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que de supposer, que la supériorité des facultés mentales, ainsi communiquée des parents aux enfants, puisse être le patrimoine éternel d'une famille, et s'y maintenir, d'ellemême, à ce degré d'éclat et de force intellectuelle où elle s'était élevée dans ses premiers auteurs.

C'est bien mal reconnaitre l'action de l'hérédité sur le développement des facultés mentales, que de l'imaginer ainsi stationnaire, dans le sein d'une lignée, quand tout y obéit à la loi de mouvement et de succession que suivent dans les individus les facultés elles-mêmes: on voit, chez les derniers, la supériorité la plus éminente de l'intelligence, croître, décroître, et finir, souvent avant la vie. L'action de l'hérédité sur l'intelligence, dans le sein des familles, ne la soustrait pas, même en la renouvelant par la génération, à ce destin de la vie. Il y a comme une sorte de nécessité, à ce que la transmission de la force intellectuelle offre les mêmes périodes, et ce sont, en effet, celles qu'elle nous présente. Neuhs était si frappé de ce résultat, qu'il avait cru pouvoir faire une application de cette loi de mouvement de l'hérédité des facultés mentales au fait de l'ascension et de la décrépitude de quelques dynasties (1), point de vue d'où l'histoire est, en effet, curieuse à interroger. Il est digne de remarque que le mouvement ascendant des hautes facultés d'un assez grand nombre de fondateurs de races, s'arrête presque toujours à la troisième, se continue rarement jusqu'à la quatrième, et presque jamais ne dépasse la cinquième génération. Nous le voyons s'élever, jusqu'à ce dernier terme, dans la race de Pépin, où, de père en fils, se suivent Pépin de Landen, Pépin d'Héristal, Charles-Martel, Pépin-le

(1) Theat. ingenii humani, lib. I, p. 325, 326.

Bref, et enfin, Charlemagne, chez lequel il n'arrive à son épanouissement que pour décliner. Il s'arrête au second terme, dans les fondateurs de la race capétienne, de Robert, duc de France, à Huges-Capet, roi; de même, dans celle des Guises, quelques instants si riche en hommes remarquables, il ne va pas au delà de la victime de Blois. Les résultats auxquels des recherches statistiques fort curieuses ont conduit Benoiston de Châteauneuf, viennent encore à l'appui de ce qu'on vient de lire. Dans son intéressant travail sur la durée moyenne des familles nobles, on est étonné de voir, avec quelle vitesse, s'éteignent les familles les plus riches en tous genres d'illustrations : presque aucune ne dépasse trois siècles de durée; si peu qu'elles persistent, presque toutes survivent à la gloire de leur nom. La noblesse d'épée, la noblesse de robe ne sont pas les seules astreintes à cette loi: dans les lettres, dans les sciences et dans les beaux-arts, les noms les plus célèbres sont disparus au bout d'un petit nombre d'années. La famille de Boileau a duré à peine deux cents ans, malgré les treize enfants mâles qu'elle a produits ; celle de Racine n'a pu se continuer au delà de trois générations ; celle de Crébillon n'en a compté qu'une. Molière est mort sans laisser d'enfants; Corneille sans s'être marié; Danville, Bailly, Lavoisier, Condorcet, n'ont eu que des filles. Le dernier des Cassini vient de finir dans la retraite sa vieillesse séculaire (1).

Cette sorte d'évolution de l'hérédité n'est point particulière aux facultés mentales, et reçoit, comme nous le

(1) Benoiston de Chateauneuf : Mémoire sur la durée des familles nobles, en France, (Annales d'Hygiène publique et de médecine légale. 1846, tom. XXXV, p. 27 et suiv.)

verrons, une sanction nouvelle de généalogies pathologiques, dressées avec le plus grand soin. La théorie, aussi, la confirme en tout point. Partout nous retrouverons cette loi de progression et de rétrogression dans le transport séminal des attributs normaux ou anormaux du type individuel de l'être. Ainsi, loin que ce fait renverse le principe de la propagation des facultés mentales, il ne fait qu'ajouter à la vérité et à la portée de l'in duction de Neuhss, qui ne voit, avec raison, dans ce mouvement évident de l'hérédité de l'intelligence, qu'une nouvelle preuve de sa réalité et comme de sa vie : « Atque «< ideò quidem certa est illa paternæ indolis in posteritatem « transitio ut, in claris familiis, illa suos veluti natales ha« beat, et sumpto incremento, adolescat et, senior confecta, « deficiat et commoriatur. Eximit se subitò aliqua de << vulgo familia, et secundus gratiæ auris, ad conspicuam lu- . <«< cem, ab ignotis tenebris emergit. Eadem, statim obsoles«< cente venustatis splendore, vix majorum gloriam tuetur. « Tùm magis magisque extabescens, et eruta hominum sensibus, sempiterna oblivione deletur(1). » C'est, en d'autres termes, la même conclusion que celle où arrive Burdach: «La nature tend partout à l'harmonie ; aussi après avoir pris un plus grand élan, chez certains individus, revientelle promptement à sa mesure ordinaire. Les talents meurent dans une famille à laquelle il ne reste plus qu'à vivre de la gloire de ses ancêtres, et tandis que les anciennes races s'abâtardissent, il s'en élève de nouvelles, ce qui rétablit l'équilibre (2). ›

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(1) Theatrum ingenu humani, lib. I, p. 326 et lib. I1, p. 209.

(2) Burdach, tom. II, loc cit.

ARTICLE IV.

DE L'HÉRÉDITÉ DES CARACTÈRES PROPRES AUX MODES D'ACTIVITÉ MOTRICE ET VOCALE DE L'ÊTRE.

Les développements où nous sommes entré, sur l'hérédité des formes principales de l'activité nerveuse, nous dispensent de longues considérations sur l'hérédité des mouvements et de la voix ; ces phénomènes n'étant, comme les sensations, comme les sentiments, comme l'intelligence, que des phénomènes de la même puissance, ne sauraient demeurer étrangers à ses lois.

Ils en dépendent aussi étroitement que les autres. Les mouvements et la voix présentent, comme ces derniers, une double physionomie :

La première est celle du type spécifique;

La seconde est celle du type individuel.

L'homme, comme espèce, a instinctivement les mêmes mouvements, les mêmes gestes, les mêmes poses, les mêmes attitudes; il a, comme espèce, les mêmes cris, la même voix : nous ne parlons pas ici de la parole, développement ultérieur et acquis de la dernière, et dont les formes sont régies par l'habitude ou par la convention.

Mais, comme individu et comme race, l'homme est loin de présenter une égale uniformité de mouvements et de voix.

Il se personnifie dans leurs caractères, et il s'y réfléchit quelquefois tout entier.

La vivacité, la lenteur, la grâce, la force, la souplesse, la rudesse, la douceur, la dureté, l'adresse, l'indolence, tout y est à la fois infini et divers dans ses expressions,

même les plus précises, et malgré l'infini, malgré la variété, tout, à la condition d'y avoir son principe dans l'organisation, est transmissible par elle.

Quelques mots d'abord sur l'hérédité des phénomènes

moteurs.

SI.

De l'hérédité des facultés motrices.

Il existe, à ce sujet, chez les Orientaux, une légende singulière qui nous reporte à ces jours de paradis de la terre, et de première jeunesse de la création, dont il nous manque l'histoire. C'était après le bannissement de l'Eden: Adam et Eve partaient, en se tenant par la main; l'ange Gabriel arrive, et il dit à Adam : « Quitte la main d'Eve, Dieu veut que tu sois séparé d'elle. » Ils se quittent : dans leur douleur, Adam se frappe la cuisse de la main, Eve porte la main à sa tête, ils pleurent de là, dit la légende, l'habitude traditionnelle et héréditaire des hommes et des femmes: les uns, dans leur chagrin, se frappent la cuisse avec la main, les autres se portent la main à la tête (1).

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Il n'y a pas si loin, qu'on le pourrait croire, de cette curieuse légende des docteurs musulmans, à une théorie d'un des plus beaux génies de la philosophie, d'un religieux, Mallebranche:

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<< Ce que je souhaite principalement que l'on remarque, « lisons-nous dans le célèbre disciple de Descartes, c'est qu'il y a toutes les apparences possibles que les hommes gardent, encore aujourd'hui, dans leur cerveau, des a traces et des impressions de leurs premiers parents; car, de même que les animaux produisent leurs sem

(1) Perron, Légendes orientales. Aperçu historique sur les temps anté-islamiques, d'après les docteurs musulmans, Rev. ind., t. IV, p. 450.

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