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de dix mois d'allaitement, lorsqu'elle sevra son enfant le délire éclata encore; enfin le troisième accouchement, comme le premier, fut suivi immédiatement d'un accès maniaque pour lequel la malade fut mise dans une maison d'aliénés. Vers le 3 juin, son mari la reprit chez elle, bien qu'elle ne fût pas encore guérie; le 18, il fut forcé de la remettre à Charenton; c'est dans ce court intervalle de temps qu'elle devint enceinte. Au moment de son entrée, on raconte que ses accès débutaient par de l'insomnie, de la loquacité, des penchants érotiques trèsprononcés; en même temps elle bouleversait son ménage, rudoyait son enfant et discutait sans cesse avec son mari.

Peu après son entrée dans la maison, la malade redevint plus calme, plus régulière dans ses habitudes; vers la fin du troisième mois de la grossesse, l'amélioration était tellement considérable qu'on dut lui accorder sa sortie; l'accès avait duré quatre mois. Je n'ai pu me procurer sur la malade de renseignements ultérieurs.

26e OBSERVATION. Manie avec penchants érotiques. Grossesse; guérison (1).

Une jeune personne fut saisie aussitôt après ses

(1) Observ. du doct. Ménard de Lunel, Journal de méd. et de chirurgie pratiques, 1834, § 362.

noces, d'une vraie manie érotique qui lui fit commettre les actions les plus indécentes. Elle ressentait vers les parties génitales un prurit continuel et plein de volupté. Les caresses de son mari ne pouvant la satisfaire, elle éprouvait les plus vifs désirs de se livrer à la prostitution. Cet état dura deux ou trois mois, au bout desquels elle devint grosse et recouvra sa tranquillité pour toujours.

27e OBSERVATION. — Épilepsie avec accidents nerveux. Grossesse et accouchement; guérison (1).

Une dame d'un tempérament nerveux, et sujette à des accès d'épilepsie, perdit son mari à l'âge de 25 ans.

Bientôt ses accès se rapprochèrent et il se joignit dans les intervalles des accidents nerveux, des tremblements convulsifs, accompagnés d'une grande ardeur pour les plaisirs vénériens.

Cette femme devint grosse furtivement et fut aussitôt débarrassée de ses accidents nerveux. Depuis ses couches, elle est grasse et bien portante.

(1) Doct. Ménard de Lunel, Journal de médec. et de chirurgie pratiques, loc. cit.

CHAPITRE III.

DE LA RESPONSABILITÉ LÉGALE DES FEMMES ENCEINTES.

De tout temps on a été porté à regarder la femme enceinte comme sujette à des envies, à des désirs irrésistibles qui lui enlèvent sa liberté morale et la rendent irresponsable de certains actes. Ce n'était d'ailleurs là qu'une conséquence naturelle de la théorie physiologique qui établissait sur des preuves qu'on regardait comme certaines, la réciproque influence que la mère et l'enfant exerçaient l'un sur l'autre; si l'enfant déterminait chez sa mère des désirs insolites, des impulsions irrésistibles, de son côté la mère transmettait à l'enfant l'image des personnes qui avaient attiré son attention pendant qu'elle était enceinte, ou des objets qu'elle avait convoités sans pouvoir les obtenir; d'où certaines ressemblances, certaines difformités, dont on retrouvait toujours la cause dans un examen scrupuleux et rétrospectif des divers incidents de la grossesse.

On sait que chez les Grecs, quelques femmes

grosses aimaient à s'entourer de statues et de tableaux représentant quelque type de beauté, afin de pouvoir transmettre à leur enfant quelque chose des traits qu'elles avaient sous les yeux. On sait aussi quelle influence certaines personnes, par un reste de préjugé populaire, attachent encore à la vue des objets capables de frapper l'imagination des femmes enceintes, et les faits ne leur manquent pas pour appuyer leur opinion. Toutes les monstruosités dans lesquelles, soit par arrêt de développement, soit par vice de conformation de certains os, la tête du fœtus acquiert une ressemblance grossière avec une tête de poisson, de chien ou d'oiseau, tiennent uniquement, d'après elles, à ce que la mère a éprouvé pendant sa grossesse quelque vive émotion morale à propos d'un de ces animaux: lorsque le nouveau-né a un bec de lièvre, on retrouve toujours que, pendant sa grossesse, la mère a vivement désiré de manger du lièvre sans pouvoir satisfaire son envie; et si l'enfant porte un de ces nævus vasculaires dont la surface est parfois mamelonnée, qui prennent au printemps une teinte plus vive, et offrent avec une cerise, une fraise, une framboise, quelque analogie grossière, incontestablement il faut l'attribuer à ce que la mère a eu quelque envie démesurée de l'un de ces fruits. On voit d'ailleurs, dáns certains livres spéciaux, combien d'histoires non moins grotesques qu'étranges, éparses dans Galien, Bar

tholin, Kerkringius, Van Swieten, ont été réunies et discutées à plaisir par les compilateurs (1).

Avec cette opinion bien arrêtée, émise gravement par quelques médecins et acceptée par le vulgaire, qu'on ne pouvait, sans causer de préjudice à l'enfant, s'opposer aux envies de la mère, on comprend avec quelle facilité certaines femmes extravagantes et rusées pouvaient abuser de leur position, et l'on s'explique jusqu'à un certain point les récits étranges que l'on trouve dans Osiander et dans Roderic a Castro. Ce dernier raconte l'histoire d'une femme enceinte qui voulait absolument manger l'épaule d'un boulanger; le mari fut obligé de convenir avec cet homme d'une certaine somme pour chaque morsure qu'elle lui ferait; il souffrit les deux premières, mais ne put consentir à s'en laisser faire une troisième aussi cette femme accoucha peu de temps après de trois enfants, dont deux étaient en vie et le troisième mort. Dans son Commentaire sur la Cité de Dieu de saint Augustin, Vivès parle d'une femme enceinte qui mordit au cou un jeune homme qui eut la complaisance de s'y prêter, mais en souffrit horriblement.

(1) Jacques Blondel, Dissertation sur la force de l'imagination des femmes enceintes sur le fœtus, traduit de l'anglais par Albert Brun. Leyde, 1739. Supplément, p. 105 et suiv.

Benjamin Bablot, conseiller médecin ordinaire du roi, à Châlons-sur-Marne, Dissertation sur le pouvoir de l'imagination des femmes enceintes. Paris, 1788.

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