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M. Brugnatelli s'est déjà acquis une réputation assez grande en Italie par d'autres publications, en particulier par celle d'un journal des sciences naturelles et mathématiques, dont il a dirigé la rédaction depuis la mort de son père Louis Brugnatelli, conjointement avec le célèbre Volta et plusieurs

autres savans.

L'ouvrage que nous annonçons ici n'est pas un travail purement scientifique et destiné aux seuls adeptes. Il s'adresse à tous les hommes éclairés dont l'esprit développé par l'étude aime à contempler le spectacle varié et toujours nouveau que lui offre la nature; dont l'intelligence s'exerce à rechercher les causes des phénomènes qui se succèdent sans cesse autour de nous, les lois qui président à leur accomplissement, et les rapports qui les lient, soit entre eux, soit avec l'homme.

Depuis quelques années, on a senti assez vivement la nécessité de rendre la science accessible à tous, et l'on s'est occupé surtout dans ce but de développer tous les résultats utiles qu'elle peut produire. Sans négliger cette utilité si importante, M. Brugnatelli a voulu y joindre un but moral plus noble. Il puise dans la contemplation scientifique de tous les objets de la création les moyens d'élever graduellement l'esprit de ses lecteurs à la connaissance relative de leur cause première et commune. Il les conduit ainsi à l'idée de Dieu dont ils ne sont eux-mêmes qu'une manifestation extérieure par laquelle l'Etre infini et absolu se révèle sous le triple attribut d'une puissance, d'une sagesse et d'une bonté infinies.

Voici à peu près comment s'exprime l'auteur dans son introduction :

Les sens nous informent à chaque instant que des objets variés et innombrables existent autour de nous. Les instrumens d'optique nous en font découvrir d'autres encore également innombrables. Les uns, tels que les astres, remarquables par l'énormité de leur masse, peuplent l'immensité de l'espace. Les autres, tels que les animaux microscopiques, nous remplissent d'étonnement par leur incroyable petitesse. Si de l'aspect général de ces objets on passe à l'examen des propriétés de chacun d'eux, ce sont encore de nouveaux sujets de surprise et d'admiration; tout ceci nous décèle une puissance divine qui se joue des relations de l'espace et du temps, parce qu'elle est supérieure aux conditions du temps et de l'espace.

Mais quelque variété qu'il y ait dans les œuvres de la création, un lien universel les unit, et nous découvrons là une origine commune, une preuve certaine que la puissance qui les a produites est une et non multiple.

Le phénomène le plus général que nous offre la contemplation de la nature est le mouvement continuel qui anime la matière, non- seulement dans les corps organisés, mais aussi dans ceux qu'on a nommés inorganiques et qui éprouvent d'incessantes modifications: jamais un atome de matière n'est anéanti, mais jamais non plus un seul atôme de matière n'existe deux instants de suite dans la même condition.

Le corps humain lui-même, quoique son apparence extérieure n'offre pas à notre vue des changemens instantanés, n'est autre chose qu'un point de passage pour la matière. La planète que nous habitons, sans parler des grandes transformations qu'elle a subies dans une époque de jeunesse, change continuellement de place et de condition. Le soleii n'éclaire et ne réchauffe pas toujours également toutes ses parties; les eaux qui couvrent les trois quarts de sa surface sont sans cesse renouvelées par un travail lent, mais continu; l'atmosphère qui l'enveloppe fournit continuellement à l'économie végétale et animale des élémens que celle-ci lui rend à son tour. Le soleil lui-même et les étoiles fixes ne sont point affranchis de la loi universelle de mouvement et de transformation.

Et cependant au milieu de ces changemens sans fin, de cette destruction continuelle de toutes les formes pour faire place à des formes nouvelles, de cette vie toujours défaillante, toujours renaissante, l'univers demeure invariablement le même. Si les phénomènes varient et se succèdent sans fin; si des générations disparaissent pour faire place à des générations nouvelles, si les parties subissent de continuelles métamorphoses, les types éternels de toutes les formes ne changent jamais. L'ensemble, le tout est toujours identique à lui-même.

Cette permanence au milieu du mouvement, cette stabilité au milieu de l'instabilité, cette création qui ne cesse pas, proclament solennellement une énergie toujours active, une puissance qui dirige et conserve,, et pour rendre plus exactement l'expression de M. Brugnatelli, un gouvernement providentiel de l'Univers.

Les bornes de cet article ne nous permettant pas de suivre l'auteur dans tous les développemens de son travail, nous nous contenterons de dire qu'il montre une connaissance profonde de son sujet et une sagacité fort remarquable dans la manière dont il a su coordonner tant de matériaux divers, pour en former un tableau plein de vie et d'intérêt. Ce n'était pas une tâche facile que de réunir en un seul faisceau les nombreux rayons lumineux que les travaux de notre siècle ont fait jaillir de la science, et d'offrir un résuné bien complet de l'état actuel de toutes les connais

sances qui se rattachent à l'histoire naturelle. M. Brugnatelli y a réussi avec assez de bonheur. Son traité présente bien quelque lacune dans la partie spéculative, mais il n'a pas eu la prétention de faire un ouvrage de haute métaphysique, et sous les autres rapports il est bien supérieur à tout ce qu'on a publié jusqu'à présent dans ce genre. Aux avantages d'une érudition solide et profonde, il joint le charme d'un style pur, élégant, souvent même plein de poésie et d'images. C'est une œuvre vraiment remarquable qui, outre son mérite scientifique, fait plus d'honneur à la littérature italienne que toutes les fades compositions de ces médiocres romanciers, qui ont voulu se jeter dans la route difficile qu'avait si bien parcourue l'illustre auteur des Promessi Sposi.

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RELATION DE LA PESTE qui a régné en Grèce en 1827 et 1828, contenant des vues nouvelles sur la marche et le traitement de cette maladie; par L. A. Gosse, d. m. Paris et Genève, chez Ab. Cherbuliez et compo. In-8, avec un plan, 4 fr.

Entraîné par un vif enthousiasme pour la cause de l'indépendance grecque et par le dés de contribuer activement à seconder les nobles efforts de cette malheureuse nation, M. le docteur Gosse se rendit en Grèce, vers la fin de 1826, comme agent des comités grecs. Son intention était, une fois arrivé sur le théâtre de la lutte, de se consacrer avec dévouement à rendre tous les services qui concernaient sa profession de médecin et qui étaient de ceux dont les Grecs devaient avoir alors le plus grand besoin.

Mais dans des circonstances pareilles à celles où se trouvait alors la Grèce, combattant non-seulement pour sa liberté, mais pour son existence comme nation, les spécialités ne sauraient suffire; et dans les momens d'urgence, il faut que le même homme soit propre à tout. Ainsi M. Gosse fut dès l'abord surchargé d'occupations étrangères tout-à-fait à l'art ▸ médical. Nominé commissaire-général de la flotte, il dut surveiller les travaux et les approvisionnemens de la marine, s'occuper de créer un arsenal, de faire construire ou réparer les bâtimens. Puis bientôt obligé de se charger encore des fonctions de receveur des impôts de l'Archipel, il dut parcourir les îles pour organiser et faire exécuter la perception, œuvre non moins pénible que difficile. Cependant, au milieu de ces occupations administratives, il n'oubliait point son but médical': « Tantôt chirurgien, dit-il, tantôt médecin ou pharmacien, je soignai Karaiskaky, blessé à mort, et j'assistai aux derniers momens du jeune Napoléon, fils » de Lucien; de la signature d'un bon de vivres ou de la » distribution de canons, de poudre, de boulets, de cordages

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»et de toile, je passais à une amputation, à des extractions » de balles, ou à des visites de fiévreux; contrastes souvent » bien pénibles et toujours fatigans. »>

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Une vie ainsi agitée ne put durer quelque temps sans altérer la santé de M. Gosse, mais aussi elle lui fournit l'occasion de développer des facultés remarquables et de montrer une rare universalité de connaissances. Ces deux causes contribuèrent à le retenir en Grèce plus long-temps qu'il ne comptait et lui procurèrent ainsi des moyens d'étudier la peste qui, apportée en Grèce par l'armée égyptienne, sous le commandement d'Ibrahim Pacha, se montra d'abord très-bénigne pendant l'hiver de 1827 à 1828, puis, vers le printemps suivant, prit un caractère plus grave et exerça des ravages assez considérables, principalement dans le camp de Mégare, à Tycho et dans quelques parties des provinces d'Argolide et d'Achaïe.

Appelé par sa qualité de médecin à soigner les malades atteints de ce fléau, et chargé par le président Capodistrias de surveiller les mesures sanitaires nécessaires pour le combattre, M. Gosse fut très-bien placé pour suivre la marche de l'invasion, en rechercher les causes, la nature, les effets, et apprécier le mérite réel des divers traitemens auxquels on eut recours. Son livre offre sous ces rapports tous les renseignemens désirables. Il est divisé en sept chapitres intitulés ainsi :

Historique, Causes, Symptômes, Diagnostic, Prognostic, Traitement, Préservatifs.

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Parmi les causes prédisposantes, la profonde misère du pays fut la seule dont l'influence se montra d'une manière évidente. Quant aux causes déterminantes, elles consistent dans un principe contagieux manifeste, qui fut d'abord le seul mode de propagation qu'adopta la maladie, jusqu'à ce que « le principe contagieux ayant acquis un degré plus considérable d'intensité par diverses causes secondaires, telles » que certains phénomènes atmosphériques, l'activité plus » prononcée des symptômes de réaction vitale, l'accumula» tion des malades dans les maisons, le défaut de renouvel» lement de l'air, la misère, le manque de soins ou de » propreté, etc., etc., etc.; le principe contagieux, dis-je, » paraissait devenir léger et volatil; il prenait le caractère » de miasme et pouvait se communiquer à une petite dis»tance par l'intermède de l'air ou de l'haleine.

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Suivant que l'une de ces deux formes de contagion, par contact immédiat, ou par miasme, était la cause du développement de la inaladie, celle-ci offrait des symptômes divers. Dans la première, elle présentait dès l'abord [une apparence très-analogue à celle de la maladie connue sous le nom de charbon; des taches à la peau et des pustules se

montraient sur diverses parties du corps, et la réaction inflammatoire ne s'établissait que par la suppuration qui sauvait le malade, mais n'avait lieu que fort rarement. Le plus souvent le virus pestilentiel était absorbé, se répandait dans l'intérieur du corps et donnait lieu à de graves accidens presque toujours suivis de la mort.

Dans la seconde forme, on reconnaissait l'action directe du miasme contagieux sur le centre nerveux cerebro-spinal; et les symptômes étant en quelque sorte renversés, les pustules et les bubons au lieu de se montrer au commencement n'apparaissaient qu'à la suite des autres signes de la peste.

M. Gosse expose avec clarté toutes les phases de la maladie dans l'un et l'autre cas, en s'appuyant sur de nombreuses observations. Il discute ensuite les traits caractéristiques qui séparent la peste des diverses affections avec lesquelles on a pu la confondre en Grèce, et récapitulant toutes les circonstances secondaires qui ont pu agir sur le fléau dans ses différentes périodes, il donne plusieurs tableaux statistiques, contenant le nombre des malades, celui des morts et des guéris, l'indication de leur sexe, de leur âge; enfin un résumé du prognostic, suivant le sexe et suivant l'âge.

Puis vient le traitement. Dans ce chapitre, l'auteur expose les moyens curatifs qu'il a généralement employés comme les plus efficaces, et qu'il a dû varier suivant les symptômes divers de la maladie. D'après les résultats qu'il présente en chiffres, et la comparaison qu'il établit entre ses succès et ceux obtenus par des traitemens autres que le sien, il parait que sa méthode fut celle qui réussit le plus souvent, et qui combattant le mal dans chacun de ses accidens parvint le mieux à en diminuer les funestes ravages.

Mais à côté des moyens curatifs, on s'occupa d'employer également des mesures préservatives, à l'exécution desquelles M. Gosse prit une grande part. Son dernier chapitre est consacré au détail de toutes ces mesures, et contient entr'autres la description du lazaret d'Egine, accompagnée d'un plan lithographié.

Cette intéressante publication n'est que la première partie du travail de l'auteur sur ce sujet. Si elle est bien accueillie, il se décidera à publier la seconde dans laquelle il examinera les importantes questions de la quarantaine et des modifications que les progrès de la science doivent apporter aux lois sanitaires, de manière à concilier les exigences de la santé publique avec celles non moins grandes de la liberté du commerce.

DE L'IMPRIMERIE DE BEAU, A SAINT-GERMAIN-EN-LAYE.

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