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les fupporter avec courage & fermeté ; c'eft le but que je me propose dans cet Ouvrage. N'eft-il pas bien digne de fatter ma vanité?

Je ne rougis point de décla rer l'obfcurité de ma naiffance; je fuis née dans un village, mon pere n'étoit qu'un pauvre paysan qui travailloit à la vigne, & ma mere ne s'occupoit que du foin du ménage; ils n'avoient d'autre bien qu'une miférable chaumiere, éloignée du village, à l'entrée d'une forêt, & fort ifolée. Madame d'Arenville revenoit d'une de fes terres, avec le Comte de *** lorsqu'elle fut furprife à la fin du jour,par un

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orage terrible. Son Poftillon ébloui par les éclairs, s'égara dans la forêt, & pour comble d'infortune, la cheville ouvriere de fon carroffe rompit. On penfe aifément qu'une fem me de condition qui fe trouve la nuit au milieu d'une forêt, par un orage affreux, doit éprouver en ce moment de grandes agitations, & de grandes inquiétudes; auffi peu s'en fallût-il que Madame d'Aren ville n'en mourût de frayeur, Le Comte, quoique dans une fituation peu différente, eut néanmoins affez de force & de présence d'efprit pour la raffus rer & fe raffurer lui-même, Son premier foin fut d'envoyer

fes gens au village le plus proche pour y demander du fecours; ils s'égarerent les uns des autres dans des routes différentes, fans pouvoir fe re joindre ni trouver d'iffues tant la nuit étoit obfcure; il fembloit, en un mot, que la forêt fût enchantée.

Après deux heures d'impatiences, qui paroiffent des années dans de pareilles fitua tions Madame, d'Arenville voulut abfolument defcendre de fon carroffe, malgré les repréfentations du Comte fur Pinceritude de la route qu'ils devoient prendre & fur l'inconvénient d'être obligé de marcher dans des petits fen

tiers étroits remplis de fange & de boue, fans fçavoir que devenir, mais rien ne put arrêter cette Dame, que la frayeur avoit troublée. Le Comte se vit donc forcé de lui donner le bras; cependant les éclairs ne ceffoient point, le tonnerre continuoit avec un bruit. & des éclats terribles, la pluye tomboit en abondance, & la nuit étoit affreuse. Madame d'Arenville & le Comte, erroient à travers les arbres, les ronces & les épines, & ne marchoient qu'en tremblant, cela dura trois heures entieres, vau bout defquelles, après des frayeurs morelles ils fe trouverent enfin par

un pur hazard, à l'une des extrêmités de la forêt, où le même hazard leur fit découvrir une foible lueur qui les conduifit à la chaumiere qui faifoit la demeure & toute la fortune de mes pere & mere; ils y vinrent frapper, heureufement qu'on ne les fit pas attendre: ma mere qui dans ce moment fe trouvoit tourmentée de douleurs très-violentes, venoit de fe lever pour allumer un peu de feu, lorfqu'elle entendit frapper à coups redoublés; elle éveilla fon mari; ces bonnes gens qui s'imaginerent que ce pouvoit être quelque voyageur,

que le mauvais tems obligeoit de leur

demander

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