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tions jusqu'ici trop négligées par les historiens lui ont paru une mine précieuse à exploiter, car elles fournissent une foule de données qu'on a tout lieu de croire exactes sur le gouvernement, sur les mœurs, sur les ressources des différens Etats, ainsi que sur tous les événemens contemporains de quelque importance.

M. Ranke passe d'abord rapidement en revue l'histoire des Osmanlis depuis leur origine jusqu'à Amurath IV; il indique les moyens de succès qui favorisèrent ce peuple, et désigne avee beaucoup de sagacité les germes de corruption qu'il porta dès l'origine dans son sein, ainsi que les élémens de vie qui peuvent encore se retrouver dans son état actuel. Puissance fondée par un maître et des esclaves, elle durera tant que le lien qui unit le peuple à son maître ne sera pas rompu.

L'auteur donne ensuite un résumé de l'histoire de la monarchie espagnole; trois règnes, ceux de Charles V, de Philippe II et de Philippe III sont appréciés par lui avec des vues larges et élevées. Il examine dans plusieurs chapitres la cour et ses ministres à cette époque, les états et l'administration, les finances et la situation publique. C'est de l'histoire écrite avec talent et impartialité, qu'on lira avec d'autant plus de plaisir que de semblables livres sont rares aujourd'hui. L'Allemagne a depuis long-temps le privilége d'être la patrie de l'érudition, et lorsqu'à ce premier mérite ses écrivains joignent le talent du style et des vues élevées, ils sont certains d'obtenir partout une supériorité incontestable.

ESSAI SUR L'histoire du portugal, depuis la fondation de la monarchie jusqu'à la mort de don Pèdre IV; par J. Chaumeil de Stella et Auguste de Santeül. - Paris, 1839. 2 vol. in-8, fig., 15 fr.

Cet abrégé historique offre un tableau rapide des principaux événemens qui ont marqué dans les annales de la monarchie portugaise. Il est écrit dans un esprit libéral sage et modéré. Les auteurs paraissent être partisans de la monarchie constitutionnelle, et ils rendent une haute justice aux talens de Don Pedro. Ce prince, animé des intentions les plus pures et d'un esprit vraiment patriotique, avait entrepris avec ardeur la tâche difficile de doter son pays d'institutions nouvelles dont le développement eût assuré sa prospérité et sa marche progressive vers la liberté, Se dévouant tout entier à ce noble but, il y consacra ses facultés et même on peut dire qu'il ne craignit pas d'y sacrifier sa vie, car sans parler des périls qu'il a pu courir, il est probable que les obstacles qu'il rencontra dans l'ac

complissement de son œuvre, et les efforts qu'ils nécessitèrent de sa part durent contribuer à håter sa mort. On lira avec intérêt les détails que MM. Chaumeil et Santeul donnent sur lui c'est la partie la plus curieuse de leur ouvrage, qui offre en général un peu de sécheresse. Ces écrivains n'ont pas bien su éviter l'écueil des résumés historiques. Voulant etre courts, ils out été arides.

MÉMOIRES ET DOCUMENS, publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande; 15e livraison du tome 1er. Lausanne, chez Marc Ducloux. 1839, in-8. Prix en Suisse, 3 fr. 75 c., et en France, 5 fr. Se trouve à Paris et à Genève, chez Ab. Cherbuliez et Cie.

Il s'est formé il y a deux ans à Lausanne une société d'histoire de la Suisse romande à peu près sur le même plan que celle qui, à Paris, s'occupe de la publication des docuinens relatifs à l'histoire de France. Le volume que nous annonçons ici est la première livraison de ses mémoires; il renferme avec le réglement de la société et la liste de ses membres, un Mémoire sur le Rectorat de Bourgogne par M. Fréd. de Gingins; Statuts inédits de Pierre de Savoie, communiqué par M. Secretan, et Notice historique sur les comtes de Gruyères par M. le doyen Bridel, de Montreux. Ce sont des fragmens historiques d'un assez grand intérêt, qui jettent du jour sur divers points obscurs des annales suisses. Les Recteurs de Bourgogne étaient les ducs chargés du pouvoir supérieur dans l'Helvétie Bourguignone. M. de Gingins fait remonter cette autorité jusqu'à Rodolph de Rheinfelden, quoique les historiens suisses ne la fassent commencer qu'à l'avènement de la maison de Zaeringen. Les preuves qu'il cite à l'appui de son opinion_semblent en effet placer l'origine de cette charge 70 ans plus tôt qu'on ne le croyait jusqu'ici, et indiquer deux Recteurs avant l'avènement des Zaeringen. Le cinquème et dernier de ces Recteurs fut Berthold V, qui mourut le 14 février 1218, ne laissant pas d'enfant, et dont l'héritage fut alors partagé entre divers. Appréciant quelle influence exerça le Rectorat, l'auteur pense que le résultat le plus important de cette époque fut la fondation de plusieurs villes municipales, qui plus tard devinrent le germe fécond d'un ordre social entièrement nouveau et le berceau de la législation moderne.

Les statuts de Pierre, comte de Savoie, concernent la procédure et les notaires; c'est un document assez curieux copié dans un manuscrit du xve siècle.

Enfin, la notice de M. Bridel sur les comtes de Gruyères renferme des détails fort intéressants sur cette partie de la

Suisse, dont l'histoire est encore peu connue, parce que demeurée hors des atteintes de Rome, elle n'a paru que beaucoup plus tard sur la scène historique.

Il est à désirer que le public accueille favorablement une publication qui, si on l'encourage, pourra contribuer à ranimer le goût des études historiques et mettre au jour bien des richesses enfouies dans de vieilles bibliothèques. L'histoire de la Suisse n'a pas encore été beaucoup explorée, et c'est cependant une de celles qui offrent à la fois la source la plus féconde d'intérêt et le sujet des recherches les plus laborieuses.

CORRESPONDANCE DU COMTE CAPODISTRIAS, Président de la Grèce, comprenant les lettres diplomatiques, administratives et particulières, écrites par lui depuis le 20 avril 1827 jusqu'au 9 octobre 1831, recueillies et mises en ordre par les soins de ses frères, et publiées par EA. Bétant, l'un de ses secrétaires. Genève et Paris, chez Ab. Cherbuliez et Cie, 1839, tomes 1 et 2 2 vol. in-8, 15 fr. Les tomes 3 et 4, qui compléteront l'ouvrage, sont sous presse.

La famille du comte Capodistrias ne pouvait élever un monument plus digne à la mémoire de l'illustre Président de la Grèce. Cette correspondance peint à la fois l'homme privé avec ses vertus douces et modestes, son esprit aimable, sa loyauté peu commune, et l'homme d'état dont le caractère ferme, mais conciliant, savait unir la probité à l'habileté. Elle commence à l'époque où le comte fut appelé à la présidence par le congrès de la Grèce. On y a inséré également les lettres particulières adressées à ses amis, et toutes celles qui ont rapport, soit à l'adininistration, soit aux relations diplomatiques. En effet, il était bien difficile de les séparer, car chez Capodistrias la pensée qui dominait tous ses sentimens et tous ses actes, était le désir d'être utile à la Grèce et de préparer pour l'avenir la prospérité de cette patrie à laquelle il n'avait pas hésité à consacrer son existence, à sacrifier son repos et sa fortune. Dans toutes ses lettres on en retrouve l'expression plus ou moins vive, et l'on voit l'art avec lequel il savait faire tendre vers ce but unique toutes les relations d'amitié ou d'intérêt qui pouvaient, en étendant son cercle d'influence, contribuer à hâter l'accomplissement de ses vues.

• Au moment où l'assemblée grecque l'élut Président, il était en voyage, quêtant partout des secours en faveur de la Grèce, et se voyant accueilli par la plupart des souverains du Nord avec la plus grande faveur, car son noble caractère était bien apprécié dans la diplomatie, et comme il le disait quelquefois lui-même, il lui avait servi à quelque chose d'être honnête

homme. Lorsqu'il reçut la première nouvelle de l'honneur qu'on lui avait décerné en le choisissant pour poser les bases de l'indépendance grecque et en assurer la durée, il se décida sans hésitation à accepter cette difficile tâche, mais avant de prendre aucun engagement il voulut etre dégagé de tous les liens qui le rattachaient encore à la Russie, et une fois libéré par l'empereur Alexandre, il ne fit part au congrès de son acceptation qu'en exposant avec clarté et précision les conditions de ce sacrifice, les vues qu'il se proposait d'accomplir, et la manière dout il comprenait la régénération de la Grèce.

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Lorsqu'il a riva pour prendre la direction des affaires, il dut s'occuper à la fois, et de l'organisation civile, et de l'organisation militaire, instituer les autorités municipales des diverses provinces et suivre les opérations des généraux chargés du commandement des différens corps d'armée. Puis il falla t en même temps songer à trouver des ressources pour se procurer de l'argent, car les finances n'existajent guères que sur le papier, et non-seulement les services de l'Etat exigeaient impérieusement de prompts subsides, mais encore une population nombreuse souffrait de la misère et de la faim. En présence de ces vrais travaux d'Hercule, le comte Capodistrias d'plova une activité infatigable; rien ne le rebuta, il suffit à tout, et non scul ment il satisfit toutes ces nécessités urgentes, mais il sut encore trouver le temps et les moyens de s'occuper de l'avenir en préparant des ressources pour l'éducation et l'instruction primaire, en fondant un institut destiné aux pauvres orphelins dont la guerre multipliait sans cesse le nombre. Lorque par ses efforts et ses ollicitations il eut réussi à intéresser les puissances européenues à l'affranchissement de la Grèce, l'intervention armée, tout en assurant le sort de cette contrée, lui apporta de nouvelles difficultés. Les troupes françaises se distinguent toujours volontiers par leurs exigences et par une grande facilité à se mettre au-dessus des lois, même dans les pays amis. Aussi le Président dut-il apporter dans sa conduite une grande mesure de prudence et d'adresse; l'appui que ses ennemis et même ses assa sins pensaient trouver dans l'armée française prouve combien sa position était difficile. Mais il connaissait bien les hommes et savait faire servir jusqu'à leurs défauts et leurs passions au profit de la bonne cause. Au milieu de ses occupations innombrables, malgré les froissemens qu'il était exposé à fare subir à cette foule d'ambitions qui s'agitaient autour de lui, il gagna l'estime et l'amour du peuple qui le désignait par le surnom familier de l'oncle Jegn, Lui-même ne semblait pas songer qu'il pút avoi des ennemis et se reposait avec confiance dans le sentiment d'avoir accompli son devoir en honnête homme.

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Malgré la vie d'enfer que je mène ici, » écrivait-il en juin 1828 à M. Eynard, « ma santé se soutient assez bien. Certaines correspondances se sont donné la peine de me faire empoisonner; d'autres de me faire fuir à bord des vaisseaux en station auprès du gouvernement; d'autres de me représenter au milieu d'insurrections journalières. En vérité ce sont de pauvres esprits, auxquels manque complètement le don de l'invention, qui se plaisent à forger des balivernes semblables. Je dirai sans amour-propre que la confiance que me témoignent tous, et notamment le peuple, me fait porter avec un sentiment de satisfaction intérieure l'immense travail qui m'est réservé tous les jours, et certes si je peux le soutenir, c'est que je suis fort de ce sentiment et de la protection du Sauveur.»

Toutes les lettres du Président aux divers employés du gouvernement et aux corps administratifs avec lesquels il avait une correspondance active, nous le montrent toujours simple, modeste, songeant beaucoup au bien public, et fort peu à luimême, employant la persuasion et la douceur plus volontiers que le ton du commandement, et sachant obtenir le concours de tous sans jamais avoir l'air de leur imposer des ordres. On voit qu'il ne se considérait que comme le premier serviteur de l'Etat et qu'aucun amour du pouvoir, aucune vue ambitieuse ne l'avaient influencé lorsqu'il accepta la Présidence. Parmi les correspondants qu'il traite avec le plus d'affection et d'intimité, figurent plusieurs citoyens de Genève dont M. Capodistrias possédait lui-même la bourgeoisie et où il s'était retiré après avoir quitté le ministère russe. Nous y voyons d'abord M. Eynard qui, par ses dons généreux et son zèle, contribua fortement au succès de la révolution grecque, puis M. Hentsch de Chastel, aux lumières duquel le Président aimait à s'adresser pour tout ce qui concernait les finances, et dont la bienfaisance active se plaisait à participer ainsi à l'œuvre importante du comte Capodistrias. Quelques autres lettres adressées à M. Munier, à M. Pictet, à M. Crud, etc. prouvent combien il avait su apprécier les connaissances réelles de ses nouveaux concitoyens et aimait à les consulter. Cette prédilection marquée pour Genève a fait désirer à ses frères que lapublication de cette Correspondance se fit dans cette ville, où d'ailleurs la mémoire du Président de la Grèce a toujours été honorée dignement. M. A Bétant, l'un des secrétaires du comte Capodistrias, a été chargé de diriger l'impression, et ien n'a été négligé pour en faire un bel ouvrage. Le portrait qui est en tête, exécuté par M. Bouvier, d'après madame Munier-Romilly, est un fort beau spécimen de gravure; la ressemblance en est d'ailleurs frappante.

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