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mélancolie à l'aide du veratrum album par des vomissements. En effet, il n'est personne, nourri un peu des lettres grecques, qui n'ait lu ou entendu l'histoire des filles de Prœtus, guéries de leur fureur par Mélampe au moyen de cet évacuant. Aussi, non seulement depuis deux ou trois siècles et plus, ce traitement par l'ellébore est resté célèbre, mais depuis tout ce temps tous les médecins se sont servis du veratrum album. »

B. La description que les anciens ont faite de l'ellébore blanc s'accorde-t-elle avec celle de notre veratrum album?

§ 22. Nous examinerons si l'ellébore (blanc), employé par les anciens pour l'elléborisme, est, oui ou non, le veratrum album (1).

§ 23. D'abord, étudions la description de cette plante telle que l'a faite un naturaliste plein d'instruction et d'intelligence, Théophraste (2); il faut seulement regretter qu'elle soit trop courte et, si je peux dire, trop enfouie dans un texte malheureusement altéré.

S 24. Théophraste parle, dans un seul et même chapitre, des deux espèces d'ellébore. « L'ellébore noir et le blanc portent un nom commun, mais les auteurs ne sont pas d'accord sur leurs caractères respectifs. Les uns les disent semblables, sauf pour la couleur de la racine,

σεως ταύτης ούσης, καὶ πάντων τῶν ἐν τῷ μεταξὺ χρόνῳ κεχρημένων τῷ pappáx. Galen., De atra bile, cap. 7.

(1) Déjà Celse s'est servi de ce nom dans son Traité de médecine. (2) Historia plantarum, lib. X, cap. 11. Desfontaines a publié une bonne description et la figure de l'ellébore (Annales du Muséum d'histoire naturelle, l'aris, 1808, t. XI, p. 278).

blanche dans l'un, noire dans l'autre. Il en est d'autres qui prétendent que les feuilles de l'ellébore noir ressemblent à celles du laurier, et celles du blanc aux feuilles du poireau. » Puis vient un texte très corrompu: Οἱ δ ̓ οὖν ὁμοίας λέγοντες, τοιάνδε φασὶν εἶναι τὴν μορφὴν. Καυλὸν δὲ ἀνθερικώδη, βραχὺν σφόδρα. φύλλον δὲ πλατύσχιστον ὅμοιον τῷ τοῦ νάρθηκος, μῆκος ἔχον εὔμηκες, etc. Aux premiers mots, Scaliger et l'éditeur Stapel ont substitué avec raison of δ ̓ ἀνομοίας λέγοντες, par opposition au premier membre de la période: Οἱ μὲν γὰρ ὁμοίας εἶναι. Quant au reste de la phrase: xavλov dè, etc., ces critiques, d'ailleurs fort judicieux, se rapportent exclusivement à l'ellébore noir; ils pensent que dans toute cette description, Théophraste ne dit rien du blanc. C'est une erreur. Une partie du texte se rapporte seulement à l'ellébore noir, l'autre à l'ellébore blanc; de plus, il est impossible que, dans ce passage, Théophraste ne parle pas du blanc, parce que dans tout le chapitre il traite successivement de l'un et de l'autre, et qu'il les met tous les deux en perpétuelle opposition, en montrant leurs caraçtères distinctifs. Par conséquent, pour suivre un ordre logique, il devait marquer à cet endroit quelques uns des traits particuliers de l'ellébore blanc.

$25. Voici comment, avec une légère addition, je restitue ce passage mutilé par l'injure du temps, dont tous les mots se trouvent mêlés et confondus: Oi δ ̓ ἀνομοίας λέγοντες, τοιάνδε φασὶν εἶναι τὴν μορφήν· καυλὸν μὲν [τοῦ λευκοῦ (1)] ἀνθερικώδη, ὅμοιον τῷ του νάρθηκος [τοῦ δὲ

(1) Je n'ai ajouté que ces deux mots, en ayant soin de conserver en entier le reste du passage, et en changeant seulement un peu l'ordre des

mots.

μέλανος (1)] βραχύν σφόδρα, φύλλον πλατύσχιςον, μῆκος ἔχον εὔμηκες.

$26. En effet, la tige du veratrum album, avec ses fleurs latérales, peut seule se comparer à la hampe fleurie de l'asphodèle que Théophraste lui-même (lib. VIII, cap. 12) appelle dvéépixov (2); l'ellébore noir au contraire n'a presque point de tige. Quant à la conformation de cette tige qui s'élève simple de la racine, et sur laquelle, en outre, des feuilles alternes (et non opposées) naissent des nœuds (3), Théophraste lui donne l'épithète générale de ferulacea, ressemblant à la férule ou oμotov To vápơnxı (voy. lib. VII, cap. 2, où il attribue, en termes exprès, cette forme particulière à l'ellébore, c'est-à-dire à l'ellébore blanc). C'est cette conformation particulière de la tige qui caractérise le veratrum album; l'ellébore noir, au contraire, n'a presque point de tige.

$27. Tel est donc le sens du texte de Théophraste : << les autres qui prétendent que l'ellébore blanc et l'ellébore noir ne sont point semblables, marquent ainsi la différence de leurs formes respectives : « La tige du premier peut se comparer à celle de l'asphodèle (quant à la disposition des fleurs); elle ressemble

(1) Ces trois mots ont été ajoutés, avec raison, par Scaliger.

(2) Μέγιστον δὲ πάντων (bulbiferorum) ὁ ἀσφόδελος, ὁ γὰρ ἀνθέρικος péyotos. Dioscoride pareillement (lib. H, cap. 199) donne à la tige de lasphodele l'epithete d' ἀνθέρικος : ἀσφόδελος - έχων — καλὸν — λεῖον ἔχοντα ἐπ' άκρου ἀνθός, καλούμενον ἀνθέρικον.

(3) Τὸ ναρθηκῶδες — μονόκουλον - βλαστάνει δὲ παραλλὰξ τὰ φύλλα — οὐκ ἐκ τοῦ αὐτοῦ μέρους τῶν γονάτων, ἀλλ ̓ ἐναλλάξ — ὁμοιότερον τούτῷ ὁ ἐλλεβόρος (καὶ ὁ ἀνθέρικος). Hist. plant., lib. Vii,

τὸν καλὸν ἔχει cap. 2.

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à la férule à cause de la tige simple qu'elle émet, ainsi que de la disposition des feuilles; l'ellébore noir, au contraire, a une tige très courte et de grandes feuilles découpées en lobes très larges.

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§ 28. A cette description un peu incomplète de S Théophraste, ajoutons celle de Dioscoride (1); nous achèverons ainsi de démontrer que par l'ellébore blanc les anciens entendaient notre veratrum album, et que tous les caractères, tous les traits connus et signalés attestent cette identité.

§ 29. Voici les paroles de Dioscoride qui se rapportent à notre sujet : Ελλέβορος λευκός φύλλα ἔχει ομοια τοῖς τοῦ ἀρνογλώσσου (2) καυλὸν δὲ παλαιστιαῖον, κοῖλον, περιφλοιζόμενον, ὅτε ἄρξεται ξηραίνεσθαι· ριζαι δ ̓ ὕπεισι πολλαί, λεπταὶ, ἀπὸ κεφαλίου μικροῦ καὶ ἐπιμήκους, ὡςπερεὶ κρομμύου συμπεφυκῖαι. En mettant, par un leger changement κοίλον après epiphoópevov, vous aurez le sens suivant : L'ellébore blanc a des feuilles semblables à celles du grand plantain; la tige haute d'un palme, tout enveloppée de

(1) Mater. med., lib. IV, cap. 150, écrite, cé semble, avant Pline le naturaliste, qui, en beaucoup d'endroits, traduit et copie littéralement Dioscoride, sans le nommer jamais: exemple de jalousie et de rivalité qui n'est pas rare, il est vrai, entre des contemporains.

(2) Murray (Apparat. medicam., t. V, p. 149) doute que le plantain des anciens soit le nôtre; il a tort. En effet, que par le mot άpvoyéscoS Dioscoride entende réellement notre grand plantain, plusieurs preuves le montrent suffisamment : la première, c'est que le chapitre qui traite de l'arnoglosse (Dioscor., Mat. med., lib. II, cap. 153) porte pour titre, dans quelques manuscrits anciens : Περὶ ἀρνογλώσσου ἑπταπλεύρου, c'està-dire De plantagine septemnerva (c'est le nombre des nervures des feuilles du grand plantain); la seconde, c'est que Avicenne, dans sa traduction arabe (lib. De simpl. medicam., art. Charbak-Abiadh. Op., Romæ, 1593, fol. cit.), rend le mot arnoglosse par: ld,

mot qui, en Arabie, de nos jours, représente notre grand plantain, au

gaînes (1), et creuse quand elle commence à dessécher; elle porte des racines nombreuses, filamenteuses, fixées à un renflement mince, et oblong comme un bulbe.

§ 30. S'il attribue à la tige la hauteur d'un palme, tandis qu'en réalité elle est d'une ou de deux coudées, c'est là la faute des auteurs qu'il a compilés. Né en Cilicie, il ne paraît pas avoir vu lui-même cette plante que l'on trouvait seulement dans quelques endroits de la Grèce ɛuxòç öyαexou querat, dit Théophraste (2). Pour le même motif, Dioscoride ne peint pas assez exactement la couleur des feuilles. Pareillement, si l'ellébore blanc vient, comme il le dit, dans les pays montagneux, il ne croît pas dans les lieux âpres, v тρxzés, mais dans les prés et les plaines humides au pied des hauteurs (3).

§ 31. La description que les anciens nous ont laissée de l'ellébore blanc, bien qu'à vrai dire, ce soit une simple esquisse, nous autorise à affirmer l'identité de cette plante et de notre veratrum album; elle est assez claire en ce point, malgré le caractère habituel d'insuffisance et de légèreté que les naturalistes de l'antitémoignage de Forskal, qui l'y a vu (Plant. Egypt. et Arab., p. 62), et qui l'appelle ainsi.

(1) Jacquin, dans sa description du veratrum album, planche 135 de la Flora austriaca, dit, page 18 : « Presque toute la tige est enveloppée de gaines. >>

(2) Hist. plant., lib. X, cap. 11.

(3) Pline (Hist. natur., lib. XXV, sect. XXI) a manifestement tiré sa description de celles de Théophraste et de Dioscoride : il a emprunté, par exemple, à Dioscoride sa comparaison de l'ellébore blanc aux feuilles de la bette sauvage au commencement de sa croissance, betæ incipientis (Plin.), authoũ άypes (Dioscor.); le témoignage du naturaliste latin a donc ici peu d'autorité.

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