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attaché à bien montrer pour quelles idées il avait vécu, et quelle harmonie parfaite avait régné entre ses actes privés et publics et les théories défendues dans ses livres. En tout temps on trouve Tocqueville fidèle au témoignage qu'il se rendait à lui-même lorsque, déclarant qu'il n'avait jamais été l'esclave d'un parti, il disait : « Je n'ai qu'une passion: c'est l'amour de la dignité humaine. >>

En terminant, M. Delerot a rappelé les principes qui peuvent être considérés comme le testament légué par Tocqueville à nos générations contemporaines, principes qui se résument dans cette pensée, dont l'oubli ou le dédain nous serait si douloureusement fatal: « Un peuple sans moralité et sans religion ne sera jamais libre. »

LA VISITE DU PRINTEMPS

PAR M. Ed. COURTEVILLE, MEMBRE TITULAIRE

A L. B.

Je suis le frais Printemps, recevez ma visite.
Je viens combler vos vœux avec célérité.
Dans ses palais glacés que, morose, il habite,
J'ai relégué l'Hiver, ce vieillard entêté.

J'ai toujours à ma suite une attrayante escorte,
Qui chante les beaux jours, la nature au réveil ;
Concert harmonieux que le zéphyr emporte
Et qui part des grands bois pour monter au soleil.

Robustes sont mes fils et d'humeur différente : L'aîné, Mars, est bruyant, fantasque et querelleur; Avril est jovial, a la verve plaisante,

Et Mai, leur jeune frère, est poète et rêveur.

D'un beau vert céladon j'ai chargé ma palette;
Chacun en a sa part, l'orme et le liseron.
Je garde mes parfums pour l'humble violette,
Et je fleuris la treille, espoir du vigneron.

La séve, à mon appel, escalade les cimes
Du cèdre gigantesque et des sapins ombreux;
Un verdoyant tapis recouvre les abîmes ;
Les sentiers émaillés s'ouvrent aux amoureux.

Le bourgeon fait craquer sa robe trop étroite;
La frêle libellule a quitté ses roseaux,

Et les blancs nénuphars que la terre convoite
Dérobent à mes yeux le cristal des ruisseaux.

Les grappes du lilas sur les hautes murailles
Ont recouvert les trous du boulet meurtrier;
Sublime pansement de ces vieilles entrailles
Que déchire le temps, ce cruel ouvrier.

Puis on voit les grands lis, à la taille élégante,
Sous la brise incliner leurs fleurons odorants,
Et, joignant la pudeur à la grâce imposante,
Echanger chastement leurs baisers enivrants.

Tout se meut, tout fermente et tout se régénère; Les nids, les nids féconds, espoir de ma saison, Cachent leur doux trésor de calme et de mystère Sous les rameaux touffus et sur le vert gazon.

Qui donc voudra vanter les mines de Golconde, S'il a vu ma rosée et ses brillants fleurons ? Des perles? Je pourrais en consteller le monde ; Vos sultanes n'ont rien près de mes moucherons.

Je ne suis pas méchant, mais je suis fantaisiste,
Et comme bien des gens n'aimant pas à vieillir.
Grêle et vent, à mon gré, frappent à l'improviste
Le fruit que sous mes fleurs l'été viendra cueillir.

Oh! que je suis heureux lorsque sous ma ramée J'entends les gros soupirs et les serments d'un jour! Quand du premier aveu la parole embaumée Fredonne ce vieil air qui s'appelle : l'amour !

Je répète aux échos : je suis la Poésie ;
N'ai-je pas la jeunesse et ses séductions,
Le soleil, l'espérance avec la fantaisie,

Des bruits d'ailes, des fleurs et des éclosions?

Mais, tout finit, et moi, la saison sans pareille,
Je succède à l'Hiver et me rends à l'Été,
L'Été qui m'a vaincue et me dit à l'oreille :
Il faut courber le front sous mon autorité !

Vous, mortels fortunés, qui vous voyez revivre
Dans vos enfants nombreux, dans vos petits-enfants,
N'enviez pas mon sort... je ne dois pas vous suivre,
Mais je vous garde au cœur un éternel printemps.

UNE JOURNÉE DE LOUIS XIV

PAR M. A. TAPHANEL, MEMBRE TITULAIRE

MESDAMES, MESSIEURS,

Il est de mode aujourd'hui, dans un certain monde, de parler légèrement et avec impertinence de Louis XIV, du Roi-Soleil, comme on affecte de l'appeler, de ce prince intelligent, qui n'avait pas lu Voltaire sans doute, mais avec qui Boileau pouvait discuter des goûts, avec qui le Parlement au besoin eût pu discuter des couleurs. Sa supériorité un peu hautaine lui a valu, par manière de représailles, les dédains du vulgaire et la haine des infiniments petits. Mais la France ne saurait perdre entièrement le souvenir de celui qui lui avait donné l'Alsace; et Versailles ne peut pas oublier son fondateur : ce serait faire acte de maladresse, plus encore que d'ingratitude.

Lorsqu'on a de telles obligations à un homme (et je ne rappelle ici qu'une faible partie de ses services), il est au moins de bon goût de ne le point insulter, de ne pas dire, par exemple, comme Michelet, qu'il avait une tête de porc, ou, comme tel autre écrivain dont je tairai le nom, par égard pour son talent et pour l'emploi qu'il occupe: « C'était un pître couronné. »

Cela dit, vous comprendrez, Messieurs, avec quel empressement j'ai obéi à notre honorable président,

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