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émigrés au delà du Rhin en 1687 pour échapper aux dragonnades. Ils ont d'ailleurs oublié la patrie française. Auprès des princesses allemandes, notre langue jouissait alors de la même faveur qu'en Russie. Elisabeth de Bohême, princesse palatine, après avoir reçu à Leyde des leçons de Descartes, refusa la main du roi de Pologne, Wladislas IV, par crainte d'être distraite de ses chères études. Elle s'enferma dans l'abbaye luthérienne d'Hervorden et y vécut trente ans, ne s'arrachant à la lecture des Principes de philosophie, que Descartes lui avait dédiés, que pour savourer les Lettres sur des sujets de morale qu'il lui adressait de temps en temps. La duchesse de Hanovre et la marquise de Brandebourg montraient le même goût pour la langue et la littérature françaises. De ces petites cours Leibnitz était l'àme (1646-1716); sous l'influence de ce grand philosophe doublé d'un grand mathématicien, le français devint la langue scientifique et philosophique de l'Europe. C'est en français qu'il écrivit sa Théodicée et ses Nouveaux essais sur l'entndement humain : « La gloire de Leibnitz, dit M. Am. Jacques, est pour nous presque une gloire nationale. C'est en français qu'il a écrit ses ouvrages les plus importants...., et par un privilège assez rare, cette langue qui n'est pas la sienne se plie docilement entre ses mains à tous les caprices de son ingénieuse pensée. Le style de Leibnitz n'est pas toujours un modèle de correction, mais aucun écrivain de notre pays n'a, dans des sujets de cette gravité, plus de naturel, de verve et de force; et, comme son langage, toujours pris du plus profond des choses, part d'un esprit pénétré, souvent l'élévation de la pensée lui suggère d'éloquentes et sublimes inspirations, qui placent quelques pages de ses écrits à côté des plus beaux chefs-d'œuvre de notre littérature philosophique. »

(La fin au prochain numéro.)

J. DUSSOUCHet.

PÉDAGOGIE MORALE

LE MOBILE DE L'HONNEUR DANS L'ÉDUCATION MORALE (notes d'une conférence d'école normale d'Institutrices)

A Port-Royal (Voir F. Cadet, Histoire de Port-Royal, p. 64), nous voyons figurer la confession publique parmi les exercices religieux qui remplissent la journée des jeunes pensionnaires. C'est une sorte de faveur exceptionnelle accordée aux jeunes filles qui veulent s'avancer dans la voie de la perfection spirituelle.

Mme de Maintenon, au contraire, entend maintenir le principe de l'honneur: « Cultivez soigneusement dans vos filles les sentiments d'honneur qui sont comme naturels aux personnes de notre sexe et plus spécialement aux nobles; et n'allez pas exiger d'elles des pratiques qui pourraient affaiblir cette bonne gloire et les rendre hardies par exemple de leur faire déclarer des fautes humiliantes publiquement, en croyant que ce serait rappeler la coutume des confessions publiques que l'Église a cru devoir supprimer. »

Comparer les deux manières de voir. D'un côté la pratique de l'extrême humiliation; mortifier l'orgueil; - de l'autre, l'honneur, la pudeur, c'est-à-dire le respect de soi, de ce que l'on doit à son nom, à sa famille, à son sexe, à son état, à son rang, à la figure que l'on est appelé à faire dans le monde; bref, le sentiment de la dignité personnelle considéré par le côté social.

Laquelle de ces deux vues adopterons-nous? Il n'y a point à hésiter c'est celle de Mme de Maintenon. Sans doute l'humilité est un sentiment vrai, c'est-à-dire qui répond à la vérité des choses, à notre véritable situation au sein de l'ordre universel, comme aussi à notre véritable état moral; sentiment raisonnable autant qu'il est chrétien. Mais ce qui est également vrai, raisonnable, légitime, c'est le sentiment que nous avons d'un personnage

à soutenir, à ne point trahir par une confession qui nous montrerait pires ou moins bons au fond du cœur que nous n'avions paru l'être, qui exposerait sans nécessité notre vie secrète à des regards profanes, indiscrets, incapables de bien voir et de bien. apprécier. Cette figure, ce personnage extérieur d'homme de bien, honnête, pur, désintéressé, etc., que je présente au public, qui me lie, et qui par là même soutient ma faiblesse, mais que démentent des actions ou des dispositions secrètes, ce personnage, il est moi, il est le moi que je dois être, que je veux être, celui que par conséquent je suis en quelque mesure, en qui j'aime à me reconnaître, à qui je reviens après toutes sortes d'infidélités cachées.

Maintenons à son haut rang dans l'éducation ce mobile de l'honneur qui nous porte (convenons-en) à paraître plutôt qu'à être, mais à paraitre tels à la fois qu'il convient à un homme et à notre place dans le monde; qui par là même nous contraint plus ou moins d'être ce que nous paraissons, qui nous ramène sans cesse à notre rôle et nous y retient comme de force, enfin qui nous rattache étroitement à nos semblables, nous mettant à leur égard dans une juste dépendance d'estime.

L'honneur, il est vrai, n'est pas la vertu; il n'est pas la dignité personnelle, non; mais il en est comme la traduction mondaine. L'homme d'honneur n'est pas l'honnête homme au sens plein, lequel est avant tout l'homme du devoir intérieur; il n'est que l'homme comme il faut, bien élevé, bien né; mais l'honnéte homme ne saurait aller tout à fait sans lui: et ce n'est pas hasard si les deux acceptions se sont rencontrées au dix-septième siècle dans l'usage commun de ce mot.

Avons-nous trop de tous les sentiments vrais pour brider la faible nature humaine et la tenir debout? Redisons-le. Il est selon la raison, selon l'ordre, puisque nous nous débattons continuellement dans l'imperfection, que nous ayons en quelque sorte une existence double, l'une intérieure et close à tous les regards, pleine de misères, de contradictions, de bonnes intentions et de pitoyables défaillances; l'autre meilleure, correcte, rangée, soutenue, conforme à ce que la société attend de nous. De ces deux existences, la seconde n'est pas notre image absolument fidèle, mais elle n'est pourtant pas mensonge ou dissimulation; et la

première, dans sa mobilité, dans ses états alternatifs et contradictoires, n'est pas davantage tout nous-même; ce serait mentir et nous calomnier que de détacher un fragment, une scène isolée de ce drame incohérent, pour la produire en public.

Qu'est-ce à dire? Chacun de nous est un monde distinct en formation, qui se dégage péniblement du chaos; mais c'est un monde clos et qui doit rester clos sous notre seule responsabilité, dont personne ne peut nous soulager; avec notre pudeur qui nous fait taire le bien et le mal secrets; avec notre honneur, mélange de respect de nous-mêmes et de respect de nos semblables, qui nous fait mettre dans notre conduite plus de tenue, de suite, de cohérence, plus de vertu en un mot que nous n'en savons mettre dans notre vie intérieure, si ondoyante et diverse. C'est à l'abri de cette discrétion, de ce secret impénétrable, que se constitue l'individualité distincte et forte. Que vaut en effet une âme banale, ouverte aux regards de tous? Quel attrait peut-elle avoir? Quelle force personnelle peut-elle acquérir?

On peut entendre « l'hygiène à l'école » de manières diverses. Ce peut être l'exposé des règles à suivre dans les écoles primaires pour éviter les maladies contagieuses; ou bien encore l'énumération des soins qui doivent être pris pour prévenir chez les enfants les déformations entraînées par l'usage d'un mobilier scolaire mal compris ou les affections graves de la vue causées par la construction défectueuse des bâtiments et le mauvais éclairage. Mais tout cela a été prévu, étudié avec soin, à propos du grand effort qui depuis 1870 a été tenté pour doter la France d'un enseignement primaire sérieux. Des commissions compétentes réunies à cet effet ont donné les meilleurs avis sur toutes les questions d'hygiène scolaire qui leur étaient soumises, et tout récemment le Musée pédagogique a réuni dans un fascicule spécial (fascicule n° 113) les décrets, arrêtés, règlements et circulaires relatifs à l'hygiène scolaire dont l'application doit être surveillée par les médecins inspecteurs. Aussi n'est-ce pas à ce point de vue que je voudrais dans ces quelques lignes attirer l'attention sur cette question de « l'hygiène à l'école ». Ce dont je désire parler ici, c'est principalement de l'enseignement de l'hygiène à l'école. Je me trouve actuellement en Limousin, et certes il est impossible, en présence de l'ignorance complète où sont les populations de cette région des règles les plus élémentaires de cette science (et il en est de même en bien d'autres points de la France), de nier qu'il y ait quelque chose à faire de ce côté. Quand on voit partout le fumier s'étalant devant les fermes et formant une couche humide et nauséabonde qu'il faut traverser coûte que coûte pour entrer dans les habitations; quand on constate l'état répugnant de malpropreté dans lequel vivent un nombre considérable d'individus qui cependant ont été à l'école, qui savent lire et écrire, mais qui restent bouche bée quand on appelle leur attention sur les conditions repoussantes de vie qu'ils créent autour d'eux, on est stupéfait de voir qu'aussi peu de progrès aient été réalisés en matière d'hygiène générale, alors que tous les hommes compétents proclament la nécessité de répandre les notions concernant l'hygiène.

Quand les travaux les plus récents des physiologistes démon

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