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VII

DISSERTATION

HISTORIQUE ET MÉDICALE SUR L'ELLÉBORISME (1)

(TRADUITE DU LATIN).

INTRODUCTION.

§ 1. Je veux parler de l'elléborisme des anciens, de ce traitement si connu, dans lequel les médecins de l'antiquité employaient contre les maladies chroniques les plus rebelles un remède énergique et violent, le veratrum album, et, par une heureuse audace, procuraient maintes fois, comme par miracle, une guérison radicale. Cette méthode ancienne est tout à fait digne d'attention, d'autant plus qu'on a plus complétement abandonné de nos jours l'usage de cet excellent remède, soit en général, soit dans le traitement particulier des maladies chroniques, si négligé des médecins modernes qui opposent indifféremment n'importe quel remède à toutes les maladies de ce genre (2).

§ 2. Dans ce travail, nous ferons d'abord des recher

(1) Dissertatio hisotrico-medica de helleborismo veterum. Lipsiæ, 1812. Ce mémoire a été présenté par Hahnemann à la Faculté de médecine de Leipsick.

(2) C'est ainsi que le docteur Horn, médecin de l'hôpital de la Charité, et professeur à l'école médico-chirurgicale de Berlin,déclare (Anfangsgründe der mediz. Klinik, th. II, cap. 7) que, contre toutes les maladies chro

ches sur l'antiquité de l'elléborisme et sur le commencement de son emploi. Ensuite nous examinerons si notre veratrum est la même plante qui servait aux anciens pour le traitement par l'ellébore. Nous indiquerons les lieux qui étaient renommés pour produire les meilleures espèces de cette plante, et les signes auxquels on distinguait l'ellébore de bonne qualité. Enfin, nous parlerons de l'emploi du veratrum, soit en général, soit pour l'usage journalier, ordinaire, soit pour la « grande cure», l'elléborisme même. L'époque où l'on a commencé à l'employer, celle où l'on en a cessé l'usage, la saison la plus favorable au traitement, les circonstances qui le contre-indiquaient, pareillement les maladies qui appelaient l'elléborisme; puis le traitement préalable auquel on soumettait le malade, la préparation de ce remède, sa forme, sa dose; les substances qu'on y associait, le régime qu'on prescrivait au malade qui avait pris du veratrum; les remèdes usités pour prévenir les périls qui accompagnaient le traitement, pour obvier aux accidents possibles et assurer le succès définitif: tels seront les divers sujets de notre étude. En terminant, nous parlerons en peu de mots de l'emploi de l'ellébore noir chez les anciens.

§ 3. Dans ces recherches, je ne dépasserai pas les limites du moyen âge; je laisserai à d'autres le soin

niques persistantes, il ne connaît qu'un traitement : c'est de faire disparaître la faiblesse au moyen de n'importe quel excitant, dont il indique l'emploi presque au hasard, c'est-à-dire sans égard aux propriétés spécifiques de chaque médicament et à l'immense variété des maladies chroniques. Voilà comment les médecins de l'école dite rationnelle de notre époque ont mêlé ensemble et confondu et les remèdes et les maladies, et que, avec la prétention de trouver dans tout remède une ressource certaine contre toute maladie, ils ne peuvent rien guérir.

d'exposer l'usage du veratrum album (1) et de l'ellébore noir chez les modernes.

A. Premier usage de l'ellébore comme médicament.

§ 4. Dans les temps les plus reculés de la Grèce, lorsque le peuple, au corps robuste, mais à l'intelligence grossière, en proie à des superstitions ridicules, à une vaine crainte des dieux et des démons, et sous le coup des infortunes et des maladies, moins occupé d'écarter ses maux que de connaître la volonté du ciel et d'interroger l'avenir, ne demandait aux médecins que des formules magiques et des présages sur les époques des crises, de la convalescence ou de la mort, alors les médecins comptaient plutôt parmi les devins que parmi les défenseurs de la santé humaine, je veux dire parmi les hommes qui savaient, à l'aide d'un remède, éloigner les maladies. § 5. Alors, pour ainsi parler, point de médecine, très peu de remèdes.

§ 6. Dans ce petit nombre, nous trouvons l'ellébore blanc au premier rang, comme le remède le plus efficace et le plus ancien.

$ 7. En effet, vers l'an 1500 avant notre ère, un certain Melampus, fils d'Amithaon, devin et médecin très célèbre, d'abord à Pylos, puis chez les Argiens, rétablit, dit-on, les filles du roi Proetus, qui, pour n'avoir point trouvé d'époux (2), saisies d'une fureur amoureuse (3),

(1) Voy. Beauvais, Effets toxiques et pathogéniques de plusieurs médicaments, sur l'économie animale dans l'état de santé, Paris, 1845, p. 232 à 325.

(2) Apollodor., Biblioth., lib. II, cap. 2.

(3) Avicenne, lib. II, De medicamentis simplicibus, artic. Charbak (Romæ, 1593, in-fol., p. 269), l'atteste en ces termes :

سدحية لبنات فروطوس فوسوسن من

couraient, frappées de folie, à travers les bois (1), et c'est surtout au veratrum album qu'on attribue leur guérison (2). Melampus leur avait fait prendre du lait de chèvres nourries de veratrum (3). De là vint la réputation de cette plante.

§ 8. Plus tard, si nous en croyons un interpolateur anonyme de l'histoire des plantes de Théophraste (4), cité par Rufus d'Ephèse (5) et par Dioscoride (6), Melampus sé serait servi de l'ellébore noir, qui de son nom aurait été appelé Melampodium. Mais c'est là une erreur facile à relever (7).

§ 9. Je n'ai pas besoin d'invoquer le témoignage d'Hérodote, cité à tort par Sprengel (8), pour prouver que Melampus guérit les filles de Proetus avec le veratrum album. Sprengel, dont le mérite comme historien. de la médecine est d'ailleurs incontestable, s'est trompé en cet endroit.

(1) Vaccarum instar per nemora vagabantur. (2) Galen., lib. De atra bile, cap. 7.

(3) C. Plin. sec., Hist. nat., lib. XXV, cap. 5, sect, XXI. Il paraît indiquer que Mélampe nourrit ces chèvres de veratrum album (pour rendre ainsi le lait médicinal), quand il ajoute : Nigro (elleboro) equi, bøves, sues necantur, itaque cuvent id; cum candido vescantur,

(4) Voy. plus bas la note du § 17.

(5) Oribas. collectorum medicinalium (Venet., ap. Ald., in-8°) lib. VIII, cap. 27, p. 251.

(6) Mater. med., lib. IV, cap. 151.

(7) Elle a déjà été soupçonnée par J. H. Schulze, Diss. de elleborismo veterum, p. 3-4. Halæ, 1717; in-4°.

(8) Histoire de la médecine, trad. de l'allemand, par A.-J.-P. Jourdan. Paris, 1815, § 1, p. 121. Hérodote, dans le passage cité (líb. IX, cap. 33), dit seulement que Melampus reçui, de la part des Argiens, des offres d'argent pour guerir des femmes argieunes frappées de folie furieuse, mais qu'il demanda la moitié du royaume et qu'il finit par l'obtenir. Hérodote ne mentionne même pas le remède employé par Melampus.

§ 10. Disons plutôt que, dans les anciens temps de la Grèce, l'art de guérir étant encore dans son enfance, les médecins, y compris Melampus, ne connaissaient pas d'autre évacuant que la plante désignée sous le nom de veratrum album, et qu'ils l'appelaient ellébore par excellence, pour ainsi dire l'évacuant unique et le plus connu (1).

§ 11. Avec le progrès du temps, si je ne me trompe, peu après l'époque d'Hippocrate, fils d'Héraclide, lorsqu'on eut découvert un autre évacuant, les médecins appliquèrent à cette nouvelle plante le nom d'évacuant noir, elleborus niger (2). C'est ainsi que s'est formé, selon toute vraisemblance, le nom de l'ellébore noir, la découverte de cette plante étant postérieure à celle du veratrum album.

$ 12. Ce qui le montre clairement, c'est qu'avant la centième olympiade, on ne rencontre point d'auteur qui fasse mention d'ellébore noir; celui-ci n'avait pas encore été découvert, ou, ce qui revient au même, n'était pas encore en usage (3). Il n'y a personne qui,

(1) Ce mot helleborus, donné au vomitif unique universellement connu, prit par l'usage une signification si étendue, qu'il s'appliquait quelquefois à son action même, au vomissement. Ad vomitiones (πpòs toùs ¿λλebó– povs, etc.), ante potionem (medicamenti) præparandi sunt difficulter vomentes humectatione corporis per uberiora nutrimenta el requiem. (Hippocr., sect. IV, aphor. 13.)

(2) On disait helleborus et helleborum.

(3) Les Prénotions coaques, attribuées à Hippocrate, sont tellement remplies d'archaïsmes et rédigées d'un style si rude, que Grimm, dans l'index de sa traduction allemande (T. II, p. 586), les a prises, avec vraisemblance, pour les préceptes écrits et conservés, longtemps avant Hippocrate, dans le temple d'Esculape, à Cos.. Dans ce monument très ancien de l'art de guérir, il est parlé plusieurs fois (311, 567, 569, 570) de l'ellebore, de cette racine qui évacue par le haut (veratrum album); mais dans tous ces passages l'ellébore noir n'est pas nommé, sans doute

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