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Ce sexe efface tout, et ton char sanguinaire
A vu moins de héros que son char funéraire.
Il a ses Thraséas, ses Catons, ses Brutus.

Ah! que la Grèce antique, école des vertus,
Ait des filles de Sparte admiré le courage;
Mais vous, charme d'un peuple élégant et volage,
Qui dès vos premiers ans entendîtes toujours
Le son de la louange et le luth des amours,
Sans le faste imposant de l'âpreté stoïque,
Où donc aviez-vous pris cette force héroïque?
O vierges de Verdun, jeunes et tendres fleurs,
Qui ne sait votre sort, qui n'a plaint vos malheurs 21 !
Hélas! lorsque l'hymen préparait sa couronne,
Comme l'herbe des champs, le trépas vous moissonne ;
Même heure, même lieu vous virent immoler.
Ah! des yeux maternels quel pleurs durent couler!
Mais vos noms sans vengeur ne seront pas sans gloire ;
Non si ces vers touchants vivent dans la mémoire,
Ils diront vos vertus. C'est peu: je veux un jour
Qu'un marbre solennel atteste notre amour.
Je n'en parerai point ce funeste Élysée,
Qui de torrents de sang vit la terre arrosée.
Loin les jardins de Flore, et l'impur Tivoli 22,
Par ses bals scandaleux trop longtemps avili,
Où d'infâmes beautés, dans leur profane danse,
Aux mânes de son maître insultent en cadence!
Mais s'il est quelque lieu, quelques vallons déserts,
Épargnés des tyrans, ignorés des pervers,
Là je veux qu'on célèbre une fête touchante,
Aimable comme vous, comme vous innocente.
De là j'écarterai les images de deuil;

Là ce sexe charmant dont vous êtes l'orgueil
Dans la jeune saison reviendra chaque année
Consoler par ses chants votre ombre infortunée.

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Salut, objets touchants! diront-elles en chœur,
Salut, de notre sexe irréparable honneur !

Le temps, qui rajeunit et vieillit la nature,
Ramène les zéphyrs, les fleurs et la verdure;
Mais les ans dans leur cours ne ramèneront pas
Une vertu si rare unie à tant d'appas.

Espoir de vos parents, ornement de votre âge,
Vous eûtes la beauté, vous eûtes le courage;
Vous vîtes sans effroi le sanglant tribunal;
Vos fronts n'ont point pâli sous le couteau fatal:
Adieu, touchants objets, adieu! Puissent vos ombres
Revenir quelquefois dans ces asiles sombres!
Pour vous le rossignol prendra ses plus doux sons;
Zéphyr suivra vos pas, écho dira vos noms.

Adieu ! Quand le printemps reprendra ses guirlandes,
Nous reviendrons encor vous porter nos offrandes ;
Aujourd'hui recevez ces dons consolateurs,
Ces hymnes, nos regrets, nos larmes et nos fleurs ! >>

CHANT IV.

A combien de fléaux le ciel livra le monde : Ici des champs entiers sont submergés sous l'onde; Ailleurs le volcan tonne, et ses horribles flancs Dévorent les palais et les temples brûlants; Tantôt les ouragans, plus prompts que le tonnerre, D'un immense débris couvrent au loin la terre : Mais du monde tremblant ces horribles fléaux Des révolutions n'égalent pas les maux. Au lieu de cette douce et puissante habitude, Qui de nos passions endort l'inquiétude; Au lieu de ce respect, conseiller du devoir, Dont l'heureuse magie entoure le pouvoir,

D'un sénat oppresseur les lois usurpatrices
Gouvernent par la peur, règnent par les supplices.
Quelques abus font place à des malheurs plus grands,
Et des débris d'un roi naissent mille tyrans.

La France, que le monde avec effroi contemple,
En offre dans ses chefs l'épouvantable exemple.
De notre liberté despotiques amis,

Où sont-ils, ces beaux jours qu'ils nous avaient promis?
La misère est pour nous, et pour eux l'opulence;
Sur la chute du trône élevant leur puissance,
D'un front jadis rampant, ils affrontent les cieux.
Un moins hideux spectacle affligerait les yeux
Si, changés tout à coup en d'informes ruines,
Les bois baissaient leur tête et levaient leurs racines.
Hélas! depuis ce jour, si fécond en forfaits,
Où le crime vainqueur vint s'asseoir sous le dais,
Où le bonnet sanglant remplaça la couronne,
De quels maux inouïs l'essaim nous environne!
Par ce premier malheur que de maux enfantés !
L'œil en pleurs, le sein nu, les bras ensanglantés,
La France, qu'enviaient les nations voisines,
Des ruines du monde accroissant ses ruines,
De son corps gigantesque étale en vain l'orgueil,
Assemblage hideux de victoire et de deuil.

Ses biens de tous les maux renferment la semence ;
Son calme est la fatigue, et non l'obéissance.
Mais, hélas! des malheurs où l'État est plongé
Le plus affreux n'est pas l'empire ravagé :
Ses enfants dispersés aux quatre coins du monde,
De toutes ses douleurs voilà la plus profonde.
Doublement affligée, elle pleure en son cœur
L'injustice des uns, des autres le malheur.
Qu'il est dur de quitter, de perdre sa patrie!
Absents, elle est présente à notre âme attendrie:

Alors on se souvient de tout ce qu'on aima,
Des sites enchanteurs dont l'aspect nous charma,
Des jeux de notre enfance, et même de ses peines.
Voyez le triste Hébreu, sur des rives lointaines,
Lorsque emmené captif chez un peuple inhumain,
A l'aspect de l'Euphrate il pleure le Jourdain.
Ses temples, ses festins, les beaux jours de sa gloire,
Reviennent tour à tour à sa triste mémoire ;

Et les maux de l'exil et de l'oppression
Croissent au souvenir de sa chère Sion.

Souvent en l'insultant, ses vainqueurs tyranniques
Lui criaient : « Chantez-nous quelqu'un de ces cantiques
Que vous chantiez aux jours de vos solennités.

Ah! que demandez-vous à nos cœurs attristés?

Comment chantérions-nous aux rives étrangères ?
Répondaient-ils en pleurs. O berceau de nos pères !
Notre chère Sion! si tu n'es pas toujours

Et nos premiers regrets et nos derniers amours,
Que nous restions sans voix; que nos langues séchées
A nos palais brûlants demeurent attachées !
Sion, unique objet de joie et de douleurs,
Jusqu'au dernier soupir, Sion, chère à nos cœurs!
Quoi! ne verrons-nous plus les tombes paternelles,
Tes temples, tes banquets, tes fêtes solennelles ?
Ne pourrons-nous un jour, unis dans le saint lieu,
Du retour de tes fils remercier ton Dieu ? »

Ainsi pleurait l'Hébreu; mais du moins par ses frères
Il n'était point banni du séjour de ses pères.
Ah! combién du Français le sort est plus cruel!
Chassé par des Français loin du sol paternel,

Il fuit sous d'autres cieux ; et pour comble de peine,
De sa patrie ingrate il emporte la haine.

O ciel à ce départ, que de pleurs, de regrets!
Chacun quitte ses biens, ses travaux, ses projets :

L'un, cent fois s'éloignant et revenant encore,

Pleure, en fuyant, ses blés qui commençaient d'éclore;
L'autre, de ses jardins les bosquets enchantés ;
L'autre, ses jeunes ceps nouvellement plantés,
Avant d'avoir pressé dans la cuve fumante
De ses premiers raisins la vendange écumante.
A ses livres choisis l'autre fait ses adieux;
L'autre baigne de pleurs son réduit studieux;
Et, loin du lieu chéri, confident de ses veilles,
De sa muse exilée emporte les merveilles.
Bientôt d'affreux encans dispersent au hasard
Les chefs-d'œuvre du goût, les prodiges de l'art.
Souvent pour un vil prix, pour un plus vil usage,
Aux mains de l'ignorance ils tombent en partage:.
Un Raphael échoit au magister du lieu;

Racine d'un manant alimente le feu;

En piles sont vendus les Buffons, les Voltaires,
Leurs tomes isolés redemandent leurs frères;
Et, vengeant une fois Pelletier consolé,
En cornets, à son tour, Despréaux est roulé1.
Le dieu du mal sourit à ces honteux ravages.

Mais que sont de nos arts ces hideux brigandages
Près du viol affreux de la propriété !
O toi, premier appui de la société,
Qui, seul des immortels restant au Capitole,
Après le roi des dieux fus sa première idole,
Dieu Terme ! que dis-tu de ces barbares lois
Qui, du premier contrat violant tous les droits,
Et des usurpateurs consacrant l'injustice,
Du pacte social renversent l'édifice ?

Vous, allez maintenant, complaisants possesseurs,
D'avance enrichissez vos heureux successeurs;
Appelez les brebis des nations lointaines;

Épurez par le choix les races indigènes :

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