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la fièvre de lait, le délire se déclara : ce délire, peu intense et assez tranquille, éclata avec une vivacité nouvelle six semaines après l'accouchement, au moment du retour de couches, et il durait depuis près de six semaines, lorsque la malade fut amenée à Charenton; elle y séjourna cinq mois sans que son accès de mélancolie ait différé d'une manière notable de ceux qu'elle avait eus précédemment. Il y avait prostration extrême, refus d'aliments; elle croyait qu'on voulait la tuer, l'empoisonner, et, dans toutes ses actions, montrait une défiance et une indécision remarquables. A chaque époque menstruelle, il se manifestait une grande exacerbation dans l'agitation et le délire, on observait même des convulsions hystériformes.

Tous ces symptômes se sont graduellement amendés; lorsque la malade a quitté Charenton, il ne restait plus qu'un peu d'indécision dans ses allures, mais le délire avait disparu et les règles venaient sans accident.

53e OBSERVATION.

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Mélancolie ayant débuté six semaines après l'accouchement. Amélioration, rechute. Mort au bout de neuf mois. Tubercules du poumon et du péritoine.

Teph..., âgée de 38 ans, entre le 18 septembre 1852 à la Salpêtrière, dans le service de M. Baillarger.

Cette femme est sujette à des altaques d'hystérie qui reviennent à la moindre contrariété; son caractère est impressionnable et son intelligence assez développée, on ignore ses antécédents héréditaires. Son avant-dernier accouchement date de huit ans : après ce long intervalle elle est redevenue enceinte et a mis au monde, il y a deux mois, un enfant qu'elle n'a pas essayé d'allaiter. Six semaines après l'accouchement, les règles sont survenues; elles ont été péu abondantes, ont duré à peine un jour et demi, et se sont accompagnées d'un peu de tristesse, d'agitation et d'insomnie.

Deux purgatifs ont été administrés et ont amené un peu de calme, mais cette amélioration a été passagère, et, au bout de deux jours, l'agitation a reparu plus vive que jamais la malade croit qu'on veut l'assassiner, elle a des hallucinations de l'ouïe et de la vue, et bientôt son état devient tel qu'on l'amène à la Salpêtrière.

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Au moment de son entrée (18 septembre), la malade offre tout l'aspect extérieur de la mélancolie avec stupeur; la figure est immobile et étonnée, les yeux sont largement ouverts, les pupilles dilatées. La malade parle à peine, s'agite sans motif; la peau est chaude, le pouls à 76.

Affusions froides, lavement purgatif.

21 septembre. La constipation est moins prononcée, le facies est meilleur, la malade s'intéresse

un peu à ce qui se fait autour d'elle, et demande à

voir son mari.

26 septembre. Les règles sont arrivées sans amener d'agitation; il y a plus d'animation, plus de facilité dans les réponses, mais les hallucinations. de l'ouïe persistent; pendant la nuit, elle entend crier sa fille et cherche à se lever.

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1 octobre. La malade répète qu'elle n'entend plus de voix, elle sent que sa conduite est folle, qu'elle est poussée malgré elle. Elle se plaint de céphalalgie.

9 octobre.

L'agitation recommence, T... croit qu'on lui veut du mal, qu'on la poursuit, qu'on la tourmente; elle refuse de voir son mari, et demande à être conduite à la mort, si elle est coupable.

L'agitation a continué pendant tout le mois d'octobre; en novembre, il y eut de nouveau de l'amélioration, et vers la fin de décembre cette amélioration était telle, qu'on dut accorder à la malade sa sortie à titre d'essai. Mais à peine a-t-elle quitté la Salpêtrière, que l'agitation et les divagations reparaissent. Arrivée sur le pont d'Austerlitz, elle menace de se jeter à l'eau si son enfant ne lui est pas rendu. Elle est immédiatement ramenée à l'hôpital.

Pendant tout le mois de janvier, elle est fort agitée; dormant peu, criant, gesticulant d'une manière presque continuelle.

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En février, en mars, en avril, son état ne se modifie pas d'une manière sensible.

En mai, on s'aperçoit qu'elle maigrit beaucoup et que des accès irréguliers de fièvre viennent surtout le soir; elle refuse de manger, disant qu'on veut l'empoisonner, et du reste conserve toujours les mêmes idées délirantes et les mêmes hallucinations. Elle entend toujours parler de meurtre et de guillotine, ne se rappelle ni son âge, ni le mois, ni l'année.

En juin, la fièvre et l'amaigrissement firent des progrès notables, et bientôt l'on vit se manifester tous les symptomes physiques et rationnels d'une tuberculisation pulmonaire et abdominale. La malade est moins agitée, ses idées sont moins incohérentes, mais elle est toujours triste et répète que la mort est préférable aux souffrances qu'elle endure.

Elle a succombé le 6 juillet à une diarrhée colliquative qui l'a promptement épuisée.

A l'autopsie, le cerveau, le cervelet et leurs membranes furent trouvés parfaitement sains, à part un peu de piqueté dans la substance blanche. Dans les poumons et dans le péritoine se trouvaient en grand nombre des tubercules avec toutes les altérations anatomiques qui les accompagnent, et dont la description serait ici superflue.

Art. III. De la monomanie chez les nouvelles accouchées.

§ 1". Les lésions partielles de l'intelligence qu'on observe chez les femmes récemment accouchées, peuvent être variées à l'infini dans leur forme, leur marche et leur pronostic: aussi est-il difficile de tirer de leur ensemble quelques conclusions générales qui puissent recevoir une application un peu étendue.

La forme la moins grave, mais non la moins curieuse de ces lésions partielles, consiste en ces hallucinations de l'ouïe et de la vue qui viennent le soir au moment du sommeil, ou le matin avant que le réveil soit complet; à leur premier degré, ces hallucinations ne constituent pas, à proprement parler, un cas d'aliénation mentale, car les femmes ont conscience de leur état, elles sentent qu'elles éprouvent là un phénomène morbide dont elles n'admettent pas l'existence réelle; mais si cet état se prolonge, obsédées par les voix qui les poursuivent à tout instant du jour et de la nuit, les malades deviennent inquiètes, agitées, et bientôt leur esprit ébranlé cède aux perceptions maladives qui leur sont fournies par les sens.

Une jeune femme que j'ai observée avec mon excellent collègue le docteur Charrier (observ. 54), le soir même de son accouchement, au moment de s'endormir, s'est entendue parler elle-même, et ce

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