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certains cas. Cette pauvre femme qui étoit la fimplicité en perfonne, après avoir demandé mille pardons à Madame d'Arenville & au Comte, céda enfin aux douleurs qui la preffoient, & mit au monde dans fa mifére, la plus heureuse de toutes les Créatures, puifque ce fut moi qui ne cefferai jamais de bénir le Ciel d'un événement auquel je dois tout mon bonheur; il eft vrai que j'ai paffée par de cruelles épreuves dans les premieres années de

ma vie.

Madame d'Arenville& le Comte, qui étoient les perfonnes du monde les plus humaines, touchées des maux de cette bonne femme, quoiqu'ils ne fe fuffent

jamais trouvés à de pareilles aventures, apportérent l'un & l'autre tous leurs foins pour foulager ma mere. Une des femmes de Madame d'Arenville aida à la délivrer, & après m'avoir enveloppée d'un linge, elle me donna à sa Maîtreffe.

Il fembloit, à ce que m'a dit depuis cette femme, de laquelle je tiens tout ce détail, que je refpectaffe déjà les vertus de celle qui alloit devenir ma bienfaitrice, & que je preffentiffe les obligations que je lui devois avoir.Je veux me charger de cet enfant, dit Madame d'Arenville, je trouve cet événement trop fingulier pour que je n'en prenne pas foin, ainsi il faut, mon cher Comte, que nous la

nommions ensemble, j'y foufcris à une condition, répondit le Comte, qui eft que, puifque l'aventure nous eft commune, vous me permettrez d'entrer pour moitié dans les biens que vous vous propofez de lui faire. Dès que leur équipage fut racommodé, l'on fut à l'Eglife, ou Madame d'Arenville & le Comte me tinrent fur les Fonds; je fus nommée Flore, qui étoit le nom de cette Dame. On me laiffa à ma mere pour qu'elle me nourrît, lui recommandant d'avoir beaucoup de foin de moi. Cette attention étoit bien inutile car outre la tendreffe naturelle que mon pere & ma mere avoient pour tous leurs enfans,

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il fembloit

que je leur fût devenue plus chere par l'efpérance, dont ils fe flattoient, que je pouvois un jour contribuer à les rendre plus heureux. Madame d'Arenville & le Comte, après avoir comblé mon pere & ma mere d'amitié & de bienfaits, remontérent dans leur voiture pour prendre la route de Paris.

Le printems fuivant, cette Dame & le Comte, dont les terres étoient contigues, partirent enfemble, & ne voulurent point paffer fans me voir, & m'apporter ce qui m'étoit néceffaire; ils me carefferent l'un & l'autre, comme fi j'euffe été leur enfant, mon pere &

ma mere eurent encore part leurs libéralités.

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Lorfque j'eus trois ans, Mad. d'Arenville me retira chez elle; c'étoit une veuve très riche qui n'avoit point d'enfant je lui fervois précisément de joujou, & l'on m'habilloit comme une poupée, c'est-àdire, qu'au lieu de corps de robe, que l'on donne ordinairement aux enfans, elle me faifoit faire des habits trouffés comme on en portoit encore dans ce tems-là, je ne quittois point fon appartement, & elle fe faifoit un fingulier plaifir de m'inftruire elle-même; & toutes les perfonnes qui venoient la voir, approuvoient

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