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A l'inftant de ma naiffance, je fus remis entre les mains d'un fameux magicien, lequel, contraint par une puiffance fupérieure de ne point user fur moi de fon pouvoir, m'abandonna à un faune qui prit foin de mon enfance. Ce faune habitoit une caverne proche le temple de Cérès, &, dès l'âge de quatre ans, il me confacra à la déeffe pour fervir au culte de fes autels. A peine eus-je atteint ma quinzième année, que je me fentis pénétré d'une fureur poétique. Animé de l'esprit du Dieu qui me protége, je prononçai plufieurs oracles, & paffai quelques années dans cette occupa tion; mais la prêtreffe me faifant un jour approcher de fon antre: O jeune homme, me ditelle dans un de ses enthousiasmes que la déeffe avoit coutume d'exciter en elle, apprends que tu dois être le plus vaillant d'entre les mortels, il eft tems de quitter ce féjour pour aller fignaler ton courage, mille exploits divers vont être offerts à ta valeur ; vas, le Dieu qui te protége prendra foin de ta gloire, & ton triomphe fera admiré dans l'Univers.

Ces paroles, dictées par la déeffe, firent naître en moi cette noble audace qui doit toujours accompagner les héros. Je fortis du tem-> ple & trouvai, fous un des portiques, l'armure qui venoit de me fervir pour exécuter

les exploits dont votre majefté avoit été le témoin. Quoique leurs majeftés & ceux qui avoient été admis à cette conversation, euffent défiré d'apprendre un plus grand détail des aventures du prince, perfonne ne put néan moins fe plaindre de fa complaifance, & le roi remit à un autre tems à en exiger les particularités, s'appercevant que le prince brûloit d'impatience de fe retirer avec la princeffe Amafis.

Tramarine & le roi fon père, charmés l'un & l'autre d'avoir été témoins du triomphe & de la gloire du prince Nubécula, en témoignèrent leur reconnoiffance au génie Verdoyant, & le remercièrent en même tems de l'agréable surprise qu'ils avoient éprouvée à l'apparition de l'envoyé du foleil, en apprenant, par le difcours de ce favori, que ce jeune prince étoit fon fils Sans doute, ajouta la princeffe Tramarine, que c'étoit au génie Carabiel que vous aviez confié fon éducation. Hélas, que j'étois injufte lorsque j'ai pu douter de fon fort! Il eft votre fils, vous l'aimez, vous faites fa gloire & fon bonheur. Sa deftinée vous eft à préfent connue, reprit Verdoyant, & je crois qu'il ne doit plus vous refter aucun doute fur les honneurs dont il va jouir; c'est pourquoi, comme nous fommes

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logés ici fort à l'étroit, je pense qu'il feroit à propos de rejoindre la flotte afin de continuer

notre route.

Tramarine, dont tous les objets qui auroient pu exciter fa curiofité fe trouvoient remplis, peut-être ennuyée d'une auffi longue marche, & dans la vive impatience de présenter le roi fon père au fouverain des Ondes, elle fupplia le génie de faire reprendre à leur flotte la route de la capitale, où ils fe rendirent en très-peu de tems. Je n'entreprendrai point de faire la defcription des fêtes qui fe donnèrent à leur retour; il fuffira d'apprendre à mes lecteurs que fa majefté Ondine, après avoir examiné la princeffe Tramarine, parut très-contente du changement qui s'étoit fait en elle : le roi Ophtes lui fut présenté, & il voulut bien, en faveur de l'époufe de fon fils, confirmer les honneurs du louvre qué le prince Verdoyant lui avoit accordés; & fa majefté ajouta à cette grace, qu'il lui fût donné un logement dans le palais, à côté de celui de la princeffe Tramarine dans le pavillon des glaces.

Par cette nouvelle faveur, il fut permis à Ophtes de vifiter fouvent le cabinet des mer ́veilles, Tramarine jugeant par elle-même de l'empreffement que le roi fon père pouvoit avoir d'apprendre ce qui s'étoit paffé en Lydie

depuis fon entrée chez les Ondins, & fur-tout de favoir des nouvelles de la reine Cliceria, la façon dont elle gouvernoit fon royaume, & mille autres choses qui devoient l'intéreffer : c'est pourquoi, après avoir fait au roi un détail des attributs de ce merveilleux cabinet, elle s'y rendit pour lui en faire admirer les fingulières beautés.

Ophtes fe reffouvenant de fon indifcrette curiofité, lorfqu'il voulut interroger les dieux fur la deftinée de Tramarine, n'osoit presque lever les yeux fur les glaces; il craignoit, fans doute, d'irriter contre lui le monarque des Ondes : mais la princeffe le raffura en disant que, lorfqu'on ne formoit aucun défir, les glaces n'annonçoient rien. Ophtes croyoit ne plus rien défirer; mais la pensée eft fi prompte qu'on ne peut l'arrêter, le défir la fuit de près: Ophtes penfa, il défira, & les glaces lui montrèrent ce que, dans le fond de fon cœur, il défiroit ardemment d'apprendre.

Il vit donc la reine de Lydie, qui, après avoir pleuré long-tems fa perte, & avoir, fait rendre à fa mémoire les honneurs & les refpects qu'on ne pouvoit refuser à un monarque, qui ne s'étoit occupé, pendant le cours de fa vie, qu'à faire le bonheur de fes peuples. Il vit l'aimable Cliceria qui, fe trouvant furchargée du

316 LES ONDINS, CONTE MORAL.

part

poids de la conduite de ses vastes états, craignant d'ailleurs de nouvelles irruptions de la de Pencanaldon; il la vit, dis je, partager ce fardeau avec le prince Corydon, qu'elle trouva feul digne de remplir la place qu'Ophtes avoit occupée fi long-tems & avec tant de gloire. Le père de Tramarine vit, fans jalousie, l'union de la reine avec le prince Corydon; il contempla leur bonheur dans leur poftérité, & ce furent pour lui & pour Tramarine de nouveaux fujets de fatisfaction, dont ils doivent jouir éternellement.

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