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parle ici Virgile. Il est probable qu'il s'agit de l'aster Atticus. Cette fleur pousse d'une seule tige un grand nombre de rejetons, ingentem silvam uno de cespite. Son disque est jaune, flos aureus ipse; mais ses rayons sont pourprés, sed in foliis violæ sublucet purpura nigræ. Indépendamment de la conformité de cette fleur avec l'amellum de Virgile, cette interprétation est appuyée sur la meilleure autorité possible en fait de botanique, celle du célèbre M. de Jussieu.

42 Le Melle la voit naître, et lui donne son nom.

Il y a plusieurs rivières de ce nom : celle dont Virgile parle ici est une rivière de Lombardie.

43 Le peuple dont le Nil inonde les sillons.

Ce passage est le plus difficile de toutes les Géorgiques. Je crois que Virgile veut parler ici de la basse Égypte, autrement nommée le Delta. Ce pays forme un triangle: Canope forme l'angle occidental, Péluse l'angle oriental, qui est le plus voisin de la Perse. Ce que Virgile appelle les confins de l'angle méridional est l'endroit où le Nil, en se divisant, représente un delta. Mais comment Virgile a-t-il pu dire que le Nil descendait de l'Inde? Huet, pour lever cette difficulté, nous dit que les anciens croyaient que le Nil prenait sa source dans les Indes : mais il est prouvé que du temps de Virgile on était détrompé de cette erreur; d'ailleurs il n'est pas besoin d'avoir recours à cette opinion absurde, puisqu'on sait que les anciens appelaient Indi les Éthiopiens, chez qui le Nil prend sa source.

44 Et de son noir limon voit la verdure éclore.

Il y a dans le texte : Et viridem Egyptum nigra fecundat arena. Lacerda prétend que ce vers n'est pas de Virgile, fondé sur ce que cette opposition nigra arena viridem Ægyptum n'est pas digue de ce poëte. Pour réfuter Lacerda il suffit de rapporter cet autre vers, du quatrième livre :

Qua niger humectat flaventia culta Galesus.

où il y a la même antithèse. Je ne vois rien dans ces deux vers qui ne soit digne de Virgile.

45 De cet art précieux attestent la puissance.

Il y a dans le texte omnis regio; ce qui me paraît une nouvelle preuve que Virgile parle d'un seul pays, qui est la basse Égypte.

46 O surprise, ô merveille! un innombrable essaim

Dans ses flancs échauffés tout à coup vient d'éclore.

Il n'est pas nécessaire de prouver la fausseté de cette résurrection des abeilles; mais comment des peuples entiers, des écrivains éclairés, ont-ils pu admettre une fable aussi absurde, et qu'il paraissait si facile de détruire par l'expérience? Premièrement, il paraît par la suite de ce livre, et par J'histoire d'Aristée, que cette fable était liée aux cérémonies rcligieuses,

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et à l'espèce de culte qu'on rendait à Orphée; c'était la religion des anciens qui l'avait introduite dans leur physique. Dès lors il ne faut plus s'étonner du cours prodigieux qu'elle a eu l'on sait que la superstition croit tout et n'examine rien. En second lieu, voyez avec quel art on avait exigé la réunion d'une foule de circonstances pour que le prodige s'opérât. Il fallait construire un lieu propre pour l'opération; il fallait que le taureau n'eût que deux ans; il fallait le tuer d'une certaine façon; il fallait qu'après l'avoir criblé de coups la peau ne fût pas seulement entamée. Si vous aviez omis une seule de ces conditions, et que l'expérience ne réussit pas, ce n'était pas le prodige qui manquait, mais c'était vous qui manquiez au prodige. Observez encore que ce merveilleux secret venait d'Égypte, c'est-à-dire d'un pays livré aux superstitions les plus grossières, et où la crédulité des peuples n'était égalée que par l'imposture des prêtres.

47 Près d'elle en ce moment les nymphes de sa cour...

Il y a dans ce morceau plusieurs vers remplis de noms propres. J'ai pris la liberté, à l'exemple de Dryden, d'ajouter quelque épithète ou quelque dénomination à chaque nom de nymphe.

48 Contemple le berceau de cent fleuves naissants.

Platon, dont Virgile avait suivi le système dans ses vers, suppose que toutes les rivières prennent leur source dans une vaste caverne que les poëtes appellent barathrum. Le Phase et le Lycus sont deux fleuves fameux de l'Arménie, qui vont se rendre dans la mer Noire. L'Énipée est une rivière de Thessalie. Le Tibre est assez connu. L'Anio est une rivière d'Italie. L'Hypanis arrose la Scythie. Le Caïque prend sa source dans la Mysie. L'Éridan, autrement le Pô, est un grand fleuve d'Italie. Virgile, selon l'usage des poëtes lorsqu'ils parlent des fleuves, lui donne des cornes.

49 Invoquons l'Océan, le vieux père du monde.

Ici Virgile suit le système de Thalès, qui attribuait à l'élément de l'eau la formation de l'univers.

50. Protée, ô mon cher fils, peut seul finir tes maux.

Toute cette fable de Protée est une imitation d'un morceau de l'Odyssée.

51 Pallène est sa patrie.

Pallène est une péninsule de la Macédoine.

52 Un jour tu poursuivais sa fidèle Eurydice.

On peut comparer ce morceau avec celui d'Ovide sur le même sujet; on sera surpris de la différence énorme qu'il y a entre l'un et l'autre. Ovide, qui traite si bien, en général, la partie du sentiment, n'est dans ce morceau qu'un bel esprit versificateur. Le discours qu'il fait tenir à Orphée est plein de mauvais goût; toute la narration est longue et lâche. Dans tout le morceau de Virgile il n'y a pas un mot qui ne tende à l'effet; et j'avoue que c'est de toutes les Géorgiques l'endroit qui m'a le plus coûté à traduire.

53 Telle, sur un rameau, durant la nuit obscure...

J'ai déjà fait remarquer que les comparaisons des anciens n'étaient ni aussi ingénieuses, ni aussi brillantes, ni aussi justes que les nôtres, mais qu'elles étaient plus poétiques, plus sensibles, plus pittoresques. Celle-ci en est une nouvelle preuve. Il n'y a pas grand esprit à comparer Orphée pleu rant sa femme au rossignol pleurant ses petits: la comparaison n'a pas même beaucoup de justesse. Qu'est-ce donc qui en fait le charme? c'est que le fond en est touchant; c'est que les idées accessoires sont charmantes; c'est que l'harmonie des vers est enchanteresse. Pour me conformer au génie de notre langue, qui n'aime point les comparaisons à longue queue, j'ai transporté au commencement ce qui est à la fin, et j'ai terminé la comparaison par l'idée touchante que renferme le mot implumes.

54 Lorsque César, l'amour et l'effroi de la terre,

Faisait trembler l'Euphrate au bruit de son tonnerre.

Ces vers prouvent que Virgile retoucha ses Géorgiques toute sa vie. L'époque dont il s'agit ne précède sa mort que d'un an. Auguste commandait alors ses armées en personne sur les bords de l'Euphrate, et forçait Phraate de rendre les aigles romaines que les Parthes avaient arrachées à Crassus.

FIN DES NOTES DES GÉORGIQUES.

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LES JARDINS.

CHANT PREMIER.

Le doux printemps revient, et ranime à la fois
Les oiseaux, les zéphyrs, et les fleurs, et ma voix.
Pour quel sujet nouveau dois-je monter ma lyre?
Ah! lorsque d'un long deuil la terre enfin respire,
Dans les champs, dans les bois, sur les monts d'alentour,
Quand tout rit de bonheur, d'espérance et d'amour,
Qu'un autre ouvre aux grands noms les fastes de la gloire,

Sur son char foudroyant qu'il place la Victoire ;

Que la coupe d'Atrée ensanglante ses mains :
Flore a souri; ma voix va chanter les jardins.
Je dirai comment l'art embellit les ombrages,
L'eau, les fleurs, les gazons, et les rochers sauvages;
Des sites, des aspects sait choisir la beauté,
Donne aux scènes la vie et la variété;
Enfin l'adroit ciseau, la noble architecture,
Des chefs-d'œuvre de l'art vont parer la nature.
Toi donc qui, mariant la grâce à la vigueur,
Sais du chant didactique animer la langueur,
O muse! si jadis, dans les vers de Lucrèce,
Des austères leçons tu polis la rudesse;
Si par toi, sans flétrir le langage des dieux,
Son rival a chanté le soc laborieux,
Viens orner un sujet plus riche, plus fertile,
Dout le charme autrefois avait tenté Virgile1.
N'empruntons point ici d'ornement étranger;
Viens, de mes propres fleurs mon front va s'ombrager;

Et comme un rayon pur colore un beau nuage,
Des couleurs du sujet je teindrai mon langage.

L'art innocent et doux que célèbrent mes vers
Remonte aux premiers jours de l'antique univers.
Dès que l'homme eut soumis les champs à la culture,
D'un heureux coin de terre il soigna la parure;
Et plus près de ses yeux il rangea sous ses lois
Des arbres favoris et des fleurs de son choix.
Du simple Alcinoüs le luxe encor rustique 2
Décorait un verger. D'un art plus magnifique 3
Babylone éleva des jardins dans les airs.

Quand Rome au monde entier eut envoyé des fers 4,
Les vainqueurs, dans des parcs ornés par la victoire,
Allaient calmer leur foudre et reposer leur gloire.
La sagesse autrefois habitait les jardins,

Et d'un air plus riant instruisait les humains.
Et quand les dieux offraient un Élysée aux sages, Į
Étaient-ce des palais? c'étaient de verts bocages;
C'étaient des prés fleuris, séjour des doux loisirs,
Où d'une longue paix ils goûtaient les plaisirs.
Ouvrons donc, il est temps, ma carrière nouvelle,
Philippe m'encourage et mon sujet m'appelle 5,

Pour embellir les champs, simples dans leurs attraits,
Gardez-vous d'insulter la nature à grands frais;
Ce noble emploi demande un artiste qui pense,
Prodigue de génie et non pas de dépense.

Moins pompeux qu'élégant, moins décoré que beau,
Un jardin, à mes yeux, est un vaste tableau.

Soyez peintre. Les champs, leurs nuances sans nombre,
Les jets de la lumière et les masses de l'ombre,
Les heures, les saisons variant tour à tour
Le cercle de l'année et le cercle du jour,
Et des prés émaillés les riches broderies,
Et des riants coteaux les vertes draperies,

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