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LÉGISLATION, ÉCONOMIE POLITIQUE, commerce.

MÉLANGES DE droit public et de haute politique; par Ch.-L. de Haller. - Paris, 1839. 2 vol. in-8, 12 fr.

La haute politique de M. Ch. L. de Haller paraîtra bien puérile et même parfois bien basse à tout homme qui lira ces mélanges sans aucun esprit de parti et voudra les juger du point de vue purement scientifique. En effet, la plupart des fragmens que l'auteur décore de ce grand nom ne présentent guère que de violentes diatribes contre les révolutionnaires, contre les protestans, contre tout ce qui tend à faire marcher l'humanité en avant, ou même seulement à l'empêcher de rétrograder.. C'est de la polémique de journaliste écrite avec verve, propre peut-être à produire quelque impression dans la lutte animée de la presse quotidienne, mais qui ne soutient pas l'analyse et tombe devant la moindre argumentation un peu serrée. On y reconnaît le langage de la passion, et l'on y cherche en vain ce raisonnement calme, cette marche logique, cette gravité qui doivent présider à la discussion sérieuse des principes, et qui sont surtout indispensables dans un livre qu'on intitule: Mélanges de droit public et de haute politique. Quand on se propose réellement pour but la recherche de la vérité, l'on doit supposer chez ses adversaires la mème bonne foi; et leur imputer des intentions mauvaises, basées sur la satisfaction d'intérêts particuliers ou d'ambitions personnelles, c'est avouer en quelque sorte que l'on est soimême capable d'obéir à de semblables motifs. D'ailleurs, réduire les questions de principe à des questions de personnes, attaquer une doctrine en accusant la conduite ou les intentions de ceux qui la soutiennent, c'est procéder d'une manière qui n'a rien de scientifique et qui tue toute espèce de discussion utile, c'est en quelque sorte mettre la raison hors la loi. La lutte de l'ancien et du nouveau se réveille aujourd'hui avec une ardeur très-vive; on dirait qu'un choc se prépare, et l'état ci:ancelant des esprits semble rendre le résultat presque douteux. Grâce au pèle-mêle des idées et des théories qui se heurtent en tout sens et qui se révoltent de toutes parts contre le joug de la logique, on peut aujourd'hui soutenir avec des argumens également spécieux le pour et le contre de toutes les questions les plus importantes. Rien n'est donc moins étonnant que de voir des hommes, regrettant le passé, se poser en champions du pouvoir absolu, de l'autorité immuable,

presque

et employer toutes les ressources de la dialectique pour défendre leur thèse. A ceux qui comprennent ainsi les droits de la discussion et qui s'élèvent au-dessus des passions et des intérêts pour se renfermer dans le domaine de la science, on peut et l'on doit répondre aussi par le langage du raisonnement, car il y a quelque espoir alors de faire jaillir un peu de lumière du conflit. Mais ceux qui, comme M. de Haller, ne font que de la politique de gazette, se chargent en quelque sorte d'offrir eux-mêmes la réfutation de leurs propres idées. Pour tout homme impartial qui lit leurs écrits, la forme emporte le fond, la lettre tue l'esprit. Il n'est pas même nécessaire de les combattre.

SCIENCES ET ARTS.

SALON DE 1839; par Alex. Barbier. — Paris, 1839. In-18, 12 fr.

Si le salon de cette année ne renferme pas quelqu'une de ces œuvres capitales qui, réunissant dès le premier jour tous les suffrages, marquent dans les annales de la peinture et sont proclamées des chefs-d'œuvre, on y reconnaît du moins une amélioration générale, une tendance de réaction contre les excès du genre romantique ou plutôt du genre laid. D'ailleurs les tableaux de mérite y abondent, et l'on en peut citer un assez grand nombre de très - remarquables. L'examen critique auquel les soumet M. Alex. Barbier est plein de goût et d'esprit. Les personnes qui ont visité l'exposition y trouveront un mémorandum fort agréable pour ranimer les souvenirs que leur a laissés la vue des meilleurs tableaux, et pour celles qui n'ont pu en jouir, il offre une revue piquante très-propre à faire apprécier le mérite des principaux artistes qui ont exposé. M. Barbier ne se prononce point exclusivement pour telle ou telle école; il parle en amateur du beau et du bon partout où il le rencontre, que ce soit chez M. Delacroix ou chez un élève de M. Ingres, et il n'épargne pas plus la critique, qu'il croit juste, au peintre le plus en renom qu'à l'artiste le moins connu.

Dans ce petit livre comme au salon, le premier nom qui frappe la vue, est celui d'Horace Vernet dont l'admirable fécondité a le privilége d'étonner et de captiver chaque année l'attention publique. La prise de Constantine lui a fourni le sujet de trois grands tableaux dans lesquels brillent à un haut

degré les qualités précieuses de ce peintre habile. Tout en restant fidèle à la vérité, il a su vaincre avec talent toutes les difficultés que présentent, soit l'uniformité si peu poétique de nos guerriers actuels, soit les dispositions de la tactique moderne où le courage individuel est enlacé dans les liens de la discipline. Mais tout en admirant les résultats de son travail rapide, on lui reprochera de faire de la peinture superficielle, sans épaisseur, sans ombre, qui n'aura point de durée.

Après H. Vernet, vient Steuben avec son Esmeralda, délicieuse étude de jeune fille à laquelle on ne peut guère reprocher que de légères incorrections de dessin et qui réalise bien toutes les descriptions gracieuses que M. Victor Hugo nous a données des charmes de cette jolie danseuse, quoiqu'elle puisse paraître trop blanche et trop délicate pour une fille qui passe sa vie exposée aux intempéries de l'air et aux rayons du soleil. Ensuite vous trouvez Ary Scheffer et sa Marguerite rencontrée par Faust pour la première fois, son Roi de Thule, ses deux portraits de Mignon, quatre tableaux inspirés par le génie poétique de l'Allemagne et dignes en tout de leur origine; puis son Christ, dont l'agonie, trop humaine peut-être, est cependant d'un effet très-remarquable.

La Charité de Decaisne, que je vous conseille de ne pas juger d'après la triste poésie qu'elle a inspirée à M. de Lamartine; les marines de M. Gudin, qui est aujourd'hui presque sans rival; le talent si souple, si varié, si amusant de M. Biard; les paysages remarquables de plusieurs peintres en tête desquels se place cette année un nom nouveau, M. Calame de Genève, qui pour son coup d'essai s'est fait connaître par un chef-d'œuvre les beaux portraits de M. Winter-Halter; les peintures abruptes, mais énergiques, de Delacroix; enfin les petits tableaux de M. Decamps dont on ne peut nier la supériorité, quoiqu'on y trouve bien des effets de convention et une grande recherche de ce qui, dans le langage des ateliers, s'appelle le chic; voilà un aperçu très-incomplet encore des richesses du salon dont M. Barbier a dressé un inventaire semé de saillies piquantes et d'observations ingénieuses.

Des médiocrités il dit peu de chose, et n'a choisi que deux ou trois des plus téméraires pour les offrir en holocauste sur l'autel de la critique. On lui saura gré de sa généreuse sobriété à cet égard, d'autant plus qu'il manie avec beaucoup d'habileté l'arme de la plaisanterie et n'en ménage pas les coups aux grands artistes qui lui semblent les mériter. La citation suivante en donnera la preuve, en même temps qu'elle contient la critique la plus mordante et la plus juste qu'on puisse faire de la Cléopatie de M. Delacroix.

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On sait, ou l'on ne sait pas, que malgré l'importance Listeriane du personnage, ce n'est point parmi les grandes toi

les du salon qu'il faut chercher la reine Cléopâtre, ni l'aspic qui mordit au plus beau sein de l'antiquité. M. Delacroix n'a traité son sujet qu'en buste, et il faut l'aller découvrir parmi la foule innombrable de tableaux à hauteur d'appui; c'est là que vous trouverez la belle Cléopâtre entre une tête de caniche et un canard de Barbarie. Dernièrement donc, deux bons villageois, point trop malins, s'étant arrêtés devant cette peinture, l'un dit à l'autre : - Sais-tu ce que c'est que ça, toi qui es savant? » — Point de livret, il fallait tirer la réponse de son propre fonds; notre homme se recueillit un instant, puis il répondit avec assurance : « Pardine, oui, que je le sais! c'est pas bien difficile. Eh bien, quoi? )){ - « C'est un homme qui veut vendre à ste femme un panier de figues violettes, ous' qui gnia des gros vers dedans.

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DU MICROSCOPE, et de son application à l'étude des êtres organisés et en particulier à celle de l'utricule végétale et des globules du sang; par Ch. Martins. Paris, 1839. In-4.

Cette thèse, publiée par M. Ch. Martins pour concourir à l'agrégat des sciences accessoires à la Faculté de médecine, renferme des données curieuses et fort complètes sur l'application du microscope à l'étude des êtres organisés. L'auteur s'est entouré de tous les documens que pouvaient lui fournir les travaux des savans français et étrangers, et répétant lui-même les expériences les plus importantes, il est arrivé à reconnaître une assez grande analogie entre l'utricule végé tale et les globules sanguins. Placés à deux degrés bien différents dans la hiérarchie de la création, ces corps élémentaires paraissent accomplir la même destination en contribuant à l'accroissement des organes dont ils font partie et dont ils semblent être l'origine.

On remarquera dans ce travail des observations nouvelles sur la neige rouge et sur la neige verte, que M. Martins considère comme deux modifications d'une seule et mème substance, composée en partie d'utricules végétales. D'après ses recherches, il paraîtrait que rouge d'abord, elle verdit ensuite sous l'influence prolongée de la lumière et de l'air. Cette substance a été étudiée par lui, au Spitzberg, l'année dernière, et il en a rapporté plusieurs échantillons qu'il a soumis à l'examen des hommes les plus compétens. C'est avec l'aide de savans, tels que MM. Biot, Dujardin et Montagne, que M. Martins s'est livré à des expériences dont les résultats acquièrent ainsi une autorité réelle.

DE L'IMPRIMERIE DE BEAU, A SAINT-GERMAIN-EN-LAYE,

DES LIVRES NOUVEAUX.

Juin 1839.

LITTÉRATURE, HISTOIRE.

HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE avant le douzième siècle ; par M. J.-J. Ampère. — Paris, 1839, tome 1er. In-8, 7 fr. 50 c.

On pourra faire quelques objections contre le titre de ce livre, car, avant le douzième siècle, où trouver l'histoire littéraire de la France? A peine y avait-il alors une France, et les rares écrivains romains ou gaulois qui jetèrent quelque éclat sur les premiers siècles, n'ont exercé qu'une influence assez secondaire dans le mouvement littéraire des époques plus récentes. Mais le savant professeur a prévu cette chicane, et dans sa préface il donne à l'appui de son titre des raisons si excellentes, que la critique baissera pavillon devant elles, et acceptera sans doute volontiers cette dénomination de France pour désigner la contrée qui renfermait alors maintes peuplades diverses par leur langage, leurs mœurs et leurs institutions. Comme le dit spirituellement M. Ampère, la littérature comme la géologie doit avoir son histoire antédiluvienne, et ne pourra que gagner à retrouver quelques documens précieux sur les époques antérieures à cette inondation des barbares qui a tout bouleversé, tout détruit sur son passage. Il est d'un grand intérêt de rechercher quelle influence a eue sur la littérature le mélange des peuples, de retrouver les élémens divers qui ont contribué à la formation de la langue, et de signaler les traces encore visibles quoique faibles des différentes sources d'où est sorti le progrès intellectuel de nos temps modernes. C'est la tâche difficile que s'est imposée M. Ampère, et le zèle avec lequel il l'accomplit prouve qu'elle n'est point au-dessus de ses forces. On est heureux de .rencontrer en lui une érudition profonde accompagnée de tout

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