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rogatoire; dans la pratique, il faudra sans doute une réunion de circonstances bien probantes, et un examen bien attentif, pour arriver à démontrér qu'il a existé au moment de l'accouchement un accès pas sager d'aliénation mentale. Mais ces faits peuvent se rencontrer, et nous pouvons sans peine en citer quelques exemples. Qui ne connaît le cas de cette fille dont parle Esquirol? Elle n'avait point caché sa grossesse, elle fit faire une layette. La veille dé l'accouchement elle se montra à tout le monde. Elle accoucha pendant la nuit, et le lendemain le corps de l'enfant fut trouvé dans les latrines, mutilé de coups de ciseaux. Cette fille avoua son crime et n'en témoigna aucun regret: Je n'ai pas fait de mal, répétait-elle; ils ne peuvent rien me faire, n'est-ce pas ? Quelques jours après on l'interroge, elle avoue son crime, ne s'en défend point, ne témoigne pas le moindre regret, mais elle refuse de manger. Cette fille n'avait-elle pas eu un accès de délire (1)?

Un cas analogue se retrouve dans les Annales judiciaires. En 1847, la cour d'assises de la Marne jugeait la nommée Rosalie Prunot, accusée d'infanticide. Depuis quelque temps on soupçonnait chez elle une grossesse ; un jour, elle se leva comme à l'ordinaire et se mit à l'ouvrage, mais elle dut y re

(1) Esquirol, Maladies mentales. Paris, 1838, t. I, p. 321.

noncer un médecin appelé examina la malade et finit par lui faire avouer qu'elle était accouchée pendant la nuit. Elle déclara en même temps que l'enfant n'avait pas vécu et qu'elle l'avait caché sous la paille au grenier. Ce fut là qu'on le trouva en effet ; il avait autour du cou un cordon fortement serré et noué par un noeud, dit rosette; à l'audience elle finit par avouer qu'elle avait en effet serré un cordon autour du cou du nouveau-né, mais elle assura qu'en ce moment elle avait la tête complétement perdue. Elle ne connaissait pas sa grossesse, dit-elle: effrayée par la venue des premières douleurs, atterrée par la vue d'un enfant, elle a eu l'esprit égaré et sa main a fait ce que désavouait son cœur: « Si j'avais pu réfléchir, je n'aurais pas agi ainsi; je suis jeune, j'aurais gagné assez pour me nourrir, moi et mon enfant.» Le défenseur établit que l'accusée était réellement folle au moment de l'accouchement : Cette folie était si réelle, ajouta-t-il, que la malheureuse laissa au cou de la victime le cordon qui avait servi à donner la mort. Le jury prononça un verdict d'acquittement (1).

Enfin, M. Boileau de Castelnau (2), dans un travail sur la folie instantanée, considérée au point de vue médico-judiciaire, a discuté avec talent et sagacité

(1) Journal de Reims, 1847.

(2) Annales d'hygiène publique et de médecine légale, t. XLV, p. 437, 1851.

l'observation d'une fille J..., qui, devenue enceinte, mais ayant caché avec soin sa grossesse, accoucha seule et en secret. S'armant d'un petit couteau de poche, elle frappa son enfant à la tête, au dos, au ventre, aux jambes, lui trancha la tête et cacha sous la paillasse de son lit les débris ensanglantés. Son père et une voisine pénétrèrent dans la chambre. A la vue du sang répandu et qu'elle n'avait point cherché à effacer, l'un et l'autre l'accusèrent. J... nia d'abord. En découvrant le cadavre de l'enfant, la voisine lui dit : « Tu as commis un crime, la justice se vengera sur toi. Je le mérite!... répondit J... >> J... remit elle-même le couteau au maire; elle ne chercha ni à se cacher, ni à s'évader; elle avoua son crime au procureur de la république, en l'attribuant au désespoir causé par le délaissement du père de son enfant, et elle dit à ce magistrat : « Faites de moi ce que vous voudrez, je le mérite. » M. Boileau de Castelnau, prenant en considération les antécédents héréditaires de J..., dont le grand-père était mort aliéné, dont la mère avait éprouvé des accidents nerveux très-graves; s'appuyant, en outre, sur la multiplicité des blessures, sur l'arrachement complet du cordon ombilical, indice d'une violence inutile et désordonnée; enfin, sur ce fait que l'inculpée n'avait nullement cherché à cacher son crime, et en avait avoué toutes les circonstances, arriva à cette conclusion, que J..., au moment où

146 DE LA FOLIE TRANSITOIRE AU MOMENT DE L'ACCOUCHEMENT. elle avait commis son crime, était en proie à un égarement momentané qui lui enlevait le libre exercice de ses facultés affectives et intellectuelles. Le jury admit seulement des circonstances atténuantes.

Les faits de ce genre, trop négligés par les auteurs spéciaux, méritent une enquête sérieuse et ne sauraient trop attirer l'attention des médecins légistes.

QUATRIÈME SECTION.

CHAPITRE PREMIER.

DES CAUSES DE LA FOLIE DES NOUVELLES ACCOUCHÉES
ET DE LA FOLIE DES NOURRICES.

§ 1. Si la folie des femmes enceintes constitue une espèce pathologique bien caractérisée qui méritait d'être étudiée tout à fait à part, il n'en est pas de même de la folie des nouvelles accouchées et de la folie des nourrices. Ces deux maladies ont été confondues par tant d'auteurs sous la commune désignation de folie puerpérale, elles offrent dans leur point de départ et leur mode de développement tant de points de contact, que tout en les isolant plus tard, lorsqu'il s'agira d'étudier leur fréquence, leur marche et leur pronostic, nous croyons utile de réunir dans un commun chapitre tout ce qui a rapport à leur étiologie. En groupant ainsi tous les documents que nous possédons sur ce point, nous espérons faire ressortir avec plus d'autorité les points les plus saillants de cette question, curieuse au point

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