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mouvement fut de croire que la déeffe, par ce changement, vouloit abattre l'orgueil de quelques femmes qui s'étoient emparées du gouvernement, pour le faire repaffer entre les mains du prince qui venoit de naître. Elle communiqua fes idées à Bonine qui les trouva trèsfenfées, elle fe promit même'de les faire valoir, lorfqu'il s'agiroit de plaider la caufe de la princeffe; mais elle n'ofoit lui en parler tout le tems qu'elle fut en danger, ce qui dura plus de fix femaines.

Pendant que Bonine ne s'occupoit qu'à adoucir les efprits en faveur de Tramarine, les mauvaises magiciennes s'étoient fait un plaifir malin de publier fon aventure. La reine accablée de douleur, fe trouva néanmoins fort embarraffée fur le parti qu'elle devoit prendre; elle fit affembler un confeil extraordinaire, mais elle ne put empêcher les magiciennes d'y préfider. Bonine y foutint toujours avec feu les intérêts de Tramarine, & il fut enfin décidé de faire arrêter toutes les perfonnes qui avoient accompagné la princeffe au temple, fans diftinction de rang & de qualité. Quatre confeillères d'état furent nommées pour cet examen: cet ordre inquiéta la cour & la ville, & chacun en raisonna fuivant la portée de fon génie.

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Cependant le rapport des arbitres fut à la décharge de la princesse, tout se trouva conforme aux loix de l'état. On fut enfuite faire la vifite du temple & des prêtreffes qui le deffervoient, pour tâcher de découvrir s'il ne s'étoit point introduit quelque abus; & pour que perfonne ne pût échapper à cet examen, des Amazones furent commandées pour entourer toutes les avenues du temple, avec un ordre précis qu'au cas de contravention, le coupable feroit fur le champ facrifié à la déeffe.

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Pendant ces recherches, Tramarine reprenant peu à peu fes forces, fe plaignoit fouvent à Bonine & à fa chère Céliane de l'indifférence de la reine qui ne l'avoit point vifitée. Comme tout le monde fuit ceux dont la difgrace eft prefque affurée, dans la crainte d'être entraîné dans leur chûte; c'eft ce qui fit que toute la cour avoit également abandonné Tramarine. Hélas! je ne m'apperçois que trop qu'on me fuit, difoit cette malheureuse princeffe. Cependant j'ignore ce qui peut occafionner ce refroidiffement; je crois du moins qu'on n'eft pas affez injufte pour m'imputer quelque chofe qui puiffe être contraire à ma gloire. Pourquoi me refuser jusqu'à la foible fatisfaction d'embraffer

ma fille? Cette jeune princesse doit-elle auffi partager ma disgrace? Céliane gémiffoit inté rieurement de l'erreur où étoit Tramarine mais elle n'ofoit encore lui déclarer ce qui occafionnoit les troubles dont la cour étoit agitée; elle étoit donc contrainte de renfermer fa douleur, afin de tâcher d'adoucir l'amertume de fon cœur fans néanmoins lui donner trop d'efpérance.

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Les deux mois expirés, la magicienne Bonine vint trouver Tramarine, pour l'inftruire du fort qui lui étoit deftiné, à moins que les raifons qu'elle pourroit alléguer pour sa défense ne fuffent affez fortes pour entraîner les fuffrages en fa faveur. C'eft avec bien de la douleur, dit Bonine, que je me vois forcée de vous annoncer le plus grand des malheurs : mais ma chère Tramarine, ce feroit vous perdre entièrement fi l'on vous les cachoit plus longtems. En vain demandez-vous tous les jours à voir l'enfant à qui vous avez donné le jour; cet enfant n'eft plus en mon pouvoir, la fée Camagnole s'en eft emparée. Vous n'avez néanmoins rien à craindre pour fes jours, cette magicienne employera vainement la force de fon art, je l'ai prévenue en empêchant qu'elle ne puiffe lui nuire. Mais, ma chère, il eût été beaucoup plus heureux pour votre repos &

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celui de l'état, que cet enfant fût mort avant d'avoir vu la lumière. Comment avec l'efprit & la raison qui s'eft toujours fait remarquer en yous, comment, dis-je, après avoir enfreint les loix de cet empire, avez-vous eu encore la témérité de vous expofer à toutes leurs rigueurs ? Vous, ma chère qui deviez être l'exemple de tout ce royaume, faut-il que vous en deveniez le fcandale par votre imprudence? Un peu plus de confiance en moi vous eût peut-être fauvée : vous n'ignorez pas le pouvoir que j'ai fur l'efprit de la reine, je l'aurois empêchée de convoquer l'affemblée des magiciennes; restée feule auprès de vous avec Lucine, il nous eût été facile de déguiser le fexe de votre enfant. Que me voulez-vous dire, reprit Tramarine, en interrompant la magicienne avec des yeux pleins de courroux? A quoi tendent vos discours injurieux? Avezvous oublié qui je fuis, & ce que l'on doit à mon rang? Moi, enfreindre les loix! Quelle raifon a-ton de m'en accufer? Princeffe, reprit la fée d'un ton févère, eft-ce à moi que ce difcours s'adreffe? Vous ignorez fans doute jusqu'où s'étend mon pouvoir; mais, pour vous punir de votre témérité, je me retire & vous abandonne; d'autres que moi vous inftruiront de votre fort.

Il fut heureux pour Tramarine que Céliane fe trouvât préfente à cette converfation. Quoi, madame, dit-elle à Bonine! Vous qui êtes la bonté même, auriez vous la cruauté d'abandonner la princeffe? Loin de vous fâcher de fa vivacité, vous devez plutôt en tirer des conféquences favorables à fon innocence : convenez du moins qu'il eft bien humiliant pour, une jeune princeffe, dont la conduite a toujours été éclairée fous les yeux de toute la cour, de fe voir accufée. injuftement.

Tramarine fâchée d'avoir irrité la fée contre elle, & jugeant, par le difcours de Céliane, que l'affaire dont on l'accufoit étoit des plus graves, qu'elle auroit peut-être plus que jamais befoin du fecours de la fée, lui fit quelques excufes fur fa vivacité, en la priant de lui expliquer le crime dont on ofoit la noircir; & Bonine jugeant, à l'ignorance de la princeffe, qu'elle n'étoit point coupable, fe radoucit en fa faveur & lui promit fon fecours, après lui avoir raconté ce qui s'étoit paffé, & la réfolution où l'on étoit de la bannir de la cour.

La princeffe dont le coeur étoit pur, affura Bonine qu'elle n'avoit rien à fe reprocher. Sans doute, dit-elle, que la déeffe veut éprouver ma conftance je n'en faurois douter par les fonges dont j'ai été agitée dans fon temple;

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