de bon gré, moitié à son corps défendant, tire de lui-même tout l'art, toute l'industrie dont il est capable, et le peu d'or qu'il doit à

tous.

Sachez-moi donc gré de vous épargner ce travail de Sisyphe, en vous offrant ce petit traité propre à vous éviter des tâtonnements inévitables à vos débuts. Je me suis étudié à le rendre aussi clair et aussi succinct qu'il m'a été possible. Puissiez-vous trouver en le lisant, autant de plaisir que j'en ai eu à l'écrire? (1) C'est le propre des choses l'on aime linimen dulce laborum de nous que passionner aisément pour notre œuvre. Ici, plus qu'ailleurs peut-être, le terrain est glissant, je vous en avertis ; si vous avez mis une fois le pied dans

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(1) Mihi quidem ita jucunda hujus libri confectio fuit, ut non modò omnes obterserit senectutis molestias, sed effecerit mollem etiam et jucundam senectutem. CIC. De senectute.

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le champ de l'expérimentation, cédant à l'attraction passionnelle, vous vous trouverez bientôt pris, sans vous en douter, à l'engrenage, et appelé malgré vous à grossir la phalange des apiphyles, apiculteurs ou apimanes, comme il vous plaira de les appeler, manic du reste tout aussi excusable que celle des antiquaires et des numismates,-ne sommes-nous pas tous un peu d'Athènes en ce point? et, comme le dit dans son piquant et naïf langage, le sceptique Montaigne : « Tel qui, écrivant sa vie, en ôterait tout ce qui n'est pas ordonné selon la raison, celui-là en retrancherait plus de moitié. »>

Du reste, en vous engageant à étudier et à soigner les abeilles, et en vous promettant de cette étude et de ces soins autant de plaisir au moins que de profit, je n'ai point la prétention de faire couler chez vous le Pactole lui-même, roulant l'or dans des flots de miel (1). Je viens tout simplement exposer aux apiculteurs novices, et offrir à la sanction des praticiens, une méthode conciliant à la fois la commodité et le profit de l'expérimentateur avec le bien-être et la prospérité de ces intéressants insectes, objet de sa sollicitude.

La méthode, sinon nouvelle, du moins simple et facile, dont je me ferai ici le défenseur convaincu,

(1) Roux. La Fortune des campagnes. Vingtrinier, 1856.

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