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Hélas! dans la prison, triste sœur de la tombe,
Sa main vient soutenir le malheur qui succombe,
Vient charmer ces cachots dont l'aspect fait frémir,
Dont les échos jamais n'ont appris qu'à gémir.
Oubliant et le monde et ses riantes scènes,

Il marche environné du bruit affreux des chaînes,
De grilles, de verrous, de barreaux sans pitié,
Que jamais n'a franchis la voix de l'amitié,
Par cent degrés tournant sous des voûtes horribles
Plonge jusques au fond de ces cachots terribles,
Habités par la mort, et pavés d'ossements,
D'un funeste trépas funestes monuments;
Y mène le pardon, quelquefois la justice,

Et par un court trépas abrège un long supplice;
Prête, en pleurant, l'oreille aux maux qu'ils ont soufferts;
S'il ne peut les briser, il allège leurs fers;

Tantôt, pour adoucir la loi trop rigoureuse,
Porte au pouvoir l'accent de leur voix douloureuse;
Et, rompant leurs liens pour des liens plus doux,
Dans les bras de l'épouse il remet son époux,
Le père à son enfant, l'enfant à ce qu'il aime.
Par lui l'homme s'élève au-dessus de lui-même.
Les séraphins, surpris, demandent dans le ciel
Quel ange erre ici-bas sous les traits d'un mortel.
Devant lui la mort fuit, la douleur se retire,
Et l'ange affreux du mal le maudit et l'admire.
Reviens, il en est temps, reviens, cœur généreux :
Le bonheur appartient à qui fait des heureux.
Reviens dans ta patrie, en une paix profonde,
Goûter la liberté que tu donnais au monde :
Ton œil chez aucun peuple, au palais d'aucun roi,
N'a rien vu d'aussi rare et d'aussi grand que toi.
Toutefois, quelques soins dont ses mains généreuses
Aient tempéré l'horreur de ces maisons affreuses,

Je m'éloigne, je vole aux asiles pieux,
Des besoins, des douleurs abris religieux,
Où la tendre Pitié, pour adoucir leurs peines,
Joint les secours divins aux charités humaines.
Elle-même en posa les sacrés fondements;
Mais de ces saints abris, ouvrage des vieux temps,
Souvent la négligence ou l'infâme avarice

A fait de tous les maux l'épouvantable hospice.
Là sont amoncelés, dans des murs dévorants,
Les vivants sur les morts, les morts sur les mourants;
Là d'impures vapeurs la vie environnée

Par un air corrompu languit empoisonnée;
Là le long de ces lits où gémit le malheur,
Victime des secours plus que de la douleur,
L'ignorance en courant fait sa ronde homicide,
L'indifférence observe, et le hasard décide.
Mais la Pitié revient achever ses travaux,
Sépare les douleurs, et distingue les maux ;
Les recommande à l'art que sa bonté seconde;
Tantôt, les délivrant d'une vapeur immonde,
Ouvre ces longs canaux, ces frais ventilateurs,
De l'air renouvelé puissants réparateurs.
Par elle un ordre heureux conduit ici le zèle;
La propreté soigneuse y préside avec elle.
La vie est à l'abri du souffle de la mort;
Grâce à ses soins pieux, sans terreur, sans remord,
L'agonie en ses bras plus doucement s'achève;
L'heureux convalescent sur son lit se relève,
Et revient, échappé des horreurs du trépas,
D'un pied tremblant encor former ses premiers pas.
Les besoins, la douleur, la santé la bénissent;
La terre est consolée, et les cieux applaudissent.
Que puissent à jamais les maux, la pauvreté,
Dans ces asiles saints bénir la charité !

Mais quel génie affreux de la France s'empare?
De la destruction le délire barbare

Se promène en tous lieux, et, dans ses noirs transports,
Tourmente les vivants, les mourants et les morts.
Le berceau, le tombeau, la cité, le village,
Le temple somptueux, le modeste ermitage,
Tout subit sa fureur. Vous tombez avec eux,
Des maux, de l'indigence, ô refuges pieux !
Où des saints fondateurs la charité sublime
Consacrait la richesse ou rachetait le crime.
Je ne vois plus ces sœurs, dont les soins délicats 4
Apaisaient la souffrance, ou charmaient le trépas ;
Qui, pour le malheur seul connaissant la tendresse,
Aux besoins du vieil âge immolaient leur jeunesse.
Leurs toits hospitaliers sont fermés aux douleurs,
Et la tendre Pitié s'enfuit les yeux en pleurs,
Le pauvre des bienfaits voit la source tarie,
Et l'enfant vient mourir sur le seuil de la vie.
Mais quel secours nouveau, céleste, inespéré,
A l'exil indigent ouvre un port assuré?
Salut, ô Sommerstown, abri cher à la France!
Là le malheur encor bénit la Providence
Là nos fiers vétérans retrouvent le repos,
Et le héros instruit les enfants des héros :
Là près d'un dieu sévère éclate un dieu propice.
Quel riche bienfaisant a fondé cet hospice:
A la voix de Carron le luxe s'attendrit 5,
Sa vertu les soutient, et son nom les nourrit.
Par lui, pour l'indigent, la douce bienfaisance
Trouve le superflu, même dans l'indigence;
Et parmi les bannis ses pieuses moissons
De l'avare opulence ont surpassé les dons.

Et vous, sexe charmant, nourri dans les délices,
Que vous faites à Dieu de touchants sacrifices!

Votre zèle pieux donne l'exemple à tous,
Affronte les dangers, surmonte les dégoûts,
Visite des souffrants les demeures obscures;
Vient soigner une plaie ou fermer des blessures,
De cette même main dont l'Amour eût fait choix
Pour tresser sa couronne ou remplir son carquois.
La Foi, l'Humanité sont partout sur vos traces;
Et le lit de douleur est veillé par les Grâces.
Mais quels accents plaintifs ont frappé mes esprits?
J'entends, je reconnais vos lamentables cris,
Enfants infortunés, famille illégitime,

Que le crime a fait naître et qu'immola le crime.
Ah! si les sages même ont pleuré quelquefois
L'enfant né sous le dais, dans la pourpre des rois,
Et si pour lui du sort ils ont craint les injures,
Qui peut voir sans pitié ces frêles créatures,
Ces enfants de l'amour, que la honte a proscrits?
De leur mère jamais ils n'auront un souris ;

Ils n'auront point leur part aux caresses d'un père ;
Loin d'eux ces noms si doux et de sœur et de frère :
Condamnés en naissant, dans leur triste abandon,
Ils ont reçu le jour sans recevoir un nom.
D'autres de leurs aïeux recueillent l'héritage :
Votre pitié, voilà leur unique partage !

Que dis-je ? A leur naissance, incertains d'un berceau,
D'une goutte de lait, d'un abri, d'un lambeau
Qui de leurs membres nus écarte la froidure!
Ah! que la pitié parle où se tait la nature !
Ne la refusez pas à ces infortunés,

Menacés de mourir au moment qu'il sont nés.

Nos frères dans le ciel, ils sont ce que nous sommes ; Peut-être ces enfants nous cachent de grands hommes. De l'intérêt public écoutez donc la voix.

Du sage agriculteur voyez les doux emplois ;

De l'orme adolescent il soigne la jeunesse,
Du chêne décrépit rajeunit la vieillesse,

C'est peu si quelque arbuste à ses regards offert
Languit abandonné dans le vallon désert,
Aux arbres de son clos, enfants héréditaires,
Il aime à réunir ces tiges étrangères;

Et la plante orpheline, en son nouveau séjour,
Avec ses plants chéris partage son amour.
Sages législateurs, voilà votre modèle.
Remplacez par vos soins la pitié maternelle;
Conquérez à l'État ces enfants malheureux;
Que l'école des arts soit ouverte pour eux;
Donnez, pour les rejoindre à la grande famille,
Au jeune homme un métier, une dot à la fille.
Ainsi pour Albion naissent des matelots,
Des bras pour le travail, pour les camps des héros ;
Ainsi la bienfaisance accueille la misère;
Le riche est leur parent, la patrie est leur mère.
Cependant, en ces lieux au malheur consacrés,
De la tendre Pitié les droits sont plus sacrés.
Il est, il est des lieux plus étrangers pour elle.
Voyez de loin ces champs où la guerre cruelle
Dans un ordre effrayant range ses bataillons,
Qui de torrents de sang vont noyer les sillons :
Eh bien! c'est en ces lieux que je vais la conduire ;
Mars, le terrible Mars connaîtra son empire.
Là la Nécessité, dans sa fatale main

Tenant son joug de fer et ses chaînes d'airain,
Trop souvent au soldat ordonne le ravage,
Prescrit l'embrasement et promet le pillage.
Mais la douce Pitié suit en pleurant ses pas;
Elle adoucit ses coups, elle arrête son bras ;
Au meurtrier farouche elle arrache ses armes,
Conserve sa chaumière au laboureur en larmes,

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