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maux; mais fi je n'obéis, je perds pour jamais l'amitié de ina bienfaitrice; & ce qui eft encore plus cruel, c'eft que je pafferai dans fon efprit pour la plus ingrate perfonne du monde. Quel reproche me fait-elle déja? je fuis caufe que le Com te refufe un mariage des plus avantageux. Elle ignore, fans doute, , que Julie n'y auroit jamais confenti. Si Madame de Tournon pouvoit me juftifier, en déclarant les fentimens de fa fille! Mais où trouve-t-on des cœurs affez généreux pour défendre les malheureux? Non je ferai abandonnée, méprifée, & pour comble de maux, tout le monde me croira criminelle. Hélas! fi du moins mon Amant

fçavoit quels combats il faut que j'efluie avant de renoncer altri: fans doute qu'il partage roit mes peines, & ce feroit un foulagement à mes maux. Mais cominent lui faire fcavoir? Cependant le Baron doit lui écrire; il va le prévenir contre moi; il penfera que j'ai donné mon confentement, que je ne l'ai jamais aimé que par ambition; que trouvant à la fatisfaire dans l'alliance d'un Baron, je le quitte fans regret. Que de fujets pour me méprifer! & n'en ferois-je pas digne, j'étois capable de renoncer à lui, après les affurances que je lui ai données de n'être jamais à d'autre. Mais pourquoi tant de combats? Peut-être le Comite

m'a-t-il déja oublié depuis fon absence. Le cruel a-t-il feulement daigné m'écrire? Ah! mon cœur, que n'êtes-vous d'accord avec ma raison! Mademoiselle Brouce qui entra dans ma chambre interrompit mes réflexions. Cette fille avoit beaucoup d'amitié pour moi. Elle m'avoit vu fortir de l'Appartement de fa Maîtreffe, le vifage couvert de larmes; elle en fut inquiéte, & s'empreffa d'en apprendre le fujet. C'étoit de ces Picardes pleines de bon sens, dont le cœur étoit excellent; je l'ai éprouvé dans plus d'une occafion. Qu'avez-vous donc, ma chere Demoifelle, me dit cette bonne fille? quoi, vous

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pleurez encore! Hé bon Dieu! il s'eft donc paffé d'étranges chofes entre Madame & vous; car elle eft d'une humeur de chien. Confolez-vous, ma chere enfant; ouvrez-moi votre cœur ; vous fçavez combien je vous fuis attachée: comment ne le ferois-je pas, puifque c'eft moi qui vous ai élevée. Je vous aime autant que fi vous étiez ma fille.Tenez, Mademoiselle, quand on confie fes peines à une amie, on eft à moitié fouJagé. Que fçait on? je pourrai peut-être vous rendre fervice. La pauvre enfant ! qui n'en auroit pas pitié? Tout cela fe difoit en pleurant avec moi. Pourquoi,pourfuivit-elle, vous affliger comme cela? N'avez

vous pas Monfieur le Comte, qui eft votre parrein, & qui vous aime à la fureur? Que ne lui écrivez-vous; fi vous avez quelque confeil à demander, vous ne sçauriez mieux vous adreffer qu'à lui. Je le fçais, ma chere Bonne, lui dis-jeavec un foupir, & en redou blant mes pleurs; car il femble, lorfqu'on commence à s'attendrir fur foi-même, que les lar mes ne tariffent plus. Allons, courage, ma chere enfant, me dit cette fille; mais dites-moiau moins le fujet de vos pleurs, Je ne crois pas vous avoir ja mais donné lieu de vous méfier de moi. Ma chere Bonne, repris-je, lorfqu'il n'y a point de reméde à fes peines, je crois

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