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nous appartient de maintenir les droits de toutes les églises qui sont sous notre autorité royale, et spécialement de l'église de Saint-Denis qui fut fondée par les rois, nos prédécesseurs, et enrichie par eux d'amples possessions.

Il est constant qu'Argenteuil a été attribué par nos prédécesseurs à l'église de Saint-Denis, et cela de telle sorte qu'aucun comte, ni vicomte, ni prévost, ni vidame, ni autre personne exerçant une charge quelconque dans l'État, ne puisse s'arroger sur elle aucun pouvoir.

Or, par l'incurie et par la négligence des habitants, il est arrivé que certains d'entre eux, méconnaissant les statuts émanés de nos prédécesseurs, se sont permis d'usurper à leur profit la mairie dudit Argenteuil. De là non seulement des haines, des disputes, des rixes, mais aussi des meurtres et des incendies nocturnes. Tout récemment même, au Landit où il avait été interdit à tous par nous et par l'abbé de porter les armes, un homme, à l'occasion de cette mairie, fut tué par les sergents dudit maire.

Aussi voulant porter remède (1) à tant de méchanceté et à tant de malignité, nous appuyant sur la justice et sur l'esprit de dévotion que nos prédécesseurs ont toujours témoigné en faveur de ladite église de Saint-Denis,

Nous avons accordé la mairie d'Argenteuil à l'abbaye de Saint-Denis, et ce à la condition suivante :

Pour cette mairie, l'église d'Argenteuil paiera à celle de Saint-Denis une redevance annuelle de dix livres, et nous statuons et ordonnons, de notre autorité royale, qu'aucun abbé, ni prieur, ne pourra donner cette mairie à qui que ce soit, et qu'elle devra demeurer à toujours-mais dans ladite église de Notre-Dame d'Argenteuil.

Et pour que l'on n'oublie jamais ce bienfait, les moines habitant Argenteuil et y servant Dieu, chanteront tous les jours une messe du Saint-Esprit, pendant notre vie et après notre mort une messe de Requiem.

En outre, chaque année, dans leur église, ils nourriront, le jour anniversaire de notre décès, trois cents pauvres pour a rançon de notre âme.

(1) Le texte porte medicina et non remedium.

Et pour que notre don reste bien assuré, nous avons ordonné que tout ceci soit mis par écrit, avec l'apposition de notre sceau, en y ajoutant notre monogramme.

Fait publiquement, dans le chapitre de Saint-Denis, l'an du Verbe incarné 1152, dix-septième de notre règne; étant en charge les dignitaires dont les noms et les seings se trouvent ci-dessous :

Seing de Raoul, sénéchal (dapifer).

Seing de Guy, bouteiller (buticularius).

Seing de Mathieu, connétable (constabularius).
Seing de Mathieu, chambrier (camerarius).

Cette charte a été donnée de la main de Hugues, chancelier.

Monogramme du roi.

Après plus de sept cents ans le sceau pendant a disparu; mais la toile de lin placée sur la partie manuscrite, pour la couvrir et la préserver, se retrouve encore en assez bon état de conservation.

Il n'est pas besoin de dire que le chambrier du roi (camerarius) est devenu, de nos jours, un chambellan; le connétable (constabularius) était appelé autrefois comte de l'Estable. Quant au buticularius et au dapifer (dapes, mets et festins), ils devaient représenter le grand échanson et le grand panetier.

En résumé, au point de vue historique, mes deux chartes constatent ou confirment les principaux faits suivants :

« Au vIII siècle, il existait certainement à Argenteuil un monastère de femmes.

<< Carloman, frère de Charlemagne, pendant la seconde année de son règne si court, confirmait et étendait les pri vilèges et immunités de ce monastère dont l'abbesse

s'appelait alors Aline (Ailina), nom qui a été conservé avec celui du chancelier Maginarius par la charte de Carloman.

<«< Au commencement du XIIe siècle (vers 1129), le couvent de femmes était transformé en monastère de bénédictins, devant relever de la puissante abbaye de SaintDenis.

«Vers le milieu du XIIe siècle, Louis VII, dont le chancelier se nommait Hugues, le sénéchal Raoul, le grand échanson ou bouteiller Guy, le connétable et le chambellan Mathieu, rappelait, dans la charte concédée par lui, que les rois de France avaient toujours favorisé l'abbaye de Saint-Denis, et, à ce titre, Louis VII accordait irrévocablement à cette abbaye la mairie d'Argenteuil.

« Enfin, Argentoilum ou Argentolium aurait été la forme définitivement adoptée, puisque ce nom se trouve ainsi officiellement écrit dans deux documents historiques. entre la date de chacun desquels près de quatre siècles se sont écoulés.

LE SINGE LIBRE-PENSEUR

Apologue par feu Ch. LAFOSSE

Membre correspondant.

Le singe, dont chacun connaît le caractère,
D'un ton suffisant et mutin,

Reprochait un jour au destin

Ses aveugles faveurs : « Quoi! disait le compère,
Un paon sot et criard est chéri de Junon !

Le hibou, que le jour ne connaît que de nom,
Est l'oiseau de Pallas ! Je vois mainte pécore
A qui la Renommée, autre déesse encore,

Donne à grand bruit du Monseigneur !

Et moi, dont le suprême honneur

Consiste à relever de mon intelligence,

Je suis Bertrand tout court! Ah! sans impertinence
Bertrand gagerait cent contre un

Que les Dieux qui s'en vont n'ont pas le sens commun. »>

Pour un libre-penseur se taire est difficile.

A quelque temps de là grand nombre d'animaux

Siégeant en états généraux,

Bertrand se mit à l'œuvre : « Il me semble inutile,
Dit l'apôtre nouveau, de prendre un long détour
Pour établir un fait aussi clair que le jour.
Longtemps à de vaines chimères

On a cru plus ou moins sur la foi de nos pères;

Mais le siècle a marché... Les Dieux sont un vain mot,
Les peines du Tartare un pieux stratagème;

Le néant seul est vrai : l'homme en convient lui-même.
L'homme, si jaloux de son lot,

Du singe se dit frère, et tranchant le problème
De nos communs destins, juge en dernier ressort
Que l'âne est au penseur égal devant la mort. »
L'âne fit un salut. « C'est nous parler algèbre,
Dit un vieil éléphant; je serais curieux
De contempler de près celui qui de nos Dieux
Fait ainsi l'oraison funèbre. »>

Et sa trompe étreignant l'orateur éperdu,
A ce vivant gibet il le tint suspendu,
Regardant en pitié sa face désolée;

Puis au milieu de l'assemblée

Il le laissa choir en disant :

<< Grands Dieux ! qu'un singe athée est un être imposant! »

Furieux, écumant de rage,

Bertrand dit au lion: « Souffrirez-vous, seigneur,
Que ce grotesque personnage

Se vienne ici poser en grand inquisiteur ?

On sait que les dévots sont toujours prêts à mordre.
A sa pieuse ardeur si l'on ne met bon ordre,

Tout novateur jaloux d'éclairer l'avenir,

La corde au cou, pieds nus, en grève ira finir. »
<< Pauvret, dit le lion, calme-toi, je t'en prie.
Tu connais peu sa seigneurie,

Mon frère l'éléphant. Il eût pu sans façon
Broyer ton corps chétif, mais à ta raillerie
Il n'a voulu donner qu'une simple leçon.
Ce dogme que poursuit ta haine téméraire
Est des petits surtout l'égide tutélaire.
Tu le vois, à la force il met un frein puissant,
Et couvre jusqu'au nain qui le brave en passant.
En vain me diras-tu qu'entre mes mains repose
La défense du faible; eh quoi! ne vois-tu pas
Qu'au sein des plus vastes états,

Quand les Dieux ne sont rien, les rois sont peu de chose,

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