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Les uns semés sur vous en brillants microscopes,
D'autres se déployant en de longs télescopes;
Montrez-moi ces fuseaux, ces tarières, ces dards,
Armes de vos combats, instruments de vos arts,
Et les filets prudents de ces longues antennes,
Qui sondent devant vous les routes incertaines.
Que j'observe de près ces clairons, ces tambours,
Signal de vos fureurs, signal de vos amours,

Qui guidaient vos héros dans les champs de la gloire,
Et sonnaient les dangers, la charge et la victoire;
Enfin tous ces ressorts, organes merveilleux,
Qui confondent des arts le savoir orgueilleux,
Chefs-d'œuvre d'une main en merveilles féconde,
Dont un seul prouve un Dieu, dont un seul vaut un monde !
Tel est le triple empire à vos ordres soumis.

De nouveaux citoyens sans cesse y sont admis.
Cette ardeur d'acquérir, que chaque jour augmente,
Vous embellira tout; une pierre, une plante,

Un insecte qui vole, une fleur qui sourit,

Tout vous plaît, tout vous charme; et déjà votre esprit
Voit le rang, le gradin, la tablette fidèle,
Tout prêts à recevoir leur richesse nouvelle;
Et peut-être en secret déjà vous flattez-vous
Du dépit d'un rival et d'un voisin jaloux.
Là les yeux sont charmés, la pensée est active;
L'imagination n'y reste point oisive;

Et quand par les frimas vous êtes retenus,

Elle part, elle vole aux lieux, aux champs connus ;
Elle revoit le bois, le coteau, la prairie,
Où, s'offrant tout à coup à votre rêverie,

Une fleur, un arbuste, un caillou précieux
Vint suspendre vos pas, et vint frapper vos yeux.
Et lorsque vous quittez enfin votre retraite,
Combien de souvenirs l'illusion secrète

Des campagnes pour vous embellit le tableau!
Là votre œil découvrit un insecte nouveau;
Ici la mer, couvrant ou quittant son rivage,
Vous fit don d'un fucus, ou d'un beau coquillage.
Là sortit de la mine un riche échantillon;
Ici, nouveau pour vous, un brillant papillon
Fut surpris sur ces fleurs, et votre main avide
De son règne incomplet courut remplir le vide.
Vous marchez; vos trésors, vos plaisirs sont partout.
Cependant arrangez ces trésors avec goût;

Que dans tous vos cartons un ordre heureux réside;
Qu'à vos compartiments avec grâce préside
La propreté, l'aimable et simple propreté,
Qui donne un air d'éclat même à la pauvreté.
Surtout des animaux consultez l'habitude;
Conservez à chacun son air, son attitude,

Son maintien, son regard. Que l'oiseau semble encor,
Perché sur son rameau, méditer son essor;

Avec son air fripon montrez-nous la belette

A la mine allongée, à la taille fluette;

Et, sournois dans son air, rusé dans son regard,
Qu'un projet d'embuscade occupe le renard;
Que la nature enfin soit partout embellie,
Et même après la mort, y ressemble à la vie.
Laissez aux cabinets des villes et des rois
Ces corps où la nature a violé ses lois,
Ces fœtus monstrueux, ces corps à double tête,
La momie à la mort disputant sa conquête,
Et ces os de géant, et l'avorton hideux
Que l'être et le néant réclamèrent tous deux.
Mais si quelque oiseau cher, un chien, ami fidèle,
A distrait vos chagrins, vous a marqué son zèle,
Au lieu de lui donner les honneurs du cercueil
Qui dégradent la tombe et profanent le deuil,

Faites-en dans ces lieux la simple apothéose,
Que dans votre Élysée avec grâce il repose :
C'est là qu'on veut le voir; c'est là que tu vivrais,
O toi, dont la Fontaine eût vanté les attraits,
O ma chère Raton ! qui, rare en ton espèce,
Eus la grâce du chat et du chien la tendresse :
Qui, fière avec douceur et fine avec bonté,
Ignoras l'égoïsme à ta race imputé.

Là je voudrais te voir telle que je t'ai vue,
De ta molle fourrure élégamment vêtue,
Affectant l'air distrait, jouant l'air endormi,
Épier une mouche, ou le rat ennemi,

Si funeste aux auteurs, dont la dent téméraire
Ronge indifféremment Dubartas ou Voltaire ;
Ou telle que tu vins, minaudant avec art,
De mon sobre dîner solliciter ta part;
Ou bien, le dos en voûte et la queue ondoyante,
Offrir ta douce hermine à ma main caressante,
Ou déranger gaîment par mille bonds divers
Et la plume et la main qui t'adresse ces vers.

CHANT IV.

I

Oui, les riches aspects et des champs et de l'onde
D'intéressants tableaux sont la source féconde :
Oui, toujours je revois avec un plaisir pur
Dans l'azur de ces lacs briller ce ciel d'azur,
Ces fleuves s'épancher en nappes transparentes,
Ces gazons serpenter le long des eaux errantes,
Se noircir ces forêts et jaunir les moissons,
En de riants bassins s'enfoncer ces vallons,
Les monts porter les cieux sur leurs têtes bautaines,
Et s'étendre à leur pied l'immensité des plaines;

Tandis que, colorant tous ces tableaux divers,
Le soleil marche en pompe autour de l'univers.
Heureux qui, contemplant cette scène imposante,
Jouit de ses beautés! plus heureux qui les chante!
Pour lui tout s'embellit; il rassemble à son choix
Les agréments épars et des champs et des bois,
Et dans ses vers brillants, rivaux de la nature,
Ainsi que des objets, jouit de leur peinture.

Mais loin ces écrivains dont le vers ennuyeux
Nous dit ce que cent fois on a dit encor mieux!
Insipides rimeurs, n'avez-vous pas encore
Épuisé, dites-moi, tous les parfums de Flore?
Entendrai-je toujours les bonds de vos troupeaux ?
Faut-il toujours dormir au bruit de vos ruisseaux ?
Zéphyr n'est-il point las de caresser la rose,
De ses jeunes boutons depuis longtemps éclose?
Et l'écho de vos vers ne peut-il une fois

Laisser dormir en paix les échos de nos bois?
Peut-on être si pauvre en chantant la nature?
Oh! que plus varié, moins vague en sa peinture,
Horace nous décrit en vers délicieux

Ce pâle peuplier, ce pin audacieux,

Ensemble mariant leurs rameaux frais et sombres,
Et prêtant au buveur l'hospice de leurs ombres;
Tandis qu'un clair ruisseau, se hâtant dans son cours,
Fuit, roule, et de son lit abrège les détours!
La nature en ses vers semble toujours nouvelle,
Et vos vers en naissant sont déjà vieux comme elle.
Ah! c'est que pour les peindre il faut aimer les champs!
Mais, hélas! insensible à leurs charmes touchants,
Des rimeurs citadins la muse peu champêtre

Les peint sans les aimer, souvent sans les connaître ;
A peine ils ont goûté la paix de leur séjour,

La fraîcheur d'un beau soir, ou l'aube d'un beau jour.

Aussi, lisez leurs vers; on connaît à leur style
Dans ces peintres des champs les amis de la ville;
Voyez-les prodiguer, toujours riches de mots,
L'émeraude des prés et le cristal des flots,
L'Aurore, sans briller sur un trône d'opale
Ne peut point éclairer la rive orientale;
Le pourpre et le saphir forment ses vêtements :
Répand-elle des fleurs, ce sont des diamants!
Ils vont puiser à Tyr, vont chercher au Potose
Le teint de la jonquille et celui de la rose.
Ainsi, d'or et d'argent, de perles, de rubis,
De la simple nature ils chargent les habits;
Et, croyant l'embellir, leur main la défigure.
Puisque la poésie est sœur de la peinture,
Écoutez de Zeuxis ces mots trop peu connus.
Une artiste novice osait peindre Vénus :

Ce n'étaient point ces traits et ces grâces touchantes,
D'un buste harmonieux les rondeurs élégantes,
Ces contours d'un beau sein, ces bras voluptueux,
Ce n'était point Vénus; son pinceau fastueux
Avait prodigué l'or, l'argent, les pierreries,
Et Cypris se perdait sous d'amples draperies.
Que fais-tu, malheureux ? dit Zeuxis irrité;

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Tu nous peins la richesse, et non pas la beauté! »

Rimeurs sans goût, ce mot vous regarde vous-même. Je le répète : il faut peindre ce que l'on aime. N'imitez pas pourtant ces auteurs trop soigneux Qui, des beautés des champs amants minutieux, Préférant dans leurs vers Linnæus à Virgile, Prodiguent des objets un détail inutile, Sur le plus vil insecte épuisent leurs pinceaux, Et la loupe à la main composent leurs tableaux : C'est un peintre sans goût, dont le soin ridicule En peignant une femme, imite avec scrupule

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