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fonnement qu'un malheureux ufage autorife, ou plutôt que la dureté du cœur rend fi familier chez les Grands,fe trouva faux à l'égard du Comte & du Baron.

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Le tems que Madame d'A renville avoit fixé pour fon voyage étoit expiré; nous l'at tendions de jour en jour. Ne la voyant point arriver, ni au cun de fes gens, ce fut alors que mes inquiétudes redou blerent à fon fujet. Je craignis avec raifon qu'elle ne fût tombée malade. Depuis long-tems elle fe plaignoit de fréquens maux de tête ; & malgré le trifte fort que j'en attendois, rien ne pouvoit diminuer les fentimens de tendreffe que j'a

vois toujours eus pour elle. Comme Mademoiselle Brou ce avoit reçu l'ordre de ne me point quitter d'un inftant, je la priai de m'accompagner chez Madame de Tournon, que je n'avois point vue depuis le départ de Madame d'Arenville : je fis réflexion qu'elle pouvoit avoir reçu de fes nouvelles; ce fut ce qui me détermina à lui faire une vifite. Il fembloit que tout confpiroità redoubler mes peines. Nous ne trouvames point Madame de Tournon : l'on nous dit qu'elle étoit à Paris depuis huit jours, avec Mademoiselle fa fille; ce qui nous obligea de revenir fans nous. arrêter.

En rentrant au Château, je

fus très-furprife de voir dans la cour deux équipages que je neconnoiffois point.J'alloisdemander à Mademoiselle Brouce à qui ils appartenoient,lorf qu'elle s'écria: Ah! mon Dieu, voilà le carroffe de la Marquife; ne feroit-il point arrivé quelque malheur. Elle fe hâta en même teins d'entrer dans le falon où étoit la Marquife. Je la fuivis tremblante & faisie de crainte. Bon jour, ma chere Brouce, lui dit la Marquife: vous ignorez fans doute le malheur qui nous eft arrivé: vous n'avez plus de Maîtreffe, ma chere; une fiévre maligne nous l'a enlevée en fix jours. Je fis un cri à ces mots, & je reftai comme pétrifiée. Il eft des ex

cès de douleurs où l'ame abforbée par la force de ses maux, fe trouve plongée dans un engourdiffement qui lui ôte pour quelque tems une partie de fa fenfibilité.Telle étoit ma fituation dans un moment auffi funefte. Une amertume infupportable répandue dans mon ame, me rendoit incapable de tout fentiment. Je demeurai appuyée contre un fauteuil, les yeux fixés vers la terre, ne pouvant encore comprendre l'excès de mon infortune. Accablée par une multitude de peines, je n'en fentois aucune dans ce moment. Quelle eft cette jeune perfonne, demanda la Marquife? Ne feroit-ce pointcette petite créature dont

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Madame d'Arenville faifoit fon idole? On m'a prévenu qu'elle jouoit très bien le fentiment. Il eft vrai qu'elle perd beau- | coup par cette mort, parce que Madame d'Arenville n'a point fait de testament. Ainfi elle fera bien de fupprimer les airs que fa Maîtreffe lui a fait prendre; mais elle n'eft point mal; je ne la croyois pas fi bien. On me l'a recommandée, & je overrai à la placer Tourriere dans quelque Couvent; car je fuis fûre que cette fille n'eft propre à rien. Cet affommant difcours mit le comble à mon défespoir. Il me prit une fueur froide, & je fentis mes jambes plier fous moi; je me mis dans un fauteuil.Comment

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