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Au milieu de sa cour, sous de vastes portiques,
Un grand festin chargeoit des tables magnifiques :
Ils célébroient Bacchus ; et, dans des coupes d'or,
Le dieu de son nectar leur versoit le trésor.

Le jour fuit, un second s'écoule dans la joie ;
Mais l'autan a soufflé, la voile se déploie,
Et son souffle sur l'onde appelle nos vaisseaux.
Je vais au roi pontife, et m'explique en ces mots :
« O toi qui fais parler d'une voix véridique
» Les lauriers de Claros, le trépied prophétique;
>> Que ne trompent jamais ni le flanc des taureaux,

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» Ni le ciel, ni le vol, ni le chant des oiseaux!

» Que me veulent les dieux? Tous d'une voix commune >> Dans les champs d'Hespérie appellent ma fortune; » L'horrible Céléno, s'opposant à leurs vœux, » Seule ose m'annoncer la colère des cieux, » Et menace mes jours de la faim homicide, » Parle : que de mon sort ta sagesse décide. » Hélénus, méditant ces mystères profonds, De sa tête sacrée abaisse les festons, Présente à Jupiter un pompeux sacrifice, Implore d'Apollon la bonté protectrice,

Me conduit dans son temple, et me dit : « Fils des dieux !

» Oui, le ciel te prépare un destin glorieux;

Et, dans le cours changeant de sa marche éternelle,

» Le sort accomplira cette loi solennelle.

» Mais il faut, avant tout, t'indiquer les chemins

>> Des mers à qui tu dois confier tes destins.

Sortitur, volvitque vices; is vertitur ordo.
Pauca tibi e multis, quò tutior hospita lustres
Æquora, et Ausonio possis considere portu,
Expediam dictis; prohibent nam cetera Parcæ
Scire Helenum, farique vetat Saturnia Juno.
Principio, Italiam, quam tu jam rere popinquam,
Vicinosque, ignare, paras invadere portus,
Longa procul longis via dividit invia terris : (24
Ante et Trinacriâ lentandus remus in undâ,
Et salis Ausonii lustrandum navibus æquor,
Infernique lacus, Eææque insula Circæ,
Quàm tutâ possis urbem componere terrâ.
Signa tibi dicam : tu condita mente teneto.
Cùm tibi sollicito secreti ad fluminis undam
Littoreis ingens inventa sub ilicibus sus,
Triginta capitum fetus enixa, jacebit,
Alba, solo recubans, albi circum ubera nati;
Is locus urbis erit; requies ea certa laborum.
Nec tu mensarum morsus horresce futuros:
Fata viam invenient, aderitque vocatus Apollo.
Has autem terras, Italique hanc littoris oram
Proxima quæ nostri perfunditur æquoris æstu,

» Je ne m'étendrai point sur tout ce qui te touche;

» Sur de plus grands secrets Junon ferme ma bouche; » Et la Parque, à mes yeux soulevant le rideau,

» N'écarte qu'à demi leur terrestre bandeau.
» D'abord ce Latium, cette terre fatale,

>> Tu les crois séparés par un court intervalle;
» Mais la mer, devant toi s'agrandissant toujours,
» De ta longue carrière allongera le cours.
» La Sicile verra de tes nefs vagabondes
» La rame opiniâtre importuner ses ondes.
» Du redoutable Averne il faut domter les flots,
» De la mer d'Ausonie il faut fendre les eaux,
» De l'île de Circé braver l'onde infidèle,
» Avant de reposer dans ta cité nouvelle.

» Mais écoute, et connois par quels signes certains
» S'annonceront ces lieux promis par les destins :
» Si, sur les bords des eaux, se présente à ta vue
>> Une laie aux poils blancs sur la rive étendue,
» Nourrissant trente enfans d'une égale blancheur,
» Et du fleuve voisin respirant la fraîcheur,
» Arrête là ton cours; la finiront tes peines.

» Ne crains ni Céléno, ni ses menaces vaines,

>>

Ni ces tables qu'un jour doit dévorer ta faim; » Le destin t'aidera; compte sur le destin; » Compte sur la faveur d'Apollon qui m'inspire. » Mais fuis la mer perfide et la côte d'Épire: >> Des Grecs nos ennemis ce bord est infesté. » Là, des fiers Locriens s'élève la cité;

Effuge; cuncta malis habitantur moenia Graiis.

Hic et Narycii posuerunt moenia Locri,
Et Sallentinos obsedit milite campos

Lyctius Idomeneus : hîc illa ducis Meliboei
Parva Philoctetæ subnixa Petilia muro.

Quin, ubi transmissæ steterint trans æquora classes,
Et positis aris jam vota in littore solves ;
Purpureo velare comas adopertus amictu;

Ne
qua inter sanctos ignes in honore deorum
Hostilis facies occurrat, et omina turbet.
Hunc socii morem sacrorum, hunc ipse teneto;
Hâc casti maneant in relligione nepotes.
Ast, ubi digressum Siculæ te admoverit oræ
Ventus, et angusti rarescent claustra Pelori,
Læva tibi tellus, et longo læva petantur
Equora circuitu: dextrum fuge littus, et undas.
Hæc loca, vi quondam et vastâ convulsa ruinâ,
Tantùm ævi longinqua valet mutare vetustas!
Dissiluisse ferunt, cùm protenus utraque tellus
Una foret venit medio vi pontus, et undis
Hesperium Siculo latus abscidit, arvaque et urbes
Littore diductas angusto interluit æstu.

» Là, commandant en paix à l'humble Pétilie,

» Philoctète est content d'un coin de l'Italie;
>> Et, de Salente enfin inondant les sillons,
» Idoménée au loin répand ses bataillons.

» Ce n'est pas tout encor: lorsque sur le rivage
» Aux dieux conservateurs tu paîras ton hommage,
» Qu'un long voile de pourpre, abaissé sur tes yeux,
» Dérobe à tes regards tout visage odieux;
» Défends qu'aucun objet d'un augure sinistre
» Ne trouble le présage ainsi que le ministre.
» Qu'enfin les tiens, toi-même, et ta postérité,
» Gardent ce saint usage avec fidélité.
» Lorsqu'enfin de plus près tu verras la Sicile,
» Et que des bancs étroits qui séparent cette île
» L'embouchure à tes yeux ira s'agrandissant,
>> Que sur la gauche alors ton cours s'arrondissant
» Laisse à droite cette île et ses gorges profondes.
>> Ces continens, dit-on, séparés par les ondes,
» Réunis autrefois, ne formoient qu'un pays;

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Mais, par les flots vainqueurs tout à coup envahis,

» A l'onde usurpatrice ils ont livré la terre,

» Dont le double rivage à l'envi se resserre :

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Ainsi, sans se toucher, se regardent de près

» Et les bords d'Hespérie et l'île de Cérès.

>> Entr'eux la mer mugit, et ses ondes captives

» Tour à tour en grondant vont battre les deux rives: » Sublime phénomène, étranges changemens,

>> De l'histoire du monde éternels monumens !

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