Imagens das páginas
PDF
ePub

aime à la fureur? Si vous aviez vu comme il étoit inquiet pendant votre maladie, & combien il m'a recommandé d'avoir foin de vous, vous l'aimeriez encore davantage. Tenez, il m'a donné une bague pour les foins que j'ai pris de vous; n'en parlez point à Madame car il m'a défendu de le dire à perfonne. Elle s'étendit beaucoup fur fes louanges: fes difcours me firent connoître qu'elle n'avoit effectivement rien compris à notre conver fation, ce qui me tranquillifa.

[ocr errors]

Il se påffa plus de trois mois fans que le Comte pût m'entretenir en particulier; il eft vrai que j'avois pris fur moi d'éviter avec un foin extrême

1

un fecond entretien. Je craignois ma foibleffe, l'empire que le Comte avoit fur mon cœur me le faifoit redouter. Contente des fentimens que je lui avois fait paroître, je voulois y perfifter même aux dépens de tout le repos de ma vie ; mais peut-on compter sur fes réfolutions, quand c'est l'Amour qui les combat.

Un jour que Madame d'Arenville s'étoit enfermée dans fon cabinet pour y examiner les comptes de fon Intendant, je fus me promener feule dans le parc; j'entrai dans une allée fombre, qui répondoit à une de fes portes, lorfque j'apperçus le Comte qui s'avançoit ; je voulus l'éviter, mais

d'où

il précipita fes pas vers moi. Vous me fuyez, chere Flore me dit-il d'un air paffionné, depuis long-tems je m'en apperçois; mais pourquoi me paroiffez-vous interdite, que fignifie cette rougeur, vient ce foupir, ne craignez rien de ma flamme, elle est trop refpectueufe pour jamais yous offenfer. Vous ne me dites rien; qu'eft devenu cette tendreffe à laquelle j'ai attaché tout mon bonheur ? fuis-je donc à préfent un objet redoutable à vos yeux, ou bien auriez-vous formé quelque nouvelle inclination? Parlez enfin, je veux être inftruit? Hélas! que vous êtes injufte, lui dis-je, en laiffant échapper

quelques larmes que je ne pus retenir par la fenfibilité que ce reproche porta dans mon cœur. D'où vient cette émotion! reprit le Comte avec vivacité: d'où viennent ces pleurs qui me défespérent? Ma chere Minette, ceffons de nous tourmenter l'un & l'autre ; j'ai voulu ménager Madame d'Arenville, mais elle penfera déformais ce qu'elle jugera à propos, & je ne vous quitte point que vous ne m'ayez promis d'affurer mon bonheur. Ne m'oppo fez donc plus de vaines raifons! votre mérite ne répare-t-il pas ce qui peut manquer à votre naiffance? Enfin je suis mon maître, & j'ai affez de biens pour vous rendre heureuse en

les partageant avec vous & pour fuppléer à ce que la fortune vous a refufé. Quelles raifons avez-vous de me défefpérer par votre obftination? Qu'exigezvous de moi? Je vous ai déjà dit, Monfieur: Monfieur, reprit le Comte avec un peu d'emporement;le terme eft nouveau! Je fuis perdu ! vous ne m'aimez plus ingratte, je m'en appeçois depuis long-tems par votre affectation à me fuir; ou pour mieux dire, Mademoifelle, je m'apperçois que vous ne m'avez jamais aimé. Ah! mon Dieu, mon cher Parain! que vous êtes vif & cruel, repris-je, je ne vous ai jamais aimé ! Qu'ai-je donc fait ! Quoi, ce que la plus vive pas

« AnteriorContinuar »