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mes petites folies, fans doute dans le deffein de faire leur

Cour.

Cette Dame apprit que mon pere & ma mere avoient perdu tous leurs enfans, elle les fit venir au Château, où ils furent nourris & entretenus, fans exiger aucuns foins de leur part; j'étois élevée comme la fille de Madame d'Arenville, & je crois que mes parens s'étoient perfuadés que je l'étois en effet, car ils avoient pour moi des égards qui alloient jufqu'au refpect. Lorfque je fus en état de les fentir, je leur fis de tendres reproches de ce que j'avois lieu de penfer que leur amitié fe refroidiffoit dans le tems que j'étais le plus en état d'en B S

goûter les douceurs, ce qui les faifoit pleurer de joie en m'embraffant.

Je pafferai rapidement fur mon enfance, qui n'eut rien de remarquable, que l'attachement que Madame d'Arenville avoit pour moi.

Lorfque je fus en âge d'apprendre, l'on me donna toutes fortes de maîtres. N'y a-t-il point de fatuité à dire que j'é tois née avec des graces naturelles, & une difpofition fingu diére pour apprendre tout ce qu'on vouloit? Madame d'Arenville en étoit enchantée j'étois fon ouvrage, & elle ne ceffoit de vanter mes talens. Lorfque j'eus atteint ma douziéme année, cette Dame ne

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fit plus un pas fans moi, elle me mettoit de toutes fes parties; & quand il arrivoit qu'on la prioit de quelqu'une où l'on oublioit de m'inviter elle trouvoit toujours quelques défaites pour s'en dispenser.

Un jour qu'elle avoit manqué de fe trouver à une af femblée où je n'avois point été invitée, le Comte lui en fit des reproches, & lui dit qu'elle ne devoit point fe fcandalifer lorfqu'on oublioit de me prier; qu'il étoit à craindre que la fenfibilité qu'elle en mar quoit ne lui fit tort dans de certains efprits accoutumés à juger mal des actions les plus fimples, & qu'il avoit déjà entendu dire que fon amitié pour

la petite Flore, dégéneroit en une foibleffe qui n'étoit plus pardonnable, qu'il falloit mettre des bornes à fa tendreffe, que je n'étois point d'un rang à être présentée dans toutes fes fociétés; qu'il n'ignoroit pas que je méritois toutes fortes d'attentions, & même de préférence fur bien des gens, par les rares qualités qui brilloient en moi; mais qu'elle fçavoit auffi-bien que lui que la plûpart des perfonnes du monde vouloient un nom, ou tout au moins de grands biens, qui réparent en quelque façon le défaut de naiffance, ne poffédant ni l'un ni l'autre, c'étoit me perdre entierement de vouloir me faire prendre des airs de

grandeur, qu'il me feroit impoffible de foutenir; que je commençois à fortir de l'enfance, & que j'avois même plus de raifon qu'on en a ordinairement à mon âge; que fi elle vouloit le croire, fon avis étoit de me mettre dans un couvent, pour tâcher de m'infpirer le goût de la retraite, qu'il penfoit être le feul parti que j'eus à prendre pour affurer mon bonheur. Et comme jufqu'alors elle n'avoit point voulu lui permettre d'entrer dans aucune des dépenfes qu'elle avoit faites pour mon entretien, il étoit juste qu'il se chargeât de payer ma dot dans telle couvent qu'elle voudroit choisir,

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